Parfums à voir & à lire
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La maison Violet nous a habitués à des lancements de qualité, et celui-ci ne fait pas défaut.
il y a 2 semaines
Je ne sais pas si un message sur un post aussi vieux sera lu mais il me reste toujours du jus(…)
Des airs de famille
Bain d’épices
Petitgrain devient grand
Le chapitre X d’A Rebours de Huysmans est un véritable morceau d’anthologie où se mêlent intimement réflexions sur l’art de la parfumerie et sur la création littéraire, ou plus exactement des correspondances entre les parfums à la mode à une époque donnée et la production littéraire contemporaine. Des Esseintes, le Héros d’A Rebours, se retranche dans son cabinet de toilette pour chasser une importune odeur de frangipane qui hante sa chambre mais qu’il est seul à sentir et dont il ne parvient pas à déterminer l’origine : une hallucination olfactive.
Fatigué par la ténacité de cet imaginaire arôme, il résolut de se plonger dans des parfums véritables, espérant que cette homéopathie nasale le guérirait ou du moins qu’elle retarderait la poursuite de l’importune frangipane.
(...)
Il était, depuis des années, habile dans la science du flair ; il pensait que l’odorat pouvait éprouver des jouissances égales à celles de l’ouïe et de la vue, chaque sens étant susceptible, par suite d’une disposition naturelle et d’une érudite culture, de percevoir des impressions nouvelles, de les décupler, de les coordonner, d’en composer ce tout qui constitue une œuvre ; et il n’était pas, en somme, plus anormal qu’un art existât, en dégageant d’odorants fluides, que d’autres, en détachant des ondes sonores, ou en frappant de rayons diversement colorés la rétine d’un oeil ; seulement, si personne ne peut discerner, sans une intuition particulière développée par l’étude, une peinture de grand maître d’une croûte, un air de Beethoven d’un air de Clapisson, personne, non plus, ne peut, sans une initiation préalable, ne point confondre, au premier abord, un bouquet créé par un sincère artiste, avec un pot-pourri fabriqué par un industriel, pour la vente des épiceries et des bazars.
Dans cet art des parfums, un côté l’avait, entre tous, séduit, celui de la précision factice.
Huysmans nous gratifie également d’un résumé de l’histoire de la parfumerie de Louis XIII au Second Empire. Le héros d’A Rebours se lance alors dans la composition d’un "nouveau bouquet" après avoir fait ses gammes sur la création d’un héliotrope et de pois de senteur de synthèse.
Le chapitre X est, comme l’ensemble d’A Rebours d’ailleurs, d’une virtuosité artificielle un peu étourdissante. Lorsque Des Esseintes élucide, à la fin du chapitre, l’origine de l’odeur de frangipane qui l’avait tant énervé, il est terrassé par le trop-plein de ses expérimentations olfactives. Le charme est rompu.
On ne compte plus dans ce chapitre les senteurs mystérieuses mais aux noms au combien évocateurs que sont l’ayapana, le tilia de Londres, le champaka, l’hediosmia de la Jamaïque, le jasmin ("odeur française", écrit-il) et l’Hovénia du Japon.
Il mania l’ambre, le musc-tonkin, aux éclats terribles, le patchouli, le plus âcre des parfums végétaux et dont la fleur, à l’état brut, dégage un remugle de moisi et de rouille. Quoi qu’il fît, la hantise du XVIIIe siècle l’obséda ; les robes à paniers, les falbalas tournèrent devant ses yeux ; des souvenirs des "Vénus" de Boucher, tout en chair, sans os, bourrées de coton rose, s’installèrent sur ses murs des rappels du roman de Thémidore, de l’exquise Rosette retroussée dans un désespoir couleur feu, le poursuivirent. Furieux, il se leva et, afin de se libérer, il renifla, de toutes ses forces, cette pure essence de spikanard, si chère aux Orientaux et si désagréable aux Européens, à cause de son relent trop prononcé de valériane. Il demeura étourdi sous la violence de ce choc ; comme pilées par un coup de marteau, les filigranes de la délicate odeur disparurent ; il profita de ce temps de répit pour échapper aux siècles défunts, aux vapeurs surannées, pour entrer, ainsi qu’il le faisait jadis, dans des œuvres moins restreintes ou plus neuves.
Huysmans n’est ni Proust, ni Baudelaire, mais il fait montre d’une certaine érudition sur l’art des parfums et d’un sens aigu de l’artifice et du désenchantement propres à l’expérience olfactive.
Un petit jeu pour finir, le chapitre X mentionne un nom d’une maison de parfums encore en activité, laquelle ?