Auparfum

Coco Noir

20 septembre 2012, 21:06, par Opium

Bonsoir à toutes et à tous.
 
En raison de quelques aléas personnels, je n’ai pas l’occasion d’être aussi présent que je le désirerais sur auparfum. Malgré tout, je souhaite apporter quelques contributions, en espérant qu’elles soient utiles. Mes avis concernant la "bonbonnière géante Saint Louis" (autrement nommée "La Vie Est Belle") arriveront plus tard tant il y a à dire (ce qui a pu se lire dans les nombreux échanges sur auparfum depuis plusieurs jours).
Voici, d’abord, quelques points qui me semblent intéressants à propos du nouveau "grand" lancement féminin Chanel tant attendu.
En version courte : Pour faire simple, Jeanne a tout dit.
En version longue : En dépit de cela, comme certain(e)s, j’ai aimé et j’aime beaucoup certaines créations Chanel. Et, inutilement semble-t-il, je me permets de continuer à espérer un soubresaut de prise de risques de la part de cette marque qui, en matière de parfumerie, a été l’une des plus innovantes et stimulantes par le passé. Mais qui, aujourd’hui, devient trop souvent aussi ennuyeuse qu’un écolier studieux brillant qui aligne les bonnes notes mais est siveffacé et sage plongé qu’il est dans ses livres de devoirs, que personne ne s’en souvient. Pour ces raisons, je vais me permettre de poster mes impressions personnelles lors de tests réalisés en août dernier à propos de ce "Best of Chanel 1996 - 2012". En souhaitant que mes apports soient intéressants.
Pour être précis, j’ai comparé Coco Noir avec toutes les concentrations des différents mainstreams Chanel depuis les Allure (Sensuelle ou non, Femme ET Homme - car il n’était pas si masculin que cela, cet oriental épicé, avant qu’on lui foute une fougère virile de barbier en coeur pour rassurer les papas qui devaient trouver la première mouture trop "féminine" ou "gay") jusqu’aux Chance (même l’Eau Tendre pas terrible) en passant par Coco Mademoiselle et... Coco, que je connais bien puisque c’était l’un des parfums de ma maman et que je le porte parfois (en EdP). Seul Bleu n’a pas été testé en comparaison, je m’en souviens assez.
Ce point de méthode précisé, abordons ce parfum soi-disant "noir et d’un Baroque vénitien"...
 
Sur touche d’abord : Un envol clair d’agrumes lumineux durant une minute assez belle. Puis... Une note fruitée gélatineuse, "heavy", d’une puissance nucléaire, stridente, suraigüe, assez insupportable. "LE fruité Chanel", reconnaissable entre mille, poussé à son maximum. Fruit protéiforme indistinct qui est, surtout, "LA note Coco Mad’", que je me décris toujours comme "une fraise qui n’en n’est pas vraiment une", blette et trop mûre. En fait, ce serait une note "litchi" ; possible (ça en a la transparence lisse et croquante). Ce fruité indéfini pourrait aussi bien être de la pomme ou une vague poire farineuse (par le patchouli), mais de shampooing, et plutôt Elsève* que Fructis où on reconnaît trop bien une pomme chimique lors du moussage dans les cheveux. Bref. Pas le meilleur moment du tout. Cette note sur papier est celle qui subsistera le plus et durant presque toute l’évolution, phagocytant le reste du parfum. Alors, passons directement à l’évolution sur (ma) peau.
Il est toujours utile de rappeler qu’une évolution varie énormément d’une peau à l’autre, et, ce, d’autant plus que les naturels dans la composition sont importants. Ce qui est d’autant plus vrai pour un Chanel ou un Guerlain que pour... la plupart des autres. Pas tous, mais, la plupart.
 
