Parfums disparus : flop olfactif ou flop marketing ? 1/4
1- Les féminins, années 80 et 90
par Jeanne Doré, le 6 janvier 2008
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Le marché est impitoyable, après quelques mois de commercialisation, les chiffres parlent d’eux-mêmes : si une nouveauté n’est pas dans les trente premières ventes, elle n’est pas considérée comme un succès... donc c’est un échec. Suivant les moyens mis en œuvre pour soutenir le lancement (campagne publicitaire, animation sur le point de vente, échantillons, ...) et les objectifs visés (être dans le top 10 après 6 mois, par exemple) les résultats sont jugés plus ou moins sévèrement, et si une nouvelle campagne ou le lancement d’une édition spéciale ne parvient toujours pas à faire décoller des ventes insuffisantes, la référence est supprimée car pas assez rentable.
Il semblerait qu’en ce moment, certaines marques utilisent à nouveau ces "disparus" pour surfer sur la vague vintage, et ré-éditent de vieux parfums oubliés, pas forcément disparus par manque de qualité, mais tout simplement parce qu’ils étaient passés de mode. Ils retrouvent aujourd’hui tout leur éclat après un léger lifting olfactif, comme c’est le cas pour Piguet (Visa, Cravache...), Givenchy (L’Interdit, Le De...) ou Lancôme (Cuir, Magie...).
Pourquoi un parfum ne marche-t-il pas ? qu’est-ce qui fait qu’il ne trouve pas son public ? Est-ce à cause de son odeur ? De la publicité ? Du mix marketing qui n’est pas cohérent ? Ou simplement parce qu’il ne sort pas au bon moment ? Faut-il supprimer un parfum sous l’unique prétexte qu’il ne plaît pas au plus grand nombre ? Les raisons d’un flop sont complexes, parfois évidentes, parfois ne tenant qu’à un fil... Certaines marques marques comme Diptyque maintiennent par choix des références qui ne se vendent presque pas, par respect pour leurs adeptes, d’autres, comme Hugo Boss ou Lacoste, renouvellent sans cesse les variantes sans se soucier de ceux qui les avaient adoptées.
Pour vous rafraîchir la mémoire, voici un petit panorama des parfums disparus des magasins depuis une petite vingtaine d’années :
Nombre Noir, Shiseido
1982, Jean-Yves Leroy
Le premier parfum développé sous la direction artistique de Serge Lutens, alors fraîchement arrivé chez Shiseido, que je n’ai malheureusement jamais eu la chance de sentir, a aujourd’hui un statut de parfum culte et semble avoir laissé des fans désespérés derrière lui...
C’est la Vie !, Christian Lacroix
1990, Edouard Fléchier
Je me souviens du premier parfum de Christian Lacroix, dont le flacon représentait un coeur, au sens anatomique du terme, avec des artères rouges constituant le bouchon ! Peut-être que c’est l’aspect trop organique de ce design qui n’attira pas le public escompté, toujours est-il que ce bouquet de fleurs blanches (fleur d’oranger, osmanthus, seringa, jasmin, tubéreuse, ylang-ylang...) épicé, boisé et vanillé ne resta pas très longtemps sur le marché.
Kashaya, Kenzo
1994, Sophia Grosjman
Vous rappelez-vous de la campagne publicitaire, où l’on voyait des mains de femme liées par une liane verte ? Et le message ? Incompréhensible, si on en croit l’insuccès de Kashaya, qui n’innovait pas non plus côté olfactif : un floral fruité vanillé avec du musc et des agrumes, bien dans l’air du temps des années 90, gentillet mais loin des chefs-d’oeuvres de Sophia Grosjman. Pas franchement raté, mais rien n’était là pour rattraper un manque flagrant de cohérence, d’unité et d’évidence.
