El Born

Carner Barcelona est une marque espagnole dont chaque parfum s’inspire de l’Espagne et de sa culture. El Born est ainsi inspiré par l’un des plus anciens quartiers de Barcelone devenu un quartier jeune et branché. Loin de cette inspiration urbaine, El Born m’évoque des tableaux vidéos en clair-obscur, des natures mortes à peine mouvantes dans une ambiance à la George de la Tour. En fait j’imagine très bien le film que l’on pourrait en faire :

Plan n°1 : Intérieur nuit. Fond noir. Eclairage hors-champ à la bougie. Seul élément visible, une pièce de cuir tanné brun qui occupe le tiers inférieur du cadre. Du bord cadre supérieur tombe au ralenti une goutte d’un caramel sombre et brûlant. La goutte s’écrase sur le cuir et semble se fondre dedans.

Plan n°2 : Intérieur nuit. Fond noir. Eclairage hors-champ à la bougie. Gros plan sur les reliefs d’une fin de repas : sur une table en bois brut, au premier plan, se trouve un verre de whisky ambré dont le contenu diffracte la lumière. A côté, une crème brulée entamée, près de laquelle reposent encore certains de ses ingrédients : deux gousses de vanille éventrées et un citron dont l’écorce a été en partie râpée.

Plan n°3 : Intérieur nuit. Fond noir. Eclairage à la bougie. Sur le linteau d’une cheminée brûle une bougie dont la flamme se reflète dans un miroir. Au centre du linteau, un bouquet de graminées sèches et quelques branches vertes d’Angélique. A côté, une coupe en cristal pleine de fruits confits : raisins, dattes, figues, bâtons d’angélique. Un souffle d’air et la bougie s’éteint. On distingue pourtant les volutes grises qui se dissipent en se contorsionnant devant le miroir.

Plan n°4 : Intérieur nuit. Fond noir. Lumière de la lune entrant par une fenêtre hors-champ. Plan moyen sur une coiffeuse en bois poli couverte d’anciennes boites de poudre et de cosmétiques. Une paire de gants en cuir est négligemment posée sur le meuble.

Fondu au noir.

Voilà qui résume en quatre plans fixes tout ce que je perçois au long de la lente évolution de El Born : une illusion de cuir créée par les baumes et résines, du sucre cuit, de l’angélique aux effluves de réglisse, des fruits confits, de l’alcool fort, un dessert flambé et vanillé teinté d’agrumes, quelques volutes de fumée, une lointaine odeur de foin et de bois doux et enfin un léger nuage de poudre d’héliotropine.

Sombre, puissant et liquoreux, El Born a quelque chose d’un peu sauvage. De quoi séduire les amateurs de gourmands de caractère, qui lui trouveront peut-être une parenté avec le café et la noisette grillée d’Aomassaï de Parfumerie Générale ou le caramélisé boisé de Sucre d’ébène de Huitième Art.