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Art et Parfums à Rives de la Beauté

Art et Parfums à Rives de la Beauté

par Clara Muller, le 21 septembre 2015

"Rives de la Beauté" propose cette année deux événements qui mettent en relation les arts et le parfum.


L’Exposition ANBAR

Le café Artefact accueillera du 23 au 27 septembre l’exposition polysensorielle Anbar (« ambre gris » en arabe ancien). Patrice Revillard, apprenti parfumeur et bloggeur (Musque-Moi !), la peintre Clélia Tondini, et le compositeur Mauro di Vincenzo, ont travaillé à ce projet atypique retraçant l’histoire et les utilisations du précieux ambre gris.

Le projet a été conçu et produit par la commissaire d’exposition Giulia Basaglia, qui souhaitait organiser, dans le cadre de ses études, une exposition originale : intégrer le parfum dans un parcours d’exposition, et le mêler à l’art pictural tout en racontant une histoire. Cela permet de mettre en valeur les différences et les similitudes entre deux manières d’expression : l’une par la couleur, l’autre par l’odeur.
« Je suis passionnée d’art sous toutes ses formes, c’est la polyvalence qui a toujours caractérisée ma personnalité, mes études et mes expériences professionnelles. J’avais envie de créer une exposition qui me permettait de travailler et étudier plusieurs démarches artistiques afin de les mettre en relation. Corréler et mettre en relation différents médiums est une opération très délicate. Il faut bien comprendre la démarche de chaque artiste choisi, la respecter en essayant, en même temps, de lui faire comprendre le concept sur lequel l’exposition repose. ».

Pour la scénographie de l’exposition, notamment les dispositifs olfactifs, « j’ai décidé de partir de l’idée du nez. J’avais envie de me détacher visuellement de tous les supports que j’avais vus dans les différentes boutiques de parfum et qui ne me plaisaient pas vraiment. J’aime les choses très minimales. La chose la plus importante pour moi a été le choix du papier. En effet, les nez sont faits avec des papiers très particuliers afin de valoriser les accords et de bien le faire sentir et de bien les diffuser. Pour la forme j’ai travaillé avec Viviana Paga, la personne qui s’occupe de la conception graphique de l’exposition, une personne que j’estime beaucoup. J’ai essayé de créer plusieurs supports mais au final je me suis décidée pour le nez « conique » car je le trouvais très élégant et surtout car, grâce à sa forme, il donne la juste distance au visiteur pour regarder le tableau. »

Patrice Revillard, a ainsi créé sept parfums retraçant l’histoire de l’ambre gris et ses utilisations. Il souligne « cette manie qu’ont actuellement les marques à citer l’ambre gris dans leurs compositions, sans qu’il y ait la moindre note qui s’en rapproche olfactivement. Le prétexte étant qu’elles utilisent l’ambroxan, ou pire, des “bois ambrés”, souvent à trop haute dose d’ailleurs ». Il a donc « fait le pari de faire une interprétation toute personnelle de cette matière en un accord très simple de quelques matières premières » avant de poursuivre avec d’autres créations retraçant l’origine, l’histoire et les utilisations de l’ambre gris.

Il nous explique également comment s’est déroulé le processus de création : « Les accords olfactifs ont été créés en premier, en se rapportant à 7 thèmes répartis en deux "chapitres". Ils ont ensuite été envoyés à Clélia qui a été mise au courant du sujet de l’exposition, a qui on a expliqué ce qu’était l’ambre gris et qui était au courant de l’intitulé de chacun des 7 thèmes. Elle n’avait cependant aucune information sur ce qu’il y avait dans les parfums, ni comment je les avais imaginés ou ce que je voulais qu’ils racontent. Elle a ainsi peint les toiles de son côté, sans que l’on échange sur le sujet. »

La création de certains parfums sur le thème s’est avérée plus compliquée que d’autres : « La Mer et L’Aphrodisiaque m’ont donné du fil à retordre. Le premier parce que l’odeur est si simple, insaisissable et évidente à la fois, que la reproduire fidèlement est impossible. Le second car il ne fallait pas tomber dans un piège tendu et dont je me suis rendu compte après une première vague d’essais. Un piège aussi gros qu’un cachalot pourtant. Celui de l’ambre dans l’ambre. De l’accord ambré animalisé surfait et finalement pas si intéressant. Du gros truc indigeste et cliché à grands coups de vanille et des baumes arrosés de civette et de musc cracra sensé attiser le désir. Comme aphrodisiaque, l’ambre gris était utilisé appliqué sur la peau ou diffusé dans les pièces. Je suis donc parti sur l’idée de l’atmosphère d’une pièce saturée d’une tension sexuelle, dont l’odeur est un écœurant mélange de corps échauffés et suants, baignant dans le parfum aphrodisiaque des tubéreuses infusées de vapeurs d’ambre gris. »

