Philosykos
Diptyque
Les Classiques
- Marque : Diptyque
- Année : 1996
- Créé par : Olivia Giacobetti
- Genre : Féminin - Masculin
- Famille : Boisée
- Style : Frais - Pointu
Abstraction figurative
par Clément Paradis, le 11 février 2020
Sorti en 1996, deux ans après sa création pour L’Artisan parfumeur, ce premier parfum d’Olivia Giacobetti pour Diptyque est bien plus qu’un « deuxième figuier ».
Avoir grandi dans les années 1990, c’est avoir connu le frivole et le sérieux : le sérieux, c’était les conflits armés autour du globe dont les images faisaient régulièrement les premières pages des journaux, quand le frivole était fait des nouvelles odeurs qui s’invitaient dans les salons, tantôt fraîches tantôt fruitées, ces odeurs qui venaient chasser l’orientalisme tapageur des années 1980, et cohabitaient étrangement avec les nouvelles du monde.
Parmi les innovations olfactives de l’époque se trouve une note devenue un incontournable de la parfumerie : la feuille de figuier et ses tonalités lactées, vertes et boisées, présentées pour la première fois par la bougie Figuier créée par Olivia Giacobetti pour Diptyque en 1992. Deux ans plus tard, la note prend sa place dans le désormais classique Premier figuier pour L’Artisan parfumeur (et le parfum d’intérieur qui l’accompagnait), mais en 1996, la créatrice est de retour chez Diptyque pour dévoiler Philosykos, « l’ami du figuier ».
L’amitié c’est important. Est-ce la bougie Figuier qui trouve ici une escorte, ou le Premier figuier qui en appelait un second ? Malgré la proximité qui existe entre ces fragrances, force est de constater que chacune a ses amateurs, ses défenseurs, ses détracteurs, et que Philosykos comme Premier figuier tiennent bon sur les étagères des parfumeries plus de vingt ans après leur sortie. L’histoire n’est pas celle d’un clonage, mais d’un cheminement commun : le premier figuier et son ami ne peuvent être confondus. Certes, on retrouve dans les deux flacons cette douce verdeur méditerranéenne, un petit côté « feuille et fruit » et le fond lacté d’un bois nourri à la fois des embruns et du soleil, mais leur esprit est bien distinct.
Le Premier figuier incarne une vision de la nature méditerranéenne et en fait le récit passionné dans un tourbillon de matières, quand son ami la voit et la comprend, et finalement la re-présente avec une économie de signes troublante. Que l’on s’entende bien : amenés sur deux touches côte à côte dans un coin de comptoir de parfumerie, les deux jus ne hurleront certainement pas leurs différences aux nez des béotiens. Ce qui se joue entre ces deux parfums est un peu plus subtil que cela, mais c’est aussi peut-être plus crucial : Olivia Giacobetti n’a vraisemblablement pas trouvé deux manières d’interpréter le figuier, mais plutôt deux niveaux d’interprétation.
L’esthète Clement Greenberg, qui s’intéressait à ces dynamiques de relecture, dirait sans doute que l’on a affaire, face à Philosykos, à un parfum d’avant-garde, c’est-à-dire ne se préoccupant plus d’imiter le réel mais développant au contraire un regard sur cette imitation. Car si Premier figuier pouvait être l’imitation du figuier, le Diptyque est l’imitation de cette imitation, au sens le plus noble du terme, une re-présentation polie et savamment restructurée, minimalisée, comme si le parfumeur avait cherché à réinterpréter son geste plutôt que la simple matière observée. Philosykos est cette mystérieuse expérience qui parle peut-être moins de la nature odorante que de l’acte de créer un parfum qui l’évoque. C’est un parfum qui parle de parfum. L’accord de Premier figuier se trouve ainsi ébarbé de ses aspérités poudrées et noueuses, pour se charger en muscs moelleux rappelant l’odeur de la peau, des céréales fraîches et de quelques vapeurs iodées tirant la bulle verte du figuier vers des tons de bleu abstraits. La fine alchimie qui a enfanté l’ami du figuier en a fait une création épurée, peut-être plus conceptuelle, et le Philosykos se fait aussi philosophe délivrant la sagesse à l’ombre d’un feuillage exotique, quand plus loin dans la figueraie, le sybarite Premier figuier s’autorise une orgie de fruits, en communion avec un paysage plus concret.
Une fois revenus du côté du comptoir de la parfumerie, un certain nombre de dilemmes peuvent turlupiner le perfumista : il est vrai que la figue, on commence à en avoir soupé, après ses heures de gloire comme identité olfactive du concept-store parisien Colette, après même qu’on a dû la subir dans tous les établissements cherchant la distinction plus que l’originalité... Porter Philosykos, n’est-ce pas prendre le risque de ressembler à un fantôme de la fin du siècle dernier ou à un hall d’hôtel chic mais sans personnalité ?
La réponse est non, heureusement, Philosykos vaut mieux que tous les ersatz diffusés dans les boutiques-hôtels de France et de Navarre. On pourrait même ajouter : porter Philosykos est, dans ce contexte, un geste de résistance.
Reste donc à régler un dernier détail : faut-il résister en eau de toilette ou en eau de parfum ? Diptyque propose en effet à l’heure actuelle les deux formulations. Les vrais amis du figuier vous recommanderont l’eau de toilette, plus belle, plus enlevée, qui saisit mieux la paradoxale vivacité de cette abstraction. C’est dans celle-ci que se dessinent avec le plus de justesse les lignes claires de l’écriture d’Olivia Giacobetti telle qu’on la connaît aujourd’hui chez Diptyque ou Nars, et bien sûr à travers les eaux de Iunx.
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par nezquick, le 7 décembre 2020 à 09:38
Je dirais que philosykos ne sent pas seulement le figuier mais l’ambiance olfactive des îles grecques . Ces jardins hespéridés avec entre autres des figuiers, la brise marines chargées en minéraux, l’odeurs des crèmes solaires protectrices et surtout cette notes si singulière de panier en rotins .
Curieusement je le trouve plus agréable en hivers qu’en été où la note de noix de coco est insupportable pour moi
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