"Cuir améthyste" de la ligne exclusive Armani privé

C’était un achat en aveugle.
L’avis écrit par Tania Sanchez (et Luca Turin) était très mauvais sur ce parfum. Je n’avais plus de souvenir olfactif pour ce parfum, seulement le souvenir des avis qui le classait comme un parfum clivant et inutilement cher.

J’avais redécouvert "Ambre soie" dans une version ancienne similaire.
C’est une odeur sublimée d’orangette : fleur d’oranger, écorces d’oranges presque confîtes, anis, patchouli, base complexe résineuse, et de l’absolu myrrhe. Christine Nagel a beaucoup de parfums qui gravitent autour de ce thème ambré, avec de la myrrhe, "Mauboussin" de Mauboussin, "Theorema" de Fendi, et "Archive 69" d’EldO.
J’apprécie le luxe de ces flacons aux antipodes du style nouveau riche : il n’y a pas même pas de médaillon sur le devant du flacon ; le bois laqué rend le flacon singulièrement léger et patiné ; et le galet en plastique imite joliment les pierres fines. C’était plutôt une bonne affaire, ce qui me permettait de le revendre si le parfum s’était avéré être un monstre importable. Heureusement, le pari a réussi.

"CA" débute par une violette intense et baumée, avec peut-être de l’absolu fleur d’oranger, et l’effet cristallin de l’absolue rose centifolia.
VELOURS. Il n’y a pas de cuir, mais un effet de velours sombre très marqué. En premier lieu, les extraits de feuilles de violettes ont un effet velours : pelucheux, vert, et un peu craquant comme les feuilles de saintpaulia sous les doigts. Les fournisseurs proposent désormais des fractions du même extrait naturel, ici de feuille de violette, pour que les compositeurs puissent renforcer la puissance de certaines facettes de l’ingrédient, et d’en atténuer des facettes jugées indésirables.
BAUME. Les mêmes ingrédients à effet "baumé" semblent être travaillés sous l’angle de leur double visage. Il y a le visage onctueux et "baume à lèvre" : l’iris dans sa facette propre, le poudré du benjoin, un peu de vanille, et l’ambre végétal. Et il y a le visage plus sec et étrange de ces notes baumées  : la facette crinière du beurre d’iris, la poussière d’encens du benjoin, le soupçon de cuir et de tabac de la vanille ?naturelle ?, et une base ambrée spéciale -un peu animale, avec une étrange facette anisée *-.
PATCHOULI. Et pendant toute l’évolution, il y a un patchouli au rendu de feuilles sèches. (Il s’agit probablement d’une "fraction" de patchouli aussi, j’en parlais plus haut pour la feuille de violette).
CUIR. Le seul effet purement cuir, ce pourrait être un ajout d’un peu d’IBQ *(1), et surtout de bouleau pour corser le baumé de l’iris. D’ailleurs ça me rappelle "Misia" de Chanel en EDT, et je me demande alors si Misia ne contiendrait pas du bouleau. (Les bons génies chez Chanel sont obsédés par les approvisionnements de qualité, et ils ont besoin du bouleau pour "Cuir de Russie".) Michel Almairac est crédité pour "CA" sur fragrantica.

Le rendu est très proche de "I miss violet" de Duchaufour pour The different company, que j’aime beaucoup aussi.
À la différence que ce dernier, "IMV" a un fond presque chypré, sans que je me l’explique. Autrement, les deux partagent énormément de qualité, notamment dans le choix des extraits naturels choisis.

Contrairement à ce que dise LT&TS, je trouve le parfum très structuré, caressant et agréable. (pas confus, brutal et puant)
Je me demande si ce ne serait pas l’approvisionnement pour la base ambré, un peu animale et encens, à inflexion anisée, qui a causé un problème. *(3)

Bref, pour l’instant je le sens dans un gobelet depuis hier, mais je me vois bien le porter pour mon plaisir personnel. Si j’en ai l’opportunité, j’irais sentir l’actuel pour dire s’il se défend bien. (Et mon flacon a peut-être bénéficier d’un effet de maturation ***). Je n’ai pas encore senti "Violette volynka" de Hermès, mais je me réjouis devoir de nouvelles violette cuirée être crée, dans la lignée de "Jolie madame" de Balmain.

*(1) Isobutyl quinoléine. (C’est l’ingrédient synthétique à effet cuir le plus connu et le plus employé. Quand il est utiliser seul -ou presque-, surtout dans les parfums reformulés sous la contrainte de l’IFRA, je le trouve assez moche et ennuyeux).

*(2) Je n’arrive pas à trouver le nom de cette base, ou famille de bases (Help !). Je cherche le nom d’une base proche d’une base ambrarome, mais renforcée d’autres résinoïdes -dont du patchouli- et de notes musquées. Elle serait différente des bases animalys. Elle se prêterait bien à une inflexion anisée, puisque j’ai l’impression que c’est la même dans "Cuir améthyste" et "Ambre soie".

*(3) Il me semble que les parfums avec de l’absolu fleur d’oranger gagnent parfois une lisibilité en tête avec le temps. "L’heure bleue", "Jubilation 25", ... peut-être "Chypre palatin" aussi. Outre la lisibilité, c’est plus plaisant, il y a plus de rondeur, et de cohérence (parfum devant moins confus et touffu en tête). Le site "TheScentTree" parle de la réactivité de cet ingrédient avec les aldéhydes. Suis-je le seul à avoir fait cette expérience ?