En créant les parfums, le jeune parfumeur tentait déjà d’imaginer la manière dont ils pourraient être représentés visuellement, « mais ces interrogations n’ont eu aucune incidence sur la façon dont j’ai imaginé les parfums proposés à l’artiste » précise-t-il.
Pour le dernier tableau la démarche créatrice a été inversée : la peinture préexiste et c’est au parfumeur de la traduire en odeurs.
« C’était angoissant de se retrouver face à ce dernier tableau. Finalement, j’ai décidé d’interpréter olfactivement le propos que Clélia a voulu exprimer dans ce tableau de conclusion : représenter l’aspect précieux et luxueux de l’ambre gris. C’est cette notion de préciosité et cette masse dorée et texturée que j’ai tenté de mettre en odeur. J’y ai mis tout ce que la parfumerie offre de plus beau à mon nez, tout ce qui peut évoquer l’or et le luxe, et tout mon cœur. C’était le moment de se faire plaisir et d’y aller à fond. Au final, le parfum proposé est le plus fini et le plus "parfum" de l’exposition. Il a d’ailleurs été construit comme tel, car ce tableau rendait gloire à l’ambre gris avant tout à travers le domaine qui l’a le plus utilisé : la parfumerie. J’aime beaucoup l’accord central, inspiré par la couleur doucement dorée et patinée, et par la texture "épidermique" que l’on aperçoit sur le tableau, le tout structuré autour d’un accord chypré résolument moderne. Il n’est pas aussi radieux et époustouflant que je le voulais, mais après tout, le luxe le plus pur n’est-il pas celui que l’on sait garder pour soi et non pas celui qui, tapageur, s’affiche à la vue de tous ? Mais je ne vous en dis pas plus, il faudra venir pour le découvrir ! ».

A partir de ses parfums, l’artiste peintre italienne Clélia Tondini a réalisé des œuvres, inspirées par les odeurs : « J’étais vraiment fascinée par cette matière, son processus de vie est tellement inspirant comme métaphore d’un processus universel de transformation. Cela m’a donné beaucoup d’idées. Je suis du genre visuel, quand je pense ou quand je parle, je vois des images. Alors sentir avant de voir était une perspective intéressante ».
Elle confesse aussi ses difficultés à peindre à partir d’odeurs : « Ce n’était pas simple car mon esprit est habitué à peindre à partir de stimuli visuels. J’avais déjà été inspirée par de la musique mais jamais par des parfums. Toutefois j’ai senti ces parfums en faisant confiance à mon corps pour réagir sincèrement et pour infléchir le pinceau dans un mouvement juste avec des couleurs justes. C’était instinctif, cela passait par la mémoire des cellules. Je ne peux pas l’expliquer avec des mots. Certains parfums m’ont provoqué des sensations positives, d’autres étaient plus difficiles à interpréter ».
Le parfum le plus difficile à traduire en image a été pour elle Le Cachalot : « Cela m’a ramenée à de mauvais souvenirs, j’ai donc eu du mal à sentir et à peindre ce parfum. Mais j’ai fini par le faire et j’ai été satisfaite du résultat, car j’ai ressenti pour le tableau la même aversion que pour le parfum ! ».

