Auparfum

La Légende de Shalimar

Opium

par Opium, le 30 août 2013

Bonsoir à toutes et à tous. Bonsoir Jicky.

 

Bravo à toi pour les longs et très instructifs commentaires tout d’abord.
L’historique au début est utile. En effet, la situation fournie par La Petite Robe Noire n’avait, très probablement, pas été anticipée à ce point. On se doutait et, comme le dit Jicky, on l’avait même conseillé dans certains commentaires, il fallait sortir ce parfum en Grand Public ; le potentiel de ce qui était un "Exclusif" était énorme : une cerise ultra fruitée, des notes sucrées très gourmandes sur du patchouli. Pile poil dans la tendance des patchoufruits actuels. On se doutait que cela fonctionnerait. Pas forcément que cela serait un tel rouleau compresseur ! La réussite de ce parfum qui est parvenu en quelques mois à peine à la troisième marche du podium très prisé des meilleures ventes en France est, elle, spectaculaire et inattendue dans son ampleur. On raconte d’ailleurs que l’absence d’egerie était surtout un moyen de faire des économies budgétaires. Là encore, carton plein : identification maximale et cachet réduit car il ne s’agi(sai)t pas (encore) d’une star à fortement rémunérer.

 
Les échanges ont été nombreux sur l’esthétique choisie, sur certains choix visuels, à propos de l’égérie qui ne serait pas assez crédible par rapport à l’histoire. Points sur lesquels je ne reviendrais pas. Enfin, pas trop... ^^
L’Odyssée de Cartier, plus épique, plus noble, plus grand(ios)e qu’une simple histoire d’amour, je suis d’accord avec Jicky, invite davantage aux émotions très fortes et qui sont plus universelles.
En fait, moi non plus je ne suis pas totalement emporté/emballé par cette histoire. A la fin de mon premier visionnage, je me suis juste dit "C’est beau." mais sans être transporté. Le choix d’une imagerie assez terne, mate plutôt que glossée et bling (car la crise n’est pas tout à fait assez loin et qu’il pourrait être considéré comme indécent de trop étaler des signes de luxe blings et dorés ? comme s’interroge un analyste d’un quotidien cette semaine) explique peut-être cette absence d’emballement. De même que le sujet même, une "simple" histoire d’amour donc, plutôt qu’un thème "plus grand" comme il a déjà été dit aussi.
Le choix de l’égérie est probablement là, avec ses yeux bleux charmants, pour permettre une meilleure identification des occidentaux et cela doit plaire dans pas mal de pays émergents. Cela a le mérite de ne pas user de la stratégie des égéries jetables comme des mouchoirs. Bref, on pourrait gloser durant des pages et des pages. ^^
Pourtant, malgré cela, les visuels me paraissent réussis. Je les préfère gris, ternes et mats plutôt que revus, blings et dorés. Je préfère une histoire d’amour un peu facile à un autre type de pub, mais j’y reviendrais après.
 

Venons-en maintenant aux moyenx octroyés. Des dizaines de personnes parties en Inde, des paysages "épopesques", des effets spéciaux gigantesques, à l’image des plans sur les paysages... Je n’ai, comme on en a discuté avce Jicky et comme il l’a souligné, pas souvenir d’une campagne de pub avec de l’affichage publicitaire de rue et des couvertures médiatiques pour promouvoir l’objet de promotion, la pub virale sur le web et à la télé. De la pub pour annoncer, non pas un film, mais une grande campagne de pub. #miseenabyme

 

De quoi, donc, parle cela ? Une histoire d’amour. Encore une. Ok. Pas très innovant. Mais, si le scénario et certains éléments sont critiquables, force est de constater qu’à défaut d’innovation, on est à peu près dans le sujet et avec une histoire racontée, aussi mince soit-elle. On est pas juste là pour vendre une femme en robe longue dorée se baladant dans la Galerie des Glaces et qui fait rêver les gamines et les "vieilles" ados en mal de reconnaissance et de célébrité qui trouvent la pub juste trop jolie ! Ok, la pub est belle de J’adore, mais qu’est-elle d’autre en dehors de cela ? Rien. Et, après tout, une pub pour du parfum a-t-elle l’obligation d’être plus que cela ? Pas forcément. Pourtant, la pub de Shalimar ne vend pas juste une Natalia Vodianova allongée et lascive, il y a cela, mais, il y a un peu plus quand même.
De plus, pas dans le détail il est vrai, mais, globalement, dans l’idée générale, il y a bien cohérence du sujet qui revient au "story telling" originel de 1925 ! On revient à la source. Et, en cette période où faire un peu compliqué et référencé c’est courir le risque d’ennuyer et de faire trop daté, oser raconter une "vieille" histoire, auprès de gens et d’une société pour qui / dand laquelle avoir 25 ans c’est être "vieille/vieux" et hier et aujourd’hui c’est déjà être has been, ce n’est pas si mal peut-être. (Bon, OK, Natalia Vodianova a l’air d’avoir seize ans !)

