Auparfum

Fils de joie

Petrichor

par Petrichor, le 10 décembre 2020

J’ai acheté "fils de joie" à l’aveugle, d’occasion. (ma gratitude !) Il me fait penser à "tubéreuse criminelle" dont on aurait retiré les notes camphrées-mentholées, et la tubéreuse.
Et ce parfum n’est pas le jasmin que j’espérais.

Une fois que j’ai dit ce qu’il n’est pas, je peux peut-être commencer à l’apprécier pour ce qu’il est ?
Échapper à l’aporie des proverbes zen : Quel est le bruit d’une seule main qui applaudit ?

Le parfum n’est pas si floral que ça. Il y a en sillage un jasmin, fin, présent, et soutenu par une note mentholé. Les extraits naturels de jasmin ont parfois une facette gazoil, ici soudée à la note mentholée.
(Ce jasmin sent parfois la fleur sauvage qui pue. Je parle de ces minuscules fleurs en boule, qui sentent la fleur blanche, le pollen sale miellé, et le musc acre. C’est comme un défaut, mais il y a aussi une qualité dans ce rendu naturel.)

Il est surtout un parfum "ambré - sirop", qui veut échapper à la vanille.
C’est un accord, presque une base, que j’ai déjà senti ailleurs. C’est comme les grosses éponges vertes des fleuristes, où chacun pique les fleurs qu’il veut dedans. ("A scent" de theo fennell, "Twilly" hermès, "Adjatay" TDC) (au pifomètre, ylang ciste vanille)

L’ylang-ylang, sirupeux, est deux fois plus présent que le jasmin, mais sur un traitement de cuir végétal.
(On n’est pas sur un ylang-ylang solaire, jasminé, peau de banane, et béatement beau.)
C’est un ylang-ylang langoureux qui se joint à une note qui rappelle le fir basalm (aiguille de pin) de "nuit étoilée" de Goutal.

Entre les deux, apparaît de l’absolu miel, plus la cire que le sucre du miel.
Bizarrement, le miel signale l’évolution de la tête vers le fond. C’est lui "qui ouvre sa corolle", qui se met à respirer. Lui la note la plus humaine, dont tous les pores de la peau s’ouvrent. Lui qui me rappelle jadis le costus pour ses facettes de peau et de cheveux sales.

La suite de la composition maintient la tension "jasmin mentholé" et "fond sirupeux sombre", et le parfum est rémanent. Il garde son mystère.

A l’heure qu’il est, je reste dans l’indécision, et balance entre deux extrêmes.
J’hésite entre revendre mon flacon, ou en racheter un deuxième. (joli rapport qualité & quantité/ prix)
Je me suis trompé d’antihéros. Je m’attendais à l’archétype romanesque de "la pute au coeur d’or" : un parfum joyeux, racoleur, et qui l’assume. A la place, le anti-héros est un personnage de la nuit, un peu torturé, et qui a mal à l’âme en voyant les étoiles.
C’est une jolie création, mais qui serait plus jolie si je ne pouvais le comparer à sa grande sœur, Tubéreuse criminelle.

Mais je crois que j’aime ce parfum, car il est "fier". Ce n’est pas moi, mais je vais le garder, pour servir de déguisement.

Par moment, c’est Querelle de Brest de Jean Genêt qui vous attend sous un réverbère, sous la clarté blafarde du jasmin mentholé. Par moment, c’est un miroitement des années 80, dans l’hésitation entre le vinyl et le cuir pour la combinaison, entre drogue dur et drôle douce, entre la matière de synthèse, mentholée, et la matière extraite de la nature, fourragère. C’est un sourire qui cache un couteau, un sourire froid, luisant, et beau comme la lame. (Ce jasmin ressemble au traitement de la rose dans "la fille de berlin" : la fleur est refroidie par un ingrédient métallique qui rappelle le sang. Cette beauté est froide comme le carrelage de mes WC). Appel au sexe avec n’importe qui, à l’amour du danger, à risquer qu’on vous fasse la peau.

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