Auparfum

Quel parfum portez-vous ?

Petrichor

par Petrichor, le 9 novembre 2021

"La fille de Berlin", flacon zellige, Serge Lutens
Mis sur le tissu, pas si loin d’un "Profumo" vintage mis la veille.
(Profumo, version tardive, Acqua di Parma. Traduction : fond de beurre et absolu iris santalé, à la "femme de rochas")

Le flacon traine sur mon lit, et je le sniffe compulsivement. Cette fois je m’en suis mis.
Quelle énigme que ce parfum de Lutens...
Je le compare à mon souvenir de "Coco noir" en extrait chez Chanel, qui est plus cher et que pourtant j’aime moins.

Et je m’interroge sur la signature de Christopher Sheldrake sur les deux parfums ?
Ce parfumeur semble fuir la lumière, pourtant c’est un des génies de notre époque. Il a rarement la paternité "principale" des parfums qu’il compose. Puisque chez Chanel tout est attribué à Polge père et fils, et chez Lutens, bin c’est Lutens.

Le jeu de piste "extrait naturel ou synthèse" y est un jeu de miroir déformant.
. Indole de vrai jasmin ou pas.
. Belle rose rouge, et qu’importe son nom, puisqu’elle sent si bon.
. Violette. Anthranilate, façon jus de raisin. Sillage groseille et shampoing Dop.
. Amorce de myrtille, illusion. Bourgeon de cassis, réalité. Souvenir des premiers "Mûre et musc" de L’artisan parfumeur.
. Ces signatures de baies rouges et bleues, qui ici restent distinctes (exploit), et la tonalité géranium rosa, avec les pointes "cosmétiques irisées", sont les correspondances avec le Chanel.
. Et à ce stade, jus de raisin, cassis myrtille, font surgir de magnifiques effets pivoines, rouges et violacés. Ces jeux sur le bourgeon de cassis et la rose, pour faire une pivoine, me rappellent des Cartier exclusifs comme VIII L’heure diaphane (et la folle, et la fougueuse).
. Damascone et damascenone années 80, absolu cire d’abeille, fruits rouges, pointe d’amande invisible, pointe de patchouli imperceptible, rappelant "Rahat Loukhoum".
Et le nez semble bien plus s’y amuser que dans Coco noir. La forme y est aussi bien plus aboutie.

Il me reste à tester à l’accessoiriser, ce qu’en donne le sillage. Mais je ne suis pas pressé.
Je dois aussi démêler ce que la contagion du beurre d’iris et du santal de l’autre parfum apporte à "La fille de berlin".

Franchement, on se rapproche de l’ancien Nahéma, cette forte signature de rose rouge, tournante et en lévitation, indémêlable entre naturels et synthèse.
(Nahéma, dont l’extrait vient de disparaître)
(Au fait, l’extrait de L’heure bleue est aussi en rupture de stock sur le site ? Quelqu’un peut-il dire si l’IFRA est encore venu jouer la grande faucheuse ?)
Dernièrement, je m’interrogeais sur la cuisine des marques et des approsionneurs : comment peut-on conserver un maximum des facettes du beurre d’iris ?
(Pourtant, dans la terminologie, une fois passé à l’alcool, la concrète/beurre donne un absolu. Sauf que l’absolu est épuré, centré abusivement sur le côté linge repassé de l’irone.)
Les facettes crinières et cuir du beurre d’iris sont peut-être dans