L’Extase
Nina Ricci
- Marque : Nina Ricci
- Année : 2015
- Créé par : Francis Kurkdjian
- Genre : Féminin
- Famille : Florale
- Style : Gourmand - Sage
Dans L’Extase, personne ne vous entendra ronfler
par Alexis Toublanc, le 9 mars 2015
A celles et ceux qui pourraient se demander ce qu’est une absence de direction artistique, qu’ils aillent découvrir le nouveau parfum de Nina Ricci, L’Extase. Sur auparfum, nous tenons évidemment à privilégier l’olfactif, qui est souvent la dernière chose dont les communicants parlent lorsqu’ils lancent un parfum. Néanmoins, la direction artistique est d’une importance capitale lorsqu’il s’agit de lancer un nouveau produit sur le marché et il est parfois bon de l’évoquer.
Pour L’Extase, l’idée était de représenter en parfum l’ADN érotique de la marque nous a t-on dit le jour de la présentation. Comme introduction, c’est assez surprenant. L’Air du temps, chef d’oeuvre de la marque, était dès sa création un symbole de l’innocence, de la paix, de la candeur, interprété olfactivement par un oeillet doucement boisé et rond tout sauf sulfureux. Quant à l’actuel best-seller, Nina, il cible avec une certaine justesse les adolescentes qui gloussent et rougissent à la simple mention du mot "érotique". Je passe sur le patrimoine oublié de Nina Ricci, Fille d’Eve, Fleur de fleurs, Coeur Joie, qui témoignent d’une tendresse ingénue et romantique. M’enfin... Brace yourself, L’Extase, « Libérez vos fantasmes » is coming.
Nous voilà ainsi face à une Laetitia Casta en train de filer le parfait amour avec Quim Gutiérrez, dans un spot de pub qui se voudrait subversif mais qui semble oublier que ça fait maintenant 20 ans qu’on nous vend parfums, voitures et déodorants avec la même rengaine.
On comprend assez vite. Le public ciblé par La Vie est Belle a dû en inspirer quelques uns, avec cette égérie à même de séduire les femmes ayant passé l’âge de fangirler sur Twilight (pour mieux fangirler sur 50 nuances d’une robe bleue/noire - blanche/dorée). C’est même plutôt malin pour une marque ayant déjà conquis un public ado comme un public d’adeptes plus traditionnels.
Et dans tout ça, Francis Kurkdjian a dû se dépatouiller pour représenter, sûrement pour la 75ème fois de sa carrière, la fameuse femme libre, moderne, sensuelle et intemporelle vendue par 95% des dossiers de presse depuis la Cologne de Farina.
L’Extase semble ainsi se dérouler en deux temps. La première partie est une rose comme Kurkdjian sait bien les faire. Moins métallique-expérimentale que dans My Burberry, elle est ici plutôt pétillante et guillerette, évoquant sans difficulté le Morillas de la première moitié des années 2000. Un peu cassis, un peu verte et forcément florale, c’est sûrement la partie où le parfumeur s’est fait le plus plaisir.
La deuxième partie du parfum, elle, traduit tout ce qui ne va pas avec la direction artistique. Dans sa volonté de viser beaucoup (trop) de personnes, le parfum s’étale dans une masse compacte et infinie alliant toutes les tendances de la parfumerie grand public. L’image employée ne sera pas d’une grande originalité mais s’avère pourtant d’une exactitude déconcertante : le reste de L’Extase sent le Sephora. Les muscs, constants, assourdissent un amas de notes boisées caviardées de la marmelade habituelle. Le tout s’assemble en un maëlstrom interminable qui en devient presque comique.
C’est avec des parfums comme celui-ci que la critique de parfum a toute sa légitimité et qu’un discours revendicatif se doit d’exister. L’Extase aurait pu être une nouveauté vraiment intéressante si seulement on avait laissé une plus grande marge de manoeuvre à la création. Le parfum aurait pu gagner en lisibilité s’il y avait eu une véritable direction artistique avec un minimum de parti-pris. Et quand je parle de parti-pris, je ne parle pas forcément d’un choix olfactif pointu ou polarisant, mais simplement de savoir dire "non, ne prenons pas cette direction en plus de toute les autres. Elle n’apporte rien au propos". Car à trop vouloir en dire, L’Extase finit par sentir la peur du marketing, l’automatisme du parfumeur et l’ennui du passionné.
Quant au grand public, au final on sait tous que c’est sur son profil Tinder qu’il libérera ses fantasmes, pas au premier Sephora venu.
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par Memories, le 9 mars 2015 à 11:20
Cette extase ne pourra donc être que simulée...A qui se fier de nos jours ??? Grandeur et décadence d’une maison.
Et c’est vrai Jicky, quelle tristesse quand on repense à Coeur joie (de la grande Germaine Cellier), Fille d’Eve (et sa pomme d’amour) et l’Air du temps (le parfum de ma maman) ou même Philéas (bien beau ce voyage en 80 jours).
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