Auparfum

Idée reçue n°10 : un parfum ne se garde pas plus de 3 ans

par Jeanne Doré, le 16 mai 2015

L’idée :
« J’ai toujours entendu dire dans les parfumeries qu’un parfum, ça se gardait 3 ans grand maximum, après : poubelle, c’est trop vieux, et ça peut être dangereux, on pourrait attraper des maladies. »

La vérité :
OK, un parfum, c’est pas tout à fait comme du vin… mais tout de même, on peut conserver un parfum bien plus de 3 ans !
L’indication de 36 mois sur tout produit cosmétique ou parfum est avant tout une couverture juridico-légale pour l’industrie, afin d’être tranquille en cas d’altération du produit, et donc de réclamation passé cette période.
Mais si vous avez déjà eu l’occasion de sentir un parfum vintage qui datait de plus de 50 ans, vous avez pu constater que certains s’en tirent vraiment admirablement, et qu’il aurait été plus que dommage que leur premier propriétaire les mette à la poubelle après 3 ans !

Pour résumer, les pires ennemis du parfum sont : la chaleur, la lumière, l’humidité et l’air.
Le meilleur moyen de conserver un flacon de parfum, c’est donc de le garder à l’obscurité, dans sa boîte, dans un placard fermé (les UV altèrent les molécules olfactives), à une température constante, entre 11 et 15 ° idéalement (la chaleur accélère les réactions), et à faible taux d’humidité (une cave à vin sera parfaite).

Donc vous l’aurez compris, les plus mauvais moyens de conservation sont les flacons sans boîte, exposés dans la salle de bain ou sur un rebord de fenêtre... et au pire, au soleil !

Les flacons "spray" se conservent en théorie mieux que les flacons « splash », car le fait d’ouvrir le flacon augmente le contact avec l’air qui accélère l’oxydation.
Attention toutefois : si le flacon n’a pas été utilisé depuis longtemps, il convient d’amorcer la pompe en sprayant plusieurs fois "à vide", pour purger le parfum contenu dans le tube plongeur.
Un flacon plein se conservera toujours mieux qu’un à moitié vide, toujours à cause du contact de l’air et de l’oxydation.
Enfin, les eaux de parfums et extraits, plus concentrés en matières « de fond », se conservent à priori mieux que les eaux fraiches, légères, aux notes plus volatiles.
Les notes de tête (agrumes, aromatiques…) les plus volatiles sont généralement plus sensibles à l’oxydation que les notes de fond, qui, plus lourdes et plus lentes à l’évaporation, sont également plus résistantes à l’instabilité dans le temps.

De manière générale, les ambrés et les cuirs résistent mieux au temps. Attention avec les chyprés, où le patchouli et la mousse de chêne ont tendance à remonter et phagocyter le reste de la composition, amenant une odeur plastique.
Certaines fleurs foncent naturellement avec l’âge sans altérer l’odeur, c’est notamment le cas du jasmin et surtout de la fleur d’oranger, en raison de la présence d’anthranilate de méthyle qui forme au contact d’un aldéhyde ce qu’on appelle une base de Schiff.

Mais il n’y a pas vraiment de règle, on ne peut pas prévoir combien de temps un parfum sera correct. Le meilleur juge reste votre nez : appliquez sur votre poignet, et si après quelques minutes, le parfum vous semble reconnaissable et agréable, c’est qu’il n’y a pas de problème.
Si au contraire, une odeur de vinaigre, de plastique, ou un note métallique, disgracieuse et désagréable persiste, c’est que le parfum est "shooté", trop transformé, c’est un peu comme un vin bouchonné.

Et si vous avez peur d’attraper Ebola : les parfums étant constitués en majorité d’éthanol, antiseptique par nature, peu de chance qu’une colonie de bactéries ou de champignons se développe dans un milieu aussi hostile... le risque est donc avant tout olfactif, pas sanitaire.

Merci à Yohan Cervi pour ses commentaires et ses conseils !

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par Memories, le 17 mai 2015 à 00:09

Laliste des idées reçues se termine par un beau sujet : la conservation des parfums.De quoi rassurer toutes les personnes qui se posent des questions à ce sujet.

Merci à vous Jeanne et merci à Yohan expert sur le sujet (et c’est un plaisir).

Rien à ajouter tellement c’est complet.Ah si : j’applique ces conseils à la lettre depuis 38 ans, et cela permet (grâce à des vintages de différentes époques) de conserver une trace de parfums dont la beauté reste inégalée et dont aucun jus actuel ne peut donner une idée.Car, le parfum, pour moi, ce n’est pas seulement se pschitter quelques gouttes sur la peau pour sentir bon (ce qui n’est déjà pas mal) mais, c’est une histoire, une culture, une évolution qui touche bien des domaines (les maisons et marques de parfums, les grands créateurs, les flacons et les grands maîtres verriers, la chimie, les évènements historiques liés à ces parfums, les livres, etc).Personnellement, c’est l’ensemble des sujets qui m’intéresse et pas seulement la senteur (même si l’importance de celle-ci est primordiale).
Et, comme le dit l’article, des fragrances peuvent durer dans des conditions satisfaisantes si l’on fait ce qu’il faut pour cela.Mes plus anciens jus datent des années folles et je les trouve encore dignes de leur grand passé.