En Tête : Heureusement, cette note fruitée, lourde, sirupeuse, grasse, écœurante, si elle domine le papier, ne reste que dix minutes sur ma peau. Sa puissance et son gras pourraient rappeler Coco, mais, non. Dans son cas, les fruits sont secs, confits et liquoreux. Dans "Noir", ils sont sirupeux et sortent d’une conserve Saint Mamet ; appétissants d’abord, écoeurants ensuite. D’où, probablement, la proposition de la conseillère du stand Coco Noir, établi durant les premières semaines de vente aux Galeries Lafayette, de me vaporiser (généreusement) sur peau, sans que je le réclame (ce qui relève plutôt d’une démarche "niche" se moquant du sexe du/de la client(e) ). L’univers rose/pink psychédélique intense, fruité à l’excès sur son ossature de patchouli et de vanille orientalisante sont un territoire déjà connu : Coco Mademoiselle.
En Coeur : L’illusion de la texture d’une pêche fantomatique se ferait presque entrapercevoir (Coco es-tu là ?). Sa peau et sa chair se font râpeuses, par le patchouli peut-être, qui, pour une fois, Ô miracle, n’a pas l’air refractionné jusqu’à devenir mince comme un fil. L’impression d’un chypre vaguement rétro fait son bout de chemin dans mon esprit malgré le sirop de fruit lancinant. Jeanne l’a écrit dans son article. Je l’avais noté il y a plus d’un mois, ce qui me rassure un peu : Je n’hallucinais pas en sentant cette aura vintage. C’est, probablement, le moment que je préfère. Quand le cœur floral s’épanouit, moins aqueux qu’habituellement chez Chanel, qu’il se fait un peu âpre et râpeux, terreux et presque filandreux, comme quand on croque dans une pêche un peu trop verte. En même temps, une stridence, comme avec certains effets verts, mais sans que ce soit cela tout à fait, devient presque audible, ce crissement particulier qui fait serrer les mâchoires quand on coupe un tige épaisse la glisser dans un vase. Probablement est-ce l’accord entre le narcisse, le géranium et le patchouli qui apportent cette vibration rêche presque dissonante. Mais, ce squelette offre un maintien droit et fier, raide, une certaine tenue, au parfum ; lui évitant ainsi de sombrer dans le racolage facile de l’effet fruité "Teisseire", "gelée de groseille" et de type bonbon "crocodile rouge" de l’envol. Là où la plupart se seraient plantés, tombant du fil sur lequel ils évoluent, Jacques Polge démontre encore qu’il parvient à associer des notes a priori incompatibles, avec justesse sur une partition pourtant serrée. N’oublions pas qu’il est le premier, mais aussi à peu près le seul, à avoir réussi son fruitchouli. Tous ses successeurs seront plus ou moins vomitifs. Pas Coco Mad’.
Je ne sens que peu le jasmin, mais, plutôt, l’effet "RdC Gal’Fa’ " exprimé par Jeanne (très bonne image ! ). J’imagine qu’il vaut mieux sentir cela que l’opération de caramélisation offerte dans les nociphorarionnauds mal aérés qui vous donne l’impression physique d’en ressortir aussi poisseux qu’après une heure dans un Mc Do, mais pas pour les mêmes raisons. Le bouquet floral, sec, est plus austère qu’habituellement. Assez rétro, à l’image du souvenir qui me vient à l’esprit d’un vague œillet poudré survivant en Orient dans Allure... Homme !
Le fondu - enchaîné est rapide et fluide, dense et sans pause. Le patchouli, pour une fois un peu terreux, renvoie aux chyprés des années 70-80 (encore cette petite aura "vintage" qui ne doit pas être une illusion alors) avec un fond balsamique orientalisant comme dans Diva, Paloma Picasso ou Eau du Soir proche des deux premiers, époque où on empilait les couches comme des assiettes dans un vaisselier. Mais, différence majeure avec ceux-là, Coco Noir, s’il est "opulent" au sens de "riche" et "dense" en matières et effets, est aussi "plus sourd". Le niveau de puissance sonore est allégé et réduit, baissant radicalement entre la tête et le coeur. Le sillage, comme étouffé, devient peu envahissant après un début tonitruant. J’ai rarement senti une telle perte de diffusion en une demi/heure. Pas de risques de se voir interdire l’entrée de certains restaurants (cf Poison à sa sortie) ni de subir certains commentaires négatifs quant à son usage. La note fruitée, et ce que Jeanne identifie comme des "bois crémeux" (c’est bien cela, mais, jamais je n’aurais été capable de définir cela ainsi... #s’incline) fondus avec le reste, forment la copie presqu’à l’identique de Allure Sensuelle, impression qui ne disparaîtra plus.
En Fond : Après 45 mns, subsiste un fond très oriental vanillé - patchouli toujours assez terreux, entre transparence moderne et corps épais à l’ancienne. De la tonka apporte son poudré, avec un léger effet arachides et fèves, d’abord très présent, joli, complexe, rappelant la guerlinade. Mais, plus poli(cé)e, mieux élevée, moins bruyante ; "davantage Chanel en somme.
Les bois jouent une partition entre secs et crémeux. Le fruit reste présent et réapparaît avec un effet "sablier" ("en spirale" et "siphon") autour du patchouli et de la vanille qui se fait plus présente.
Le sillage, assez sourd, en fait un parfum de peau : pas très nocturne au final, plutôt "office friendly". Les "muscs Chanel type", modernes et confortables, forment un nuage enveloppant chaud moderne.
Le fond est proche d’un Shalimar très "light", au vanillé baumé assourdi, plat et linéaire sur la fin d’évolution. Mais, la vanille plaît tant actuellement, et coûte si peu cher, qu’il serait dommage de se priver de cette opportunité de s’entendre dire : "J’adore la vanille douce qui reste après des heures." Et, il fallait bien rendre à Guerlain la monnaie de sa pièce après avoir usurpé "la" référence maison qu’est "la petite robe noire" (à laquelle la démonstratrice Chanel n’a pas hésité à faire appel, précisant que c’était une "référence maison bien avant un parfum d’une autre marque"... Et toc ! ). Voilà probablement également pourquoi le "Noir" de l’intitulé. Paris de la Parfumerie : Ton univers impitoyaaaaââable ! Mais, Guerlain réussit mieux ses vanilles que Chanel : je la trouve ici banale et plate.
Allure Homme, qui n’était pas particulièrement "masculin" (d’où son hypothétique semi-échec ?), tentait l’expérience d’un oriental boisé - épicé, mais, "en sourdine", avec diffusion assez douce afin de ne pas heurter les "hommes" ; assourdissement repris ici, pour ne pas heurter d’autres nez probablement, devenus réfractaires à toutes les notes puissantes ("trop fortes") si elles ne sont pas sucrées...
Proche d’une des deux concentrations de Coco Mad’ et, surtout, de Allure Sensuelle, Noir ? ! n’a de parenté que lointaine avec Coco. Dommage...
 
