Ecrire sur le parfum, ou pas

S’il y a bien un sujet sur lequel l’écriture est peu courante, peu aisée, et suscite aussi bien l’ébahissement que l’exaspération des lecteurs et des internautes, c’est le parfum.

En parcourant ce que l’on nomme désormais la « blogosphère parfumée », on s’aperçoit qu’il existe autant de façons de parler du parfum que de façons de cuisiner les pâtes en Italie …

Les plus passionnantes n’émanent pas forcément de ceux qui ont le plus de connaissances "techniques", au contraire, on constate que pour bien transmettre un "ressenti olfactif", il faut avant tout être apte à ce ressenti, autrement dit, posséder une grande sensibilité, et pas seulement olfactive.
Les amoureux des parfums sont souvent de grands émotifs, parvenant plus ou moins à maîtriser ces émotions, mais il existe bel et bien toujours un lien inhérent entre "sentir" et "ressentir".

La connaissance d’un "jargon" de parfumeur est certes utile, et l’expérience peut évidemment aider, mais cela ne suffit pas à fournir un récit explicite et parlant, l’unique juxtaposition de simples descripteurs olfactifs et d’ingrédients donnant rarement une bonne idée sur un parfum (et la presse en étant déjà amplement remplie, si c’était suffisant, cela se saurait). Preuve en est, à part dans la famille Ellena, combien de professionnels de la parfumerie savent écrire sur le parfum ?

Ensuite, il faut parvenir à être soi-même, à s’ouvrir et se dévoiler sans pudeur, dire avec justesse ce que l’on ressent spontanément sans s’occuper de l’avis des autres, en faisant confiance à ses premières impressions, sans tomber dans le piège de la précipitation, ce qui n’est pas toujours chose aisée.

Tout le monde a aussi un "style", que ce soit le journal intimiste, l’humour noir, la poésie romantique, la description encyclopédique, la métaphore philosophique, l’envolée lyrique, voire la lapidation publique, chacun entoure ses impressions d’un halo littéraire et personnel qui le définit, ou qui au contraire, le noie dans la masse anonyme.

C’est comme si la personnalité du parfum traversait, en l’utilisant, la personnalité de son auteur pour pouvoir apparaître sous une forme intelligible et explicite à ceux qui le perçoivent.
Et le courant passe, ou pas...

Si j’ai été amenée à réfléchir à tout cela récemment, c’est bien sûr parce qu’après presque 6 ans, je commence à avoir du mal à trouver assez de temps pour écrire au même rythme sur auparfum, et comme dans une relation amoureuse, la passion s’essouffle et le train-train étouffe...

J’ai cherché des solutions palliatives, mais je n’en ai encore pas trouvé de miraculeuses. J’ai traversé des moments de doute, de crise, de frustration, et j’en suis finalement arrivée à cet état de stabilité fragile mais satisfaisante, qui consiste à accepter que les choses évoluent et qu’on s’y adapte.

Le site s’enrichit d’autres voix, et même si je me fais un peu plus rare, je retrouve toujours chez les autres rédacteurs une petite part de ce que j’aurais voulu dire.

J’aime l’idée qu’auparfum devienne plus autonome, plus communautaire et participatif, et même si je ne suis plus la seule “maîtresse de maison”, il y a aujourd’hui assez d’habitués de longue date pour tenir le lieu, en perpétuer l’esprit, et continuer à faire de ce site une des références incontournable des amoureux du parfum, que je suis fière d’avoir fait naître et exister, grâce à vous tous.

Merci
Jeanne

Image : La lettre, Albert Lynch.