Où commencent et où s’arrêtent les passions ? Et comment les faire survivre ?

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par Newyorker, le 17 mai 2015 à 00:44

Cher Aryse,
Merci, c’est toujours un plaisir de vous lire également.
Je rejoins, sans surprise, votre vision de la parfumerie. A ce sujet, j’ai récemment acquis un Farnesiana de Caron en extrait de 1947 (toute première version), et une Violette Précieuse, de Caron également, en extrait de 1926. Les deux sont en parfait état de fraicheur, et pourtant la date de péremption est plus que dépassée...Leur beauté me bouleverse. Je souhaitais savoir si vous les connaissiez, ou même si vous les avez, auquel cas, j’aimerais beaucoup avoir votre avis.
Bonne soirée et merci !

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par Aryse, le 18 mai 2015 à 17:50

Bonjour Yohan,

Hélas non, je n’ai aucun de ces deux parfums dans des versions si proches de leurs années de création.Chez Caron, dans des vintages très anciens, je possède uniquement Tabac Blond en 2 extraits (l’un de 1922 et l’autre de 1925) et une fantastique miniature d’edt datant du début des années 30.Mais, comme ce jus est pour moi l’un des 2 plus grands de tous les temps (l’autre étant Après l’Ondée), c’est un pur bonheur.

Cependant, il faut reconnaitre qu’avoir les 2 que vous citez (et dans des versions de rêve), c’est ajouter 2 joyaux à une collection, d’autant qu’ils font partie des fragrances de la marque que j’apprécie le plus.

Farnesiana qui reprend comme base la note d’héliotrope travaillée de façon poétique dans le diurne Après l’Ondée et d’une façon plus nocturne mais belle aussi dans l’Heure Bleue en donne une version différente qui en fait, selon moi, une senteur joyeuse,suave, opaline, un véritable remède contre les maux de ce monde.La version que je connais date des années 80.Avez-vous retrouvé cette orientation dans la version d’origine ?

Pour Violette Précieuse, cette fleur est l’une de mes préférées en parfumerie et ce parfum l’une de ses plus belles interprétations par l’équilibre trouvé entre la fragilité, la tendresse et la solidité, le sucré donné par la vanille et le citron et la sécheresse provenant de la violette et de l’iris.Hélas, la reformulation de Richard Fraysse a, pour moi, massacré cette beauté....Halte à l’hérésie.
Mais, je suppose que votre version de 1926 lui redonne toute sa beauté d’origine (1913 je crois).Heureux homme...

Bonne soirée.

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Solance

par Solance, le 16 mai 2015 à 23:41

Bon eh bien, comme déjà dit précédemment, je ne fais rien comme il le faut mais je le sais et j’assume... je n’ai pas un nombre de flacons suffisants pour qu’aucun ne me dure plus de 3 ou 4 ans à mon avis et surtout, je n’ai pas envie des contraintes citées.

Le principe de précaution me gonfle et se situe à l’antithèse de ma personnalité...

Et puis mon Dieu, si un jour l’un ou l’autre de mes parfums tourne, eh bien il tournera !... ça reste un parfum, du matériel quoi ;)

Comme je ne suis pas trop parfums hespéridés et que j’ai un seul chypré, ça devrait le faire cela dit ;)

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par Newyorker, le 17 mai 2015 à 00:46

Bonsoir Solance,
En effet, tout dépend de la vision que l’on a de la parfumerie, et de l’usage que l’on fait du parfum.

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par Solance, le 17 mai 2015 à 11:15

Oui c’est vrai Newyorker. De la parfumerie et de la vie en général....
Je suis assez peu attachée aux choses et à l’Avoir et pour moi l’humain passe très largement avant le matériel, c’est la seule passion pour laquelle je n’ai pas de limites ;)
Si demain je me fais attaquer dans la rue, je serai pas du tout du style à m’aggriper à mon sac à mains, alors vraiment pas hihihi ...
Après chacun fait ce qu’il veut et je sais qu’ici il y a des mordus acharnés du Parfum, je comprends donc qu’ils prennent grand soin de leur passion :)

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par Jeanne Doré, le 18 mai 2015 à 16:45

Bonjour Solance, comme Newyorker l’a expliqué ci-dessus, si on "consomme" ses parfums rapidement, ou qu’on peut se les racheter, il n’y a aucun problème à les exposer aux "dangers" de la lumière, du soleil, etc...
C’est bien entendu essentiellement losqu’on cherche à preserver du temps des flacons précieux (comme des parfums disparus du marché) qu’il vaut mieux être prudent et prendre ses précautions.

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