 

Outre la manière, le sujet même (et surtout) a attiré mon attention. Shalimar : un parfum qui a plus de 90 ans. Travailler sur le fond patrimonial de la marque Guerlain plutôt que sur les nouveautés, plus rentables souvent car plus chères quand elles sont exclusives ou qui, tout simplement, cartonnent littéralement. D’autres marques auraient fait le choix de "pousser" encore davantage la "nouveauté" qui fonctionne et cartonne déjà. Là, non, on dépoussière et on tente de potentialiser sur l’héritage de la maison.
Cela peut avoir plusieurs avantages.
D’une part, cela évite un phénomène de phagocytage comme en connaissent beaucoup de maisons qui ne parviennent à installer qu’une seule référence. Ce type de marques sont trop nombreuses, il s’agit d’à peu près toutes les marques en dehors de Chanel et Dior, assez réputées, connues, célèbres et enviables pour qu’elles aient pu imposer plusieurs références dans l’esprit des gens, mais, cela est aussi fort coûteux financièrement. Or, en répartissant le bouquet d’offres très rapidement après le succès précédent, peut-être parviendra-t-on chez Guerlain à réinstaller ce parfum. Le projet a l’air ambitieux. Mais, les moyens, on l’a vu, sont énormes. Effectivement, il est prévu que deux tiers du budget parfums entre septembre et décembre 2013 soit investi dans le parfum mythique.
D’autre part, cela rend la marque plus crédible, mieux assise historiquement. Cela la légitime encore davantage en quelque sorte.
Enfin, il aurait été idiot de ne pas le faire. Je me plains souvent, ici entre autres, que, parfois, plutôt que de sortir des lancements de nouveautés ineptes, certaines marques feraient mieux de potentialiser sur l’existant, sur le patrimoine. "C’est dans certains vieux pots toussa..." Or, de manière totalement abusive mais que j’assume pleinement, qu’est Shalimar ? Une vanille ! P`tain de bordel : Juste la matière qui fonctionne le mieux en parfumerie. Celle qui attire le plus et satisfait le plus et le mieux. Bien entendu, Shalimar est davantage que cela. Mais, de vanille il s’agit bien. L’autre matière est le vétiver chez ces messieurs, cela assoie tout de suite un parfum, l’annoblit. Dernière preuve en date : Terre. il faut juste un peu épousseter la matière pour ne pas trop renvoyer à l’image du "paternel" pour ne pas détourner les plus jeunes. Après le lancement du prochainm masculin, une petite relance de Vétiver ? ;-)) (C’est que je m’emballe et m’emporte finalement... ^^) Shalimar, lui, a tout pour cartonner. Il lui manquait juste la visibilité. Et, un peu de dépoussiérage. Or, cete pub est un bon coup d’aspirateur. J’ai beaucoup entendu parler de cette pub, presque toujours en bien (en dehors des passionné(e)s), par des jeunes surtout pour qui, jusque cette semaine, Guerlain était une marque de "vieux". Opérations "Reconquête" et "Lifting" réussies !

 

Cela pourrait-il servir d’inspiration pour Dior et Chanel ? Ces deux marques ont des bijoux, des joyaux, dans leurs "back catalogues" (reformulations ratées mises à part).
Un exemple : Chanel, surtout, a une perle pas assez exploitée. Ou, plus précisément, qui a donné naissance à toute une série de nouveaux filons. Coco. "Simple". Malgré la présence des Chance, Allure, Sensuelle et "Mademoiselle", en 2011, Coco était classé 16ème, si mes informations sont justes, dans le classement mondial des parfums féminins. Opium était 15ème. Différence majeure : ce dernier est toujours soutenu commercialement, comme tous les autres vingt premiers parfums. Sauf Coco, qui continue à exister sans aucune promotion.
On comprend alors très bien pourquoi il a à nouveau été flanké d’un "Noir" l’an passé. Car il y a toujours un fort potentiel. Et, une question m’est souvent venue à l’esprit dernièrement. Quel serait le potentiel de Coco, déjà placé dans les vingts premiers, s’il était fortement soutenu commercialement ? Problème chez Chanel : Chanel Numéro 5 et Coco Mademoiselle doivent être soutenus commercialement pour ne pas perdre de terrain. Cela implique déjà de gros budgets.
Mais, le cas Coco mériterait peut-être, plutôt qu’un enième flanker, qu’on se repenche sur son cas. Shalimar pourrait servir d’exemple. Surtout que le parfum Chanel avec son univers baroque et l’inspiration autour de Gabrielle Chanel pourrait être exploité lui aussi. Là encore il y a un ADN qui pourrait légitimer une histoire. Simplement, avec le passé de la créatrice de la marque, un certain nombre d’écueils sont à éviter pour ne pas trop remuer le passé et créer un vent de polémiques. Keira Knightley et Brad Pitt, quoi qu’ils fassent, sont moins risqués pour la marque (malgré l’impression étrange laissée ces derniers mois par les spots du numéro 1 des ventes). C’est que les faits historiques sont moins universels et réunissent moins de gens qu’une belle histoire d’amour et son aura de contes de fées lointaine (même si elle est basée, elle aussi, sur des faits historiques, mais, sans "cadavre dans le placard"). Malgré tout, je suis convaincu du potentiel immense de Coco.