Chloe Innocence
1996, Nathalie Lorson
Je connais beaucoup de nostalgiques de ce parfum de jeunes filles, supprimé il y a quelques années. Un très bel accord floral printanier de mimosa, chèvrefeuille, rose, violette, iris, avec un départ vert et aqueux, et un fond boisé, musqué, poudré, doux comme du coton ou du talc. A quand sa réédition ?
Kenzo Jungle Le Tigre
1997, Jean-Louis Sieuzac, Dominique Ropion
Un an après le lancement du Kenzo Jungle "Eléphant" et de son bouquet d’épices orientales et boisées, il semble que Kenzo ait voulu proposer une version "allégée", avec moins d’épices, et plus de fleurs. Le résultat, d’après mes souvenirs, était un accord floral lourd et écoeurant, qui m’évoquait une odeur de beurre fondu, et bien que moins épicé que l’Eléphant, n’en était pas moins sucré et alimentaire.
Le Feu d’Issey Miyake
1998, Jacques Cavallier
Le Feu d’Issey fut pour moi un véritable choc olfactif, du "jamais senti" nulle part ailleurs, une véritable création originale, innovante, surprenante et donc très polarisante, au point qu’il fut retiré du marché après quelques années de ventes trop insuffisantes. Imaginez du lait chaud dans lequel on aurait fait infuser des pétales de roses rouges et de lys blanc, des grains de coriandre et de poivre, et quelques copeaux de bois de gaïac, voilà ce que m’évoquait Le Feu, mais je conçois parfaitement que la majorité des femmes ne rêvent pas forcément de se parfumer avec ce genre de mélange ! Peut-être lancé trop tôt, pas pour la bonne marque (les adeptes de l’Eau d’Issey n’étaient pas vraiment les plus disposées à apprécier Le Feu...), pas avec la bonne communication, le bon nom.... Une version Le Feu Light, toujours sur le marché, a été lancée en 2000, reprenant l’accord floral rose, pivoine et gardénia, mais sans le lait chaud et avec un départ frais de bergamote. Joli, délicat mais bien moins unique, captivant et charnel que son prédécesseur.
Et vous, quels sont vos parfums regrettés ?
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par Octavian Coifan, le 11 janvier 2008 à 14:39
Je ne désire pas voir le jour quand les marques de parfums seront comme l’alimentaire - quand le produit de performe pas, on le retire sans le moindre soucis. Il y a quand même une âme à préserver. Regarder ce qui est arrivé à Grès ou à Givenchy (le re éditions - mauvais flaconnage, mauvais packaging ... ce n’est que l’ombre de ce qui fût l’oeuvre d’Hubert de Givenchy).
par Octavian Coifan, le 8 janvier 2008 à 18:32
Peut-être, faudrait-il établir un chiffre de crédibilité/fidelité des marques et le publier lorsqu’on présente un nouveau parfum. De cette manière le public aura une perception de la qualité (créative) et de la foi de la marque. Si une marque a la tendance de jeter ses propres créations ... peut être elle n’est pas tellement "bonne" et donc essayer le nouveau-né ne serait qu’une perte de temps (peu de chances d’être un bon, et peu de chances de le retrouver dans 1 an, donc pourquoi le tester). Cette approche (très simpliste) n’aurait pas de sens dans un marché de 30 lancements, mais pour 400 ... c’est deja autre chose. Une maniere aussi de penaliser les marques. Je pense que la critique est de plus en plus nécessaire ... pour faire voir au public si ca vaut la peine ou pas de tester ou même d’acheter un certain parfum. Mais aussi pour rendre certaines marques plus responsables de leur patrimoine.
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par Jeanne, le 8 janvier 2008 à 20:48
Très bonne idée de nouveau critère de qualité, j’adhère totalement ! C’est vrai, ça, comment se justifieraient certaines marques de se planter aussi souvent au point de devoir retirer leurs parfums à tout bout de champ parce qu’ils n’ont plu à personne ? Peut-être se rendraient-elles compte que les personnes responsables de faire les choix importants ne sont pas forcément les plus compétentes ?... A l’inverse, certains retirent du marché des parfums qui auraient mérité parfois un peu plus de temps pour trouver leur public...
par sikkim, le 6 janvier 2008 à 15:50
Bonjour,
"Magie" et "Sikkim" de Lancôme ont été retouchés sans avoir été retirés de la vente.
