Auparfum

Chapitre 2 - Le nez dans les essais : Isabelle Doyen compose Nuit de bakélite

Jicky

par Jicky, le 15 octobre 2020

Aaah quel plaisir de lire des interviews/reportages autour du travail de parfumeurs. Il y a tellement d’éléments à souligner dans cette retranscription du travail d’Isabelle Doyen.

Personnellement, ce qui me touche et que je trouve exceptionnel, c’est l’importance que le temps a pris pour développer ce parfum. Je me rappelle, au moment du lancement de Bois d’ascèse que Nuit de Bakélite avait déjà été annoncé (ça remonte à 2012-2013 donc !). Quand je suis arrivé à l’ISIPCA en 2015, j’ai eu la chance d’avoir Isabelle Doyen en professeur d’olfaction et je me souviens plus d’une fois, à la fin du cours, avoir essayé de lui demander si ce parfum était prêt, si on pouvait le sentir. Et elle disait que non, pas encore, il fallait encore du temps...

« Finir un parfum, c’est ne pas avoir de regret, de se dire qu’on n’a pas négligé une piste. Ce sont les autres qui disent que c’est fini, que les essais tournent toujours autour du même point, et que les modifications ne sont que des éclairages différents sur la même œuvre. »

C’est tout à fait ça. Et avoir eu le temps pour explorer ces pistes est un luxe que beaucoup de parfumeurs n’ont pas aujourd’hui. Beaucoup de petits développements de parfums se font rapidement, à partir de formules plus ou moins déjà prêtes et difficilement ajustées au projet (projet qui n’a parfois pas grand chose à dire... et donc peu d’éléments pour inspirer au parfumeur un développement plus complexe aussi il faut dire). Sur les gros lancements, j’ai l’impression que ce temps est plus un dilueur d’idées qu’autre chose : en partant d’accords plus ou moins forts, les tests et panels vont lisser les idées et inclure ce qui était un accord certes pas encore abouti en parfum mais néanmoins distinctif, dans un moule de facettes propres à séduire le public à un instant t (une année ce sera les notes fruitées, une autre fois les notes musquées propres, une autre encore les notes boisées, d’autre fois les notes sucrées, etc... quand parfois il s’agit même d’un peu toutes ces facettes pour être sûr de ne laisser personne sur le bord de la route).

Qu’on aime ou non Nuit de Bakélite, tout de suite on sent que c’est un parfum qui a été pensé, qui a été construit par quelqu’un. C’est ce que je relevais dans l’article sur le top 10 de la rédaction des parfums des années 2010, la richesse de la collaboration, le temps accordé au développement sont des facteurs de cette réussite créative assez incroyable.

C’est en tout cas toujours un grand plaisir de lire des parfumeurs s’exprimer, encore plus pour des projets aussi riches et où on sent qu’ils ont pu dire quelque chose à travers leur parfum.
Merci beaucoup pour ce dossier passionnant Olivier !

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