L’Eau de Paille, les moissons du Serge
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Interrogeant les mondes visuels et olfactifs, deux expertes échangent en écho au dossier publié dans le dix-huitième numéro de Nez, la revue olfactive.
il y a 16 heures
Toute une époque que ce VC Pour Homme ! Cuir suave d’une complexité envoûtante. Un grand masculin(…)
il y a 16 heures
Bonsoir Adhara, Merci de nous avoir communiqué cette bonne nouvelle. En fan de ce mythique(…)
il y a 16 heures
Profitez-en il y a une promo sur leur site web en ce moment sur plusieurs références(…)
Jardin impressionniste
Lavande délavée
Église en flammes
"L’eau de paille"
C’est une cologne sous-dosée, à 40% de son intensité. Les avis que j’ai lu ailleurs sont souvent très négatifs. Maintenant que vous avez revu vos attentes à la baisse, je dois dire que je l’aime bien.
Le jour où je l’ai découvert, mon inconscient l’a trouvé agréable et a eu l’envie d’en mettre plus. Elle a sa petite originalité. Mon avis est entre "moyen" et "bien".
J’ai donc cherché un flacon d’occasion.
Le rapport intensité / prix est mauvais. Mais à ce stade, soit vous êtes un richou qui s’en moque, soit vous êtes un.e passionné.e.s qui cherchera une offre d’occasion (50€ ou moins, quoi). (Soit vous avez appris à l’aimer de plus en plus).
J’aime vraiment beaucoup le flacon, qui est dévissable et réutilisable. Avec sa forme carré, et sa belle forme dépolie par transparence. J’ai envie d’en avoir plusieurs, et de mettre du Chanel dedans. Toutefois, j’ai lu ici et là des gens pour trouver le bouchon moche. Osef...
Mais ça sent quoi alors, sur la peau ?
Alors, c’est une écriture parfumesque en tout petit.
Ca sent rien, puis ça sent un peu de pomme blète agréable -rappelant les lavandes au dyhydromyrcenol des années 80 (sans vraiment la cardamone, ni le patchouli)-, ça sent pas ouvertement l’absolu paille comme je l’attendais, ça doit contenir de l’iso-e-super.
Une copine est hypersensible à un truc dedans. Je ne sais pas quoi, car moi ça va, mon hyper-osmie aux boisés-ambrés n’est pas titillée.
Après, le vétiver apparaît un peu si on presse le nez, par sa facette proto- ananas (la suite de la pomme blète), un peu de sauge, et l’encens blanc est probablement derrière, et peut-être qu’une micro-touche de vrai vanille (teinture de gousses) réchauffait le tout depuis le début.
Ça sent le parfum "T-shirt", comme le définissait Juliette Faliu. Le ressenti agréable est là : un souvenir de propre, un confort de sortie de douche ou de bain, ça sent le linge propre et la chemise blanche, sans les fautes de goûts des lessives au musc blancs rapeux. C’est une petite bulle de rêve, et de savon, qui freinera un peu les micro-agressions du quotidien auxquelles on s’attend.
Le pari conceptuel est tenu : Certes ça sent un peu la vieille "trace de cologne" sur la peau, désolé pour l’expression. (C’est le côté cologne sans hespéridé). Mais ça sent "l’autre", de manière civile. Ce quelqu’un a mis pour la journée, de façon impromptue, une chemise blanche dans une belle matière. C’est un autre qui donne envie de se rapprocher. "L’eau de paille" est un parfum de peau, qui m’évoque une promiscuité agréable. C’est bien une "eau de politesse". C’est un peu une odeur de métro au paradis. J’y trouve de la poésie.
La parfumerie connaît des cycles.
Par exemple, l’inconscient collectif associe l’odeur de propre aux muscs blancs de synthèses des lessives. Elles se sont inspirées des savons durs. Eux, ils ont imité les parfums de luxe, quand ils utilisaient les coûteux 1ers muscs de synthèses pour leurs floraux, avant que leurs prix ne se démocratisent.
Lutens est un homme de notre décennie. Il pastiche les poncifs de "l’odeur de propre", en mettant tous les défauts à doses homéopathiques, à commencer par la surdose de musc blanc qui se sur-ajoute sur les vêtements. (l’effet dihydromyrcenol pomme blette, l’effet iso-e-super, le vétiver et l’encens qui supplantent le musc blanc, et la sauge la lavande, et le possible foin la vanille de synthèse)
C’est comme un silence assourdissant, après l’orage. On peut presque sentir la dissipation au loin des boisé-ambré, et des muscs râpeux. Nombre de gens n’arrivent pas à faire passer l’odeur d’aisselle de leurs t-shirt et chemises, ce qui ravive une odeur de vieille soupe au 1er effort. Et bien ici, même antipode, cet autrui a une sueur propre, qui perle avec une odeur sexy. (La sauge et l’odeur de bien des pharmacies).
Autre point, certains extraits naturels ont une faible intensité, quoi qu’on fasse. Et il y a un courage à les employer, car même les perfumistas vont vous descendre et dire que vous radinez ou mettez du faux.
Par exemple, c’est le cas du vrai mimosa. Nombre de fois j’ai vu des critiques d’amateurs éclairés, sur les sites anglo-saxon ou français, contre... "Mimosa et moi" de L’AP, "Farnesiana", "Pure eve" de TDC, etc... Mais cette discrétion est le charme même de cet ingrédient, qu’on apprend à détecter.
Ici, il y a une élégance à laisser le public sentir inconsciemment ?ces éventuels foin, sauge, pseudo- narcisse *, teinture de vanille ?. Ce ne serait pas la première fois que tonton Serge nous offre des broches dont, sans le dire, les strass sont en fait de vraies pierres taillées en cabochon.
* ("L’eau de paille" a peut-être ce pseudo extrait naturel de narcisse. Je retrouve un peu de cette signature de tige verte coupée, qui perle une goutte sucrée, avec une facette de foin. "Carat" de Cartier en revendiquait ouvertement, et j’avais plutôt parler d’un parfum "les habits neufs de l’empereur". (le descriptif citait un ingrédient pour chaque couleur de l’arc-en-ciel, dont un narcisse). "H24" d’Hermès revendique aussi une extraction mystère de narcisse dans sa pyramide olfactive, et ses photos à côté de la sauge.
Quelqu’un aurait-il des infos sur cet extrait naturel bizarre de narcisse ? )
J’y trouve une peu de poésie. Il y a un équilibre. D’un côté, il y a des poncifs de la parfumerie. (Sensation de dihydromyrcenol, d’iso-e-super, de gel douche yves rocher à la sauge). De l’autre, ces poncifs sont détournés, par des soupçons d’extraits naturels, dont certains rarement employés même dans la niche.
Avec le rendu des notes botaniques, ça fait que cet autrui -propret et dans les code, faussement guidé- semble paradoxalement libre dans sa tête. Il se dégage une nonchalance, une élégance.
C’est un peu comme quelqu’un qui murmure des choses intéressantes. Notre attention crée du silence pour que ses paroles en ressortent mieux. On y prête mieux l’oreille.
Peut-être que Lutens subvertit des tropes depuis le début avec ses "eaux". Je ne pensais pas dire ça un jour, mais ça me donne envie de tester à nouveau "L’eau", "L’eau froide", etc., pour confirmer ou infirmer la théorie. (J’étais plutôt dans l’équipe qui pense "supercherie", "trahison", "je veux des orientaux qui tâchent !")