Enfin, la musique viendra également prendre sa place dans l’exposition grâce au compositeur italien Mauro di Vincenzo qui proposera une pièce pour violoncelle en trois mouvements. « Quand Giulia m’a parlé du projet j’ai été enthousiasmé ! Pour la première fois j’ai pu travailler sur un projet synesthésique, présenté en plus dans un lieu peu conventionnel. »
Tout comme la peintre, le compositeur a été informé de l’histoire de l’ambre gris et des thèmes de l’exposition : « L’ambre gris, avec toutes ses transformations, est très adapté à un traitement musical, et la présence de sept parfums et tableaux différents m’a permis une approche programmatique dans l’écriture de la pièce. » Il avoue toutefois avoir surtout composé à partir des peintures, n’ayant aucune expérience avec le parfum, « mais dans le troisième mouvement j’ai essayé de donner une représentation musicale de ce qu’est un parfum pour moi : une essence, des distillations d’ingrédients qui contiennent la mémoire des matières premières ».
Le lieu d’exposition ne se prêtant pas à la présence d’un ensemble, Mauro di Vincenzo a décidé de choisir le violoncelle : « Il fallait un instrument seul qui soit expressif, résonnant, et plus important encore, versatile. Le violoncelle est donc parfait, surtout pour évoquer la mer, le vent et toutes les couleurs des peintures ».
La pièce se compose de trois mouvements : « le premier est inspiré par l’ambre gris dans la nature et donne à entendre la mer, le vent, le soleil et les mouvements du cachalot dans son environnement naturel ; le second mouvement nous parle de l’utilisation de l’ambre gris en parfumerie entre violence et séduction ; le dernier mouvement enfin transfigure les motifs précédemment entendu en une ambiance qui évoque le scintillement de l’or ». Cette pièce sera créée le soir du vernissage, le 23 septembre à 19h30, par la jeune violoncelliste Iris Guémy, âgée de 19 ans.

— 

Du 25 au 27 septembre 2015, vendredi et samedi 11h-23h, dimanche 11h-20h
Vernissage mercredi 23 septembre 2015, 18h-21h
Soirée nocturne jeudi 24 septembre 2015, 18h-22h
Café Artefact, 23 rue des Blancs-Manteaux, 75004 Paris.

Retrouvez toutes les informations pratiques sur la page facebook de l’événement.

 


Des Effluves et des Œuvres, par In The Ere

Le 25 septembre à 19h, la spécialiste du parfum Constance Deroubaix propose dans le cadre des Rives une visite guidée parfumée du musée du Quai Branly.

L’idée de ces visites de musée parfumées lui est venue en en suivant l’historienne de l’art Carole Couturier en conférence dans les expositions parisiennes en tant qu’auditrice. « Je percevais pour la plupart des œuvres son ambiance olfactive et l’histoire que ça m’inspirait. Et comme j’adore relever des défis, j’ai proposé à Carole de créer ensemble des visites dans les musées dédiée à l’art et au parfum. C’est devenu en 2012 les conférences "Des Effluves & des Œuvres" au musée d’Orsay, au Centre Pompidou, au Musée du Quai Branly et bientôt au Musée du Louvre. Le parfum amplifie la démarche de création de l’œuvre, il leur donne une nouvelle vue, Il réintroduit une richesse dans la perception sensorielle de l’œuvre. »
Durant ces visites, Carole Couturier replace les œuvres dans leur contexte artistique et stylistique tandis que Constance Deroubaix présente des parfums en lien direct ou indirect avec celles-ci. « La sélection des œuvres est un travail en commun avec Carole. Elle dépend du thème de chacune de nos conférences. Par exemple, au Centre Pompidou, nous abordons la parfumerie au début du XXe siècle avec plusieurs fils rouges comme le lien entre l’art abstrait et la parfumerie abstraite représenté par exemple par N°5 de Chanel et La Noce, d’Hervé Léger. Pour certaines œuvres, la fragrance prolonge la dimension sensorielle de l’œuvre, pour d’autres, elle est emblématique de l’époque de l’œuvre, de son histoire, ou encore elle exprime olfactivement un instant fugace, parfois un lieu, une destination, ou une croyance. »

Constance Deroubaix a découvert Rives de la Beauté lorsqu’elle était directrice des Ateliers Parfums Thierry Mugler. C’est d’ailleurs à l’occasion des Rives, il y a quatre ans, qu’elle a rencontré Carole Couturier lors de sa conférence "Qu’est-ce que la beauté ?" au Musée d’Orsay. « Depuis nous animons chaque année une nouvelle conférence "Des effluves & des Œuvres" pendant les Rives avec le soutien de son fondateur pour qui j’ai beaucoup de respect. Les Rives sont une belle croisade menée par un passionné, un entêté serein et convaincu que le beau dans tous ses états doit être montré, partagé, expérimenté par le plus grand nombre, pour ça il a créé les Rives de la Beauté et je l’en remercie. Que les Rives existent encore longtemps ! »

— 

Des Effluves et des Oeuvres au Musée du Quai Branly
Vendredi 25 septembre à 19h00
Réservation sur le site de In the Ere

Organisé dans le cadre de :
Rives de la Beauté
du 23 au 27 septembre 2015
http://www.rivesdelabeaute.com
Le programme complet (PDF)

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