Philippe Moscovici : “L’éducation sera l’enjeu de la parfumerie de demain”
par Clara Muller, le 11 septembre 2015
La parfumerie dite de niche (ou, si l’on préfère, parfumerie rare, artistique, alternative...) se caractérise notamment par la rareté de sa diffusion. Les quelques lieux spécialisés qui, à Paris et ailleurs, se vouent à sa promotion se font généralement très discrets.
Tout au long de l’été Auparfum vous fait ainsi découvrir le charme discret de marie-antoinette, l’ambiance bar de Liquides, la majesté de Jovoy, l’énergie chaleureuse de Sens Unique, le patriotisme de Atelier Maître Parfumeur ou encore le traditionalisme de Arôma Parfums & Soins.
Une fois entré dans l’une de ces boutiques, l’accueil, le décor, tout y évoque un univers singulier où les odeurs ne sont pas répandues dans l’atmosphère en grandes flaques, mais aimablement diffusées par les quelques « visiteurs » ou par les maîtres des lieux.
Chacun de ces lieux a sa personnalité propre, ses parti pris, ses marques (parfois exclusives) et vous accueille comme l’on reçoit un proche. En échange d’un grand sourire, on vous offrira même peut-être un café. L’objectif n’est pas seulement de vous vendre un flacon, mais de vous ouvrir à tout un univers olfactif. Dans ces lieux uniques, le conseil a un nom ou plutôt un prénom : Antonio, Renata, Léa, François, Marie... et les autres.
Nous les avons rencontrés, en attendant que vous fassiez leur connaissance par vous-même. Et promis, dès que possible, nous décollerons de la capitale et vous parlerons… du reste du monde !
Arôma Parfums & Soins est la plus discrète de nos boutiques parisiennes mais aussi la plus ancienne. D’abord traditionnelle, la boutique s’est peu à peu orientée vers la niche qui constitue aujourd’hui la majeure partie de sa sélection. Arôma signifie “parfum” en grec, et pour Philippe Moscovici, propriétaire de la boutique, le parfum est un monde de voyages, d’images et de terres inexplorées. Embarquons avec lui vers d’autres rives.
Comment êtes-vous arrivé dans le monde du parfum ?
Je suis tombé dedans. Ma mère a ouvert sa première parfumerie en 1966 et très jeune j’ai commencé à travailler avec elle. C’est devenu une saga familiale. La parfumerie actuelle a été ouverte en 1977 et j’en ai repris les rênes en 1988 après avoir travaillé près de dix ans aux côtés de ma mère. En 2006 j’ai décidé de revenir à la vraie parfumerie et nous avons transféré la plupart de nos marques hors niche dans une autre boutique. J’en suis venu à la niche à cause d’une saturation face à la multitude des produits pas forcément de qualité. D’autre part je n’aime pas le marketing pour le marketing. Mais ce qui a vraiment déclenché ma passion c’est la lecture d’un livre que tout le monde devrait lire : Le Parfum de Patrick Süskind. Ça a été une vraie révélation. J’ai véritablement découvert des odeurs en tournant les pages de ce livre.
Comment définissez-vous votre boutique ?
C’est la boutique des prétentieux, mais sans se prendre au sérieux. C’est une boutade bien sûr. Je pense qu’en France et surtout dans le milieu du parfum on a tendance à ne pas être toujours assez humble. Trop de gens se prennent au sérieux.
Comment faites-vous la sélection des marques qui entrent chez vous ?
Les deux premières marques que nous avons eues ont été Acqua di Parma et Byredo, dont nous avons d’ailleurs été le premier détaillant sur Paris. Dans mes choix je ne m’interdis rien. Il n’y a qu’une seule chose qui doit être moteur : une nouvelle marque doit apporter quelque chose de plus. Si c’est juste pour référencer une nouveauté ça n’a pas de sens parce qu’alors on tombe dans les travers de la parfumerie traditionnelle où c’est la course aux linéaires. Chaque nouveau parfum doit apporter une émotion, un plus. Il faut être exigeant non seulement sur le produit lui-même mais aussi sur ce qu’il véhicule. Parce qu’on ne vend pas des jus, on vend de l’émotion. L’accord de matières n’est pas une fin en soi.
Quelles relations entretenez-vous avec les marques et les parfumeurs ?
Le plus souvent possible je rencontre les parfumeurs. Savoir comment et pourquoi un parfum a été créé permet de s’imprégner de l’état d’esprit de la marque.
Avez-vous un type de clientèle particulier ?
Mon type de client c’est celui qui pousse ma porte, c‘est tout.
Comment conseillez-vous vos clients, comment parlez-vous avec eux ?
La question la plus importante c’est : Qui êtes-vous ? Ça ne m’intéresse pas de savoir ce que vous avez porté. Qui vous êtes, c’est ça qui compte. Je pose des questions sur l’état d’esprit des gens. C’est un dialogue. Je ne parle que rarement des matières premières. Entre-t-on dans la cuisine d’un restaurant ? Je préfère parler du ressenti, du voyage que vous allez faire, des “lieux olfactifs” ignorés que vous allez découvrir. Je suis passionné par les liens entre les fragrances et l’esprit.
Y a-t-il des parfums de votre sélection plus difficiles à aborder ?
Il y a, il est vrai, des parfum qu’il faut apprivoiser : Musc Tonkin de Parfum d’Empire, Cuirs de Carner ou M/Mink de Byredo. Mais les perceptions de chacun sont différentes.
Un coup de coeur pour un parfum qui n’est pas chez vous ?
Quand j’étais jeune j’avais eu un coup de coeur pour Habit Rouge de Guerlain. Mais aujourd’hui je ne lui retrouve pas la rondeur d’antan.
Une mode qui vous agace en parfumerie ?
J’en ai marre du manque d’inspiration qui pousse à copier le voisin… Je milite contre la pensée unique. Il faut élever les gens, les emmener sur des terres inconnues...
Avez-vous un souvenir olfactif particulièrement marquant ?
La blanquette de veau de ma maman.
Qu’est-ce que le parfum pour vous ?
On se parfume pour soi et pour les autres. Pour soi parce que le parfum peut être une affirmation et une reconnaissance de soi. Je pense aussi que si un parfum n’évoque pas immédiatement des images c’est que ça ne va pas. Je veux des fragrances pour l’Instant.
Le mot de la fin ?
Je pense que l’éducation sera le grand enjeu de la parfumerie de demain.
Propos recueillis par Clara Muller le 28 juillet 2015.
—
Arôma parfums & Soins
www.aroma-parfums.fr
22 rue Etienne Marcel
75002 Paris
Du Lundi au Samedi de 10h00 à 19h30
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par yo du soir, le 11 septembre 2015 à 14:00
Je suis rentrée dans cette parfumerie il y a un an ou deux, tout à fait par hasard, je passais par là. L’accueil ( surement par Philippe Moscovici puisque c’était le propriétaire qui m’avait accueillie) a été tellement sympa et simple, le discours tellement passionné que je me suis promis d’y retourner et que je recommande toujours cette adresse comme point fort du quartier avec l’épicerie qui A de tout pour ne pas la citer rue Tiquetonne. C’est grâce à lui par exemple que j’ai découvert Classic Patchouli de Von Eusersdorff quand je lui ai dit que je cherchais un beau patchouli. Bien sûr il m’a aussi présenté Bornéo mais qui moins d’une demie heure plus tard avait disparu de mon champ olfactif.
Pour ne rien gâcher, la boutique est jolie, décorée avec soin sans en faire trop.
Il m’avait aussi pas mal parlé d’éducation. Son mot de la fin pour cet article ne me surprend pas.
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