 

A propos des moyens mis en œuvre, de leur véracité, de leur justesse, une pointe de cynisme émerge.
Il s’agit de vendre du rêve. Je préfère un spot de pub facile et imparfait qui vante un parfum magnifique à une pub magnifique qui vante de manière prétentieuse et avec des termes pompeux ("sensualité", "audac(ieus)e", "exception(nel/le)" et tant d’autres) du shampooing, des arômes alimentaires, du jus de fruits et autres parfums d’une banalité affligeante.
La démocratie a toujours émergé de la violence, de conflits et de révoltes. Alors, pour promouvoir le grand parfum qu’est Shalimar s’il faut éblouir, faire de l’épate, sortir les grands moyens, et bien qu’on le fasse. On le fera et on le fait pour un nombre incalculable de daubes.
Tous les moyens sont permis !

 

J’ai observé, pour la campagne de pub de ce parfum, de nombreux retours positifs ; tant mieux. On ne discute pas philosophie ou existentialisme. Tout cela est très hollywoofien. Les ficelles sont grosses. Mais, c’est de la pub ! Du rêve. De l’illusion.
Beaucoup ont critiqué l’an passé le discours lénifiant d’un Brad Pitt au regard terne et déprimé qui se la jouait existentialiste. Mais, c’est que Chanel est une marque plus cérébrale, plus prise de tête. Finalement, c’est cohérent.
Tout comme l’est cette pub qui joue et tire les grosses ficelles de la sensualité. Mais, il s’agit de Guerlain, une marque connue pour la séduction immédiate de ses parfums. Bon, que Natalia Vodianova joue à touche-m’y-touche-moi n’est pas très logique. C’est le mônsieur qui aurait dû le faire. Mais, là encore, on aurait perdu en potentiel d’identification et, donc, en efficacité. Puis, bon, c’est vrai qu’on pourrait se croire durant Like a Virgin interprété par Madonna durant son Blond Ambition Tour, mais, cela ne dure que 15 secondes entrecoupées (donc, moins de dix au final). Mais, elles semblent bien longues car "déplacées".
Mais, que Chanel soit dans un storytelling avec une histoire jupitérienne, qui impose un statut à celle ou celui qui regarde, est normal. On veut atteindre un statut avec Chanel (parfums, sacs, lunettes ou vêtements).
Opium raconte toujours des histoires d’interdits comme inspirées par Saturne.
Shalimar, c’est le premier de tous les orientaux. On est dans un storytelling avec une histoire vénusienne, une histoire de séduction. Les orientaux, ce sont les parfums séduisants/séducteurs, lascifs, allongés, sensuels et presque sexuels. Ceux qui font dire "J’ai envie de te dévorer/croquer/bouffer !"... Quand on sort, le soir, pour avoir des compliments, pour plaire, attirer l’attention, séduire, rien de tel, dans la plupart des cas, que les orientaux. Pas toujours, mais, souvent, on le constate bien dans les faits et la pratique ! Rien de tel qu’une vanille ambrée orientalisante pour attirer l’attention et plaire. "Mmmmh... Tu sens bon !" Alors, que pour Shalimar on use les grosses ficelles de la sensualité lascive, quoi de plus cohérent ? ! Si on faisait de même avec un chypre vert austère et fier, cela pourrait être décalé, mais, on serait assez hors sujet. Là, le trait est grossier mais cohérent.
Le rajeunissement de la marque et sa notoriété, en quelques jours à peine, semblent respectivement réussir et augmenter.

 

Pour conclure, je me plains bien souvent que les nouveautés à foison devraient faire de la place à certains parfums patrimoniaux, alors, même si cette pub ne me transporte pas totalement, je ne vais pas bouder mon plaisir ! Les images sont belles, l’histoire nous raconte le passé avec les habituelles approximations nécessaires visuellement, certains moments sont magnifiques, à l’image de ce parfum, certes diminué, mais encore sur ses deux jambes (chose rare pour des parfums qui ont dix ans, alors plus de 90 !) et qui méritait un vrai coup de projecteur. Alors, musique pas au top, approximations un peu discutables ou pas, imagerie parfois facile et prévisible, je retiens une chose : Shalimar is back (et plutôt en majesté) !
Vive l’odorat. Vive Shalimar !
Bonne soirée.
Opium

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