Au revoir, Vero Kern
par Jeanne Doré, le 27 décembre 2018
Vero Kern, créatrice de parfums indépendante et fondatrice de la marque Vero Profumo s’est éteinte le 18 décembre dernier, à 78 ans, à notre plus grand regret.
J’avais eu la chance de rencontrer Vero en 2008, lors d’un de ses voyages à Paris, à la suite de ma découverte de ses trois premiers extraits de parfums dont elle m’avait envoyé des échantillons et qui je dois dire, avaient constitué chez moi un véritable choc olfactif. Et je n’avais pas été la seule.
Vero avait déjà eu plusieurs vies avant de commencer sa formation de parfumeur à près de 60 ans. Avec un apprentissage d’assistante en pharmacie, elle poursuit une carrière d’hôtesse au sol chez Swiss Air, avant d’ouvrir un spa à Zurich en 1994. C’est là qu’elle découvre les huiles essentielles et l’aromachologie à travers la pratique des massages, et qu’elle commence à faire ses propres mélanges, à l’instinct.
Après deux ans passés chez Cinquième Sens à Paris pour se former à la parfumerie avec Monique Schlienger, puis de longues années de travail personnel avec notamment de fréquentes visites à l’Osmothèque, elle fonde sa marque, Vero Profumo (« vrai parfum » en italien, mais aussi « parfum de Vero »).
En 2007 naissent ses trois premières créations, directement lancées en extraits de parfum, alors que cette concentration n’existait quasiment plus en parfumerie grand public (mais par la suite de nouveau plébiscitée par les marques de niche).
Parmi elles, Onda a sans doute été le parfum qui m’a le plus émotionnellement et esthétiquement marquée, car Vero a toujours travaillé un peu « à l’ancienne », très marquée par les grands classiques de la parfumerie française, tout en n’hésitant pas à intégrer dans ses création une petite part d’étrangeté dérangeante, comme cette note de miel un peu sale qui était presque une marque de fabrique, ou des notes fruitées inattendues comme le fruit de la passion ou le melon qui venaient se superposer aux structures chyprées, fougères, orientales, complexes et denses, comme des étoffes épaisses chargées d’histoire et de poussière, mais d’une beauté infiniment émouvante et troublante.
Ses créations n’étaient pas forcément évidentes à appréhender, un peu à la manière de certains vins, ils s’adressaient sans doute aux connaisseurs, aux« initiés » adeptes de parfums d’un autre temps et en quête d’émotions olfactives perdues. Ils étaient donc peu distribués, notamment en France où il est devenu difficile de les trouver.
Cela n’a pas empêché ses créations d’être récompensées, comme Mito, par le prix de la Virtuosité de l’Olfactorama pour la version Eau de parfum en 2013, et par le prix de l’Enthousiasme en 2014 pour le Voile d’extrait.
Sa dernière création, Naja, avait été présentée en 2017 pour célébrer les 10 ans de sa marque, un hommage à Tabac blond, dont le nom lui avait été inspiré par une publicité de cigarettes des années 1930 représentant un cobra, symbole du feu sacré et de l’émancipation de la femme.
Car Vero était avant tout un modèle de femme forte, libre, indépendante (son unique mariage n’avait pas duré très longtemps...) et admirable dans sa détermination, mais aussi pour sa grande sensibilité, qui se transmettait si bien dans ses parfums. Par leur caractère avant-gardiste, surréaliste, extravagant, à la fois sophistiqués et teintés d’humour, ils me faisaient penser à ces personnages féminins de films hollywoodiens, affirmant leur émancipation par leur beauté et leur caractère.
Des parfums de caractère, oui, mais toujours empreints de fragilité, à l’image de la personnalité de leur créatrice, qui avouait avoir une « relation libidinale » avec eux.
Vero Kern nous a quittés, mais ses parfums sont toujours là, et elle, toujours un peu avec eux.
Mito, Kiki et Naja seront notamment présentés lors d’une exposition au mudac à Lausanne, « Nez à nez. Parfumeurs contemporains », à partir du 15 février 2019, qui sera je l’espère un hommage à sa personne et à son travail, et une douce manière de lui permettre de continuer à vivre à travers ses créations, les souvenirs que chacun garde d’elle, sa présence, son esprit, sa force, son âme.
Elle avait déjà eu plusieurs vies avant de devenir qui elle était, elle en aura sans doute encore bien d’autres.
Photo : Romain Bassenne
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par Thelittlebox, le 28 décembre 2018 à 16:03
Au revoir Vero !
Mito est mon parfum favori, merci d’avoir écrit un si beau parfum.
J’imagine qu’il vas être difficile de retrouver ses parfums désormais.
par Garance, le 28 décembre 2018 à 12:34
Cette annonce m’attriste, bien que je ne connaisse pas les parfums Vero Kern. Cette maison restait pour moi à découvrir, cela faisait plusieurs années que je me disais qu’il fallait absolument tester ces parfums dont je n’ai entendu dire que du bien. Je me demande à présent si la marque va perdurer (comme l’a fait celle de la très regrettée Mona di Orio, qui a créé une des plus belles vanilles que je connaisse...)
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Merci pour ce bel hommage à Vero ! Je suis triste d’apprendre que ce phare brillant de la parfumerie indépendante s’éteint désormais. Ses parfums sont parmi mes préférés absolus. J’espère que le nouveau propriétaire respecte bien son héritage merveilleux.
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