Auparfum

Samsara

Jicky

par Jicky, le 14 mai 2010

Sachez tout d’abord que Samsara c’est le parfum de ma mère, un parfum que je porte moi-même de temps en temps sur mon écharpe (règle n°1 : toujours avoir une écharpe sur soi), et qu’il fait partie des pionniers de mon intitiation au parfum.

Conclusion : mon avis ne sera aucunement objectif et bien loin des querelles sur l’identité de Guerlain.

A vrai dire, je m’en moque un peu, je suis né avec Samsara, j’ai grandi avec Samsara et je vis avec Samsara. Qu’importe la pub des années 80, le marketing, la mode : aujourd’hui, Samsara n’est plus comme ça, il est connu des initiés Guerlain, apprécié de tous en tant que tel et non pour sa communication. Pour moi, votre débat s’arrête là, j’y suis même un peu froid. Mais c’est parce que c’est pas de ma génération.

Pour clore cette déviation, une petite phrase de Oscar Wilde : "Le seul charme du passé c’est qu’il est passé".

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Samsara, en fait rien que le nom fait rêver. Le côté orientalisant, il révèle tout le parfum : la douceur du "s", la veloupté du "m" et la magie du "a".

Le parfum s’ouvre avec une onctuosité rare : les notes hespéridées sont là, mais aucunement agressive, juste très discrètes, très en retrait histoire de te répéter "eh eh ! attend voir ce qui arrive". Ce qui arrive ensuite, c’est pour moi une note de thé. Un thé vert assez fumé, infusé de tanin, un Darjeeling magnifié. Je le vois sans tasse, juste cet océan de thé avec une feuille verte majestueuse se laissant couler sur le flot. L’infusion s’intensifie dans le temps, comme si elle se fumait. On peut imaginer une baisse d’intensité, mais au moment où la bougie semble s’éteindre, le jasmin arrive.

J’ai appris le jasmin avec Samsara. Il apparait dans toute sa noblesse devant cette Sémélée que je suis, abasourdi. il est velouté comme du coton, il régule peu à peu le thé intense de la tête, offre un accord très charnel. Il est inevisageable à mes yeux de sentir Samsara sur papier. Non. Savourer ce mélange de fleurs intensément poudrées, évoquant une écharpe rouge et dans un camaïeu de marron. Des lèvres sublimes d’un carmin profond, accrocheur et liant une intimité parfaite. Je sens aussi du ylang-ylang très solaire, un peu comme beaucoup de parfum du même acabit que Songes de Goutal ou même Mahora de Guerlain. Là où L’Heure Bleue évoquait ce ciel dont entre soleil et étoiles, Samsara pourrait évoquer le crépuscule brûlant, ardent. Un océan de puissance, recelant toute l’énergie accumulée en un jour, sous l’oeil attentif du Soleil, qui se met en retrait. La nuit commence où la femme Samsara peut s’épanouir et aller jusqu’à ce Nirvana tant rêvé.

Et il est vrai que tout doucement apparaît l’iris. On extrait l’essence d’iris de sa racine. On obtient alors une essence très poudrée, typée, assez crémeuse parfois que l’on appelle aussi "beurre d’iris". Or, dans Samsara, j’ai l’impression de sentir une fleur d’iris. J’ai grandi avec beaucoup d’iris car mes parents ont toujours aimé cette fleur. Petit, je mettais mon nez dans ces grandes plantes imposantes, inodores pour les adultes. Mais moi je m’imaginais un petit monde remplit de choses en sentant cette fleur. Samsara me rappelle cette enfance bénie, où je m’inventais des histoires de fleurs. Il y en a une qui m’a particulièrement marqué et que je vais prendre la peine de dévoiler. C’était l’histoire d’un géant amoureux d’une iris violette. Mais devant le refus de la belle il devint fou et mangea des bébés crocodiles sous l’emprise de la tristesse. Dans le ventre du géant, les crocodiles découvrent un monde remplit de tristesse devant cette incapacité à aimer : des petits glacons avec des jambes qui pleurent de petites larmes d’amour (c’est cette image qui m’a marquée ! Faudrait que vous soyez dans ma tête pour voir ce que je ressens !). Ces petits glaçons pleurent des larmes d’une beauté infinie, qui au final coulent des yeux du géant et tombent délicatement près de l’iris, formant une petite mare irisée de couleurs rouges et profondes issue des entrailles du géant. C’est là que je situe Samsara, dans un monde remplit de peur, de tristesse mais aussi d’amour, de joie, de couleur. L’infine océan de douleur, mais les fleurs chatoyantes et cette odeur maternelle enivrante.

Le fond vient tout en douceur, il découle sans rebondissement grotesque. Inévitable. Le santal a toujours était omniprésent dans la création, sous la forme de l’aspect fumé du thé, de la douleur du géant et de l’iris. Dans le fond il est maître du délicat. C’est un boisé intense, noir, ocre, rouge, où s’allie une vanille imparable, très Guerlain dans son exploitation. Mais je sens aussi la fève tonka, qui apporte un accord millésimé au fond. Le thé se pare de nouvelles facettes gustatives entre la force du bois, l’intensité de la vanille et la chatoyance de la fève. Intemporel, unique, c’est une sorte d’apothéose de la parfumerie. On sent une maitrise parfaite de la composition avec la maturité d’un cuir léger et d’une Guerlinade mystérieuse et femme fatale, telle qu’elle était dans entre la tête et le coeur. Rouge à lèvre, robe du soir, nuit profonde avec pour seule visibilité un sillage magnifique.

Samsara c’est une facette importante de ma personnalité forgée dans ma plus tendre enfance baignée d’imagination. Ce que n’a pas Insolence, étant donné que je l’ai découvert bien plus tard, lui qui m’a révêlé concrétement la parfumerie. Samsara c’est une évolution très personnelle. On peut hésiter à parler de ses histoires, celles que l’on s’inventait tout enfant, car elles peuvent paraître absurdes aux yeux des autres aujourd’hui et que l’on ne peut recréer la poésie de l’image que l’on s’est créé. Mon avis peut paraître totalement inadapté, ce que je conçois, mais c’est ma vision maternelle d’une identité à part entière, bien loin des querelles sur "Guerlain d’hier et d’aujourd’hui"

Je vais finir là aussi par une citation de Jean Anouilh : "Avec un peu d’imagination, on peut très bien vivre toute sa vie en un soir"

Vive l’odorat !

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