Auparfum

Miss Dior

27 novembre 2013, 23:26, par Newyorker

Bonsoir Emeline,
Oui, en effet ça ne semble choquer que nous, il faut dire que nous ne sommes pas bien nombreux, petite tribu d’irréductibles perfumistas hystériques résistant encore et toujours à l’envahisseur.
Evidemment, nous avons une vision du parfum qui diffère sensiblement de celle des non passionnés. Si l’on ne considère pas le parfum comme une forme d’art, alors cette réécriture historique, ce tour de passe-passe guignolesque ne choque pas. Alors que pour nous, c’est comme si on remplaçait la Joconde par un tableau de Pal Sarkozy. Mais c’est aussi parce que les gens ne savent pas, ignorent tout de ce domaine, car la parfumerie est encore un milieu confidentiel, qui doit continuer à préserver ses secrets pour vendre du rêve...et des flacons. J’ai rencontré fréquemment des personnes qui étaient surprises d’apprendre que leur parfum n’était pas composé en grande partie de matières naturelles.
 

Le fait que ça sente fort ne gêne pas les gens, sauf si ça ne sent pas fort le sucre. Parce que LVEB ne semble pas gêner grand monde par exemple, alors que Shalimar provoque souvent un mouvement de rejet immédiat chez un consommateur non averti. Mais aujourd’hui, les gens veulent en avoir pour leur argent et cela passe par la tenue, qui est devenue un signe de qualité. Il faut aussi savoir qu’avant les années 80, les parfums étaient généralement moins concentrés qu’aujourd’hui. Le changement est venu en parti avec Opium en 1977. Les parfums de toilette, créés à partir des années 70, étaient moins concentrés que nos eaux de parfums actuelles. C’est en partie ce qui vaudra à Femme d’être reformulé en 1989 par Olivier Cresp (achevant un peu plus Roudnitska, à l’époque déjà malade), le parfum n’étant plus assez diffusif par rapport à ceux de la concurrence.
 

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous quand vous dites que le coupable, c’est le consommateur, comme vous le savez, c’est plus complexe. Nous avons derrière nous 25 ans de nivellement par le bas de la parfumerie. L’industrie s’est transformée énormément au cours des années 80, lorsque le marketing a pris une place de plus en plus importante (Opium, Poison, Samsara) et que les logiques de développement de ces maisons, pour la plupart sacrément encroutées, changèrent. Parce que Guerlain, Gucci, Dior et Chanel dans les années 80, sur le plan financier, ce n’était pas bien glorieux. Mais il y avait encore un équilibre entre marketing et qualité du jus. La démocratisation du parfum, entamée à partir des années 60, a atteint son paroxysme dans les années 90, ce qui n’arrangea pas forcément les choses. En se tournant vers une autre clientèle, les marques adaptèrent aussi leur offre. De plus, cette clientèle était de plus en plus internationale, avec de fortes disparités culturelles. Il a donc fallut faire des choses bien lisses pour plaire au plus grand nombre à toutes les échelles, qu’elles soient sociales ou géographiques. Les classiques ont cessé d’être soutenu et ont donc, à force, acquis une image de "parfums de vieilles" peu désirable. Les logiques de développement ont changé donc, de plus en plus de marques intégrèrent de grands groupes aux logiques de développement court termistes et agressives. Tout dans la pub, rien dans le flacon. Quand tous les lancements se ressemblent, et bien à terme, ce sont ces merdes qui deviennent des référents, puisqu’il n’y a plus que ça qui sort. Donc un parfum, ben on pense que ça doit sentir comme ça, et puis on s’y habitue, et le jour où l’on sent quelque chose de très différent, on ne comprend plus, car il n’y a pas de repère olfactif et que le nez n’est plus/pas habitué à sentir des notes animalisées, vertes, chyprées, aldéhydées. C’est l’industrie qui ment sur ses produit en racontant n’importe quoi sur les matières premières et leur qualité, c’est elle qui s’autorèglemente de manière schizophrénique. Bon, je simplifie pas mal, parce que mon message est assez long mais en gros, moi, j’en veux surtout aux marques et à l’industrie.
 

L’usurpation historique du parfum et de son créateur est un vrai problème, mais le fait que les parfums Dior continuent à porter le nom du créateur de la maison ne me pose pas de problème. Dior est une marque avec son image et ses symboles, dont le nom et la création ont pour origine un homme, oui. Le fait qu’un parfum reprenne le nom d’une personne disparue de ne me choque absolument pas, dans la mesure où cela est fait à la manière d’un "hommage". En revanche, c’est une toute autre histoire que d’attribuer à une personne décédée la paternité d’un parfum, créé 50 ans après sa disparition. Là oui c’est scandaleux.
 

Le seul point positif chez Dior actuellement, c’est la réédition de Diorama et Diorling, qui, bien que largement reformulés, sont encore assez intéressants. Et Dior est une maison qui discontinue peu (oui, mais qui reformule beaucoup) par rapport à Kenzo, Givenchy, Lancôme ou Rochas. Les seuls parfums qui ont été arrêtés sont Midnight et Tendre Poison, Eau de Dolce Vita, les Eaux de Dior Coloressence (la verte et la rose) au début des années 2000, donc que des choses peu intéressantes. Le seul parfum digne d’intérêt à avoir été rapidement discontinué est Dior-Dior, le dernier parfum créé par Roudnitska pour la marque en 1976, et sorti quelques mois avant Opium, à l’issue d’une soirée de lancement à Marrakech qui coûta très cher. Ce parfum connut un flop retentissant car il fut rapidement ringardisé par le parfum d’Yves Saint Laurent. La marque en tira la conclusion que Roudnitska n’était plus dans la course, et décida de se tourner désormais vers d’autres parfumeurs, tout en arrêtant de reprendre systématiquement le nom de Dior pour nommer les parfums. La réflexion autour de ce qui allait devenir Poison s’engagea alors.

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