Brut Original
Brut
Fougère power
par Jeanne Doré, le 3 septembre 2015
Jusqu’à la moitié du XXème siècle, l’accord fougère, assemblage de lavande, géranium et coumarine initié par Houbigant en 1882 avec sa Fougère Royale, était plutôt considéré comme féminin, et les quelques parfums alors destinés aux hommes étaient le plus souvent des eaux de Colognes, ou des vétivers.
L’accord fougère n’incarnait pas encore l’archétype de la mousse à raser et du sent-bon masculin qu’il deviendra plus tard, culminant au somment de sa virilité entre les années 70 et 80, en pleine période disco.
La maison Fabergé avait ainsi été à l’origine d’une forme de rupture et d’innovation quand, dans les années 60, cette maison prestigieuse et reconnue, orfèvre des Tsars de Russie, décida de lancer un vrai parfum masculin en circuit sélectif, à une époque où la parfumerie était encore largement adressée aux femmes, en reprenant un accord inspiré par Canoé de Dana, une fougère poudrée qui avait été initialement lancée pour les femmes, puis finalement aussi portée par les hommes…
Mais le discours ne laisse aucun doute planer : « Brut, l’essence de l’homme » revendique une masculinité absolue, en appelant les hommes à assumer leur virilité, et à prendre confiance en leur pouvoir de séduction.
Brut fera ensuite son entrée dans les grandes surfaces dans les années 70 en Europe et aux Etats-Unis, sous le nom éphémère Brut 33, et il restera jusqu’à aujourd’hui un best seller indétrônable des rayons eau de toilette, après-rasage et déodorant des supermarchés.
Il est cependant intéressant de noter que, contrairement à l’Occident, l’accord fougère, surtout quand il est accompagné de notes poudrées et orientales, constitue encore aujourd’hui un genre tout à fait féminin dans beaucoup de pays en Asie, ou en Amérique latine, que ce soit en eau de toilette, déodorant, cosmétiques…
Comment aborder Brut olfactivement ? Tout d’abord cette force, cette puissance qui vient d’un seul bloc, d’abord saturé en lavande, géranium et notes anisées du basilic avec sa forte connotation savonneuse et propre. Puis la chaleur poudrée et crémeuse de la coumarine et de la vanille qui vient s’immiscer et s’emparer de l’espace avec tendresse et réconfort, en imprimant sur la peau son sillage singulier, à la fois trivial et unique, vulgaire et sublime, brutal et complexe.
Brut est, tout comme parfois Chanel N°5 avec ses déclinaisons de savons et de laques Elnett, victime de son succès, et provoque souvent le rejet par associations involontaires et malheureuses.
Brut m’émeut toujours, que je le sente le matin sur un papi endimanché ou le soir sur un ado boutonneux en survet, car il incarne tout le paradoxe de la beauté des parfums, la beauté de la simplicité et de l’évidence.
Brut Original eau de toilette, environ 9 € / 100 ml
Crédit image : parfumdepub.com
par Thelittlebox, le 3 septembre 2015 à 23:00
Comme chaque soir je vais faire un tour sur Auparfum, et là devant moi, inimitable, la photo de Brut de Fabergé, ahahah
Je me suis marré comme une baleine, Auparfum à osé !!
Brut est un parfum mythique qui à bien sa place ici, ne m’en déplaise je le déteste.
Pour moi il est immanquablement associé au poivrot cradingue du PMU qui empeste la vinasse et la clope, généreusement badigeonné de Brut pour cacher l’odeur de transpiration collée aux fringues tachées qu’il porte depuis 3 jours.
C’est toute mon enfance dans la campagne profonde du centre de la France.
Alors que Brut est une fougère "barbier" faisant référence aux "propres" grâce à ses accords aromatiques, il m’évoque la crasse absolue et m’indispose jusqu’à la nausée.
Merci pour cette incroyable critique :)
par LeGaulois, le 3 septembre 2015 à 22:37
Merci pour cet article. Un Brut qui fut réinterprété en 2010 par Bertrand Duchaufour dans Sartorial (Penhaligon’s).
par invité, le 3 septembre 2015 à 22:36
Cette critique m’enchante. Brut, dont je me souviens très bien de son éphémère appellation Brut 33, traverse les décennies sans prendre une ride...et tout ceci pour un rapport qualité/quantité/prix imbattable.
par billieH, le 3 septembre 2015 à 22:01
Je suis ravie de cette critique, Brut me plaira toujours, l’odeur d’un père mêlée à celle de ses cigarettes...simple mais efficace ! Merci ;)
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