Sikkim avait la même couleur verte qu’à sa création en 1974, et sa même odeur fraîche et râpeuse à la fois. C’était un très beau cuir-vert, tonique, moderne, une odeur très parisienne, très années 70. Je l’ai porté jusqu’en 2005 tel quel. Puis, soudain, en allant me ravitailler à l’institut Lancôme, je le vis "rose". Méfiante, j’ai demandé à le sentir avant de l’acheter. Il avait été sérieusement retouché, je dirais même qu’il avait été remplacé. Ce que l’on vendt sous le nom de "sikkim" ce n’est tout simplement plus sikkim. C’est un autre parfum qui aurait dû être vendu sous un autre nom.
Idem pour "Magie" que j’ai porté tous les hivers jusqu’en 2005 aussi. Face à ma déconvenue avec le "sikkim" rose, ma méfiance a pris de l’ampleur et j’ai aussitôt demandé à sentir le Magie qui avait gardé sa robe ambrée mais gagné en une transparence inquiétante. Le nouveau Magie avait aussi été retouché. La véritable couleur de "Magie" était sirupeuse, presque opaque. Elle est maintenant d’un ambré limpide, presque transparent. L’odeur était extrêmemnt lourde, chargée d’une multitude de facettes qui n’attendaient que de sortir du flacon, une sorte de précipitation difficilement supportable pendant 45 bonnes minutes^. Mais une fois que cette bourasque s’était dissipée et que chaque note avait trouvé sa place, le parfum ne vous quittait plus de la journée. La note de fond était tout en fraîcheur et en capiteux avec des piqûres de bois précieux, une odeur somptueuse mais portable en ville, l’hiver. Un parfum élégant et joueur à la fois, de ceux qui tournent autour de vous, vous précède, et qui revient s’imposer à votre nez avant que vous ne désepériez. Maintenant, tout ce charivari a été remplacé par une note de tête courte, rapide, et creuse. Je ne pourrais pas vous décrire ce qu’est devenue la note de fond, j’ai été trop déçue, ai jeté la mouillette... et acheté quatre flacons de l’ancien jus illico-presto avec les deux derniers qui restaient du véritable sikkim.
Depuis ce malheureux jour, je n’ai plus remis les pieds chez Lancôme. De temps en temps je ressors mes anciens flacons, pose une goutte sur mon bras et me laisse aller à l’enchantement des vrais parfums.
Ce ne sont donc pas seulement les parfums ayant été retirés de la vente qui subissent cette chirurgie, mais biens tous les autres. Et c’est dommage. Il y a des odeurs intemporelles, qui correspondent à une ville, à une saison, un moment de la journée. Il faut nous les laisser dans leur authenticité. Les goûts reviennent vers eux un jour, et il faut que le nez retrouve la beauté d’une écriture, comme l’oreille retrouve la beauté d’un texte. Pouvez-vous imaginer que l’on réecrive une pièce de Molière pour "mieux la vendre" ?
sikkim
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par Girl SoDeadly, le 25 juin 2008 à 07:10
Sikkim, je ne pourrais mieux vous comprendre, il n ’y a rien de plus frustrant que de trouver son parfum prefere horriblement reformule. Je connais moins Sikkim que vous mais j ’ai une miniature de l ’ancien en edt, j ’ai pu faire la comparaison avec le nouveau, seul le nom est identique, l ’ancien est un des plus beau chypre cuir de l ’histoire de la parfumerie (Cabochard, Empreinte etc), le nouveau n ’est qu ’une rose epicee.
J ’en arrive a un point ou je prefererais voir disparaitre un classique de le savoir commercialise sous le meme nom avec une formule outrageusement reformulee ou carrement reorchestree.
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