En conclusion, selon mon humble avis :
 - L’effet un peu terreux du patchouli, moins transparent que dans Coromandel ou nombre de sorties mainstream récentes de patchoulis délavés, la sensation râpeuse et mate, en rappelant certains anciens parfums, est une partition fort bien jouée. Le cœur floral un peu rêche et strident, sec et raide, n’est pas le moment le plus facile, mais, c’est celui que je préfère.
 - Coco Noir est assez évolutif : on retrouve la pyramide traditionnelle bien qu’un effet de "sablier" tourne indéfiniment entre facettes fruitées et patchouli en les maintenant autour du cœur floral et de la vanille de plus en plus présente. L’évolution d’une tête très marquée en passant par un cœur floral vers un fond très orientalisant et un peu ambré rappelle un peu Bois des Iles. Mais, là où l’ancien évolue par twists surprenants mais harmonieux, je me demande si la plupart apprécieront ET la note fruitée surpuissante et sirupeuse ET le cœur floral austère sec râpeux rétro et en sourdine ET le fond vanillé gourmand assez commun. Je me suis fait la même réflexion avec Santal Majuscule : Les différents moments sont intéressants, mais, plaîront-ils tous aux acheteurs/teuses potentiel/les ?
 - Le blablabli-blablablo marketeux parlant de "Venise", de "Baroque" et de "Noir" n’est que ce qu’il est : un ramassis de story-telling pompeux de mots pré-mâchés pour épater la galerie et remplir les pages du papier glacé des dossiers de presse. Mais, on ne doit avoir ni les mêmes références en Histoire de l’Art, ni les mêmes connaissances en Arts Plastiques... Coco reste le seul Noir et Baroque pour le moment...
Ce parfum serait plutôt destiné au soir... Elles sont devenues bien calmes les soirées. Je ne suis pas certain que qui que ce soit d’autre que le/la porteur/teuse le sente. Pas même le/la partenaire après quelques minutes. J’ai rarement senti un parfum qui perdait tant en puissance dans les trente premières minutes : passant du très bruyant à l’assourdi. Si même les nuits sont si consensuelles et mornes...
 - Coco Noir ? Un Best of de "Allure", "Allure Sensuelle" et "Coco Mad’ ". Pas innovant ; mais, pas raté. Juste assez tristement ennuyeux et déjà vu (/senti).
 - Jeanne a écrit un argument qui est très juste : Jacques Polge a signé un parfum très Chanel, identifiable, et dont la qualité indéniable permettra de rassurer les clientes de la maison en se disant « Ah.. Chanel, ça sent toujours bon ». Ce qui n’est plus le cas d’autres marques. En choisissant un Chanel, on prend peu de risques de choisir quelque chose de franchement mauvais. Le pari est à peu près gagné à tous les coups. On ne peut accuser personne de snobisme ou de mauvais goût, c’est car c’est Chanel et que c’est "toujours joli". Toutefois...
Comme je le craignais déjà en août, dans le sujet des lancements de la rentrée, Coco Noir est, probablement, la meilleure sortie mainstream de cette rentrée. Mais, pas par son innovation et sa prise de risques ; juste par les KO successifs diabétiques de ses concurrents. Pas suffisant pour être qualifié de "bon" pour certain(e)s. Déjà pas si mal étant donné l’environnement sucraillon actuel pour d’autres.
Il a encore un peu d’Allure, est vaguement Sensuel ce Coco dans sa nouvelle petite robe noire. Mais, pour moi, un seul Coco est baroque, sombre, fantasmagorique. Celui qui n’a pas besoin d’un intitulé à rallonge. Le premier. L’unique. Mais, c’est tout personnel.
*part se re-pshitter de Coco*
 
A bientôt.
Opium 
* Note fruitée : En fait, par hasard, j’ai trouvé quelque chose qui y fait penser... Elsève Color-Vive Shampooing Soin pour Cheveux colorés ou méchés... [Flacon rouge, blanc et or] Testez, vous sentirez qu’il y a bien un quelque chose. Fort heureusement, le reste s’éloigne du rayon shampooings. Mais, ça m’a fait sourire en sentant ce produit-ci par hasard. ^^
Ps : J’attribue la moyenne. Si on compare à d’autres parfums maison, c’est en-dessous. Si on compare aux sorties actuelles, bien au-dessus. Alors, je tranche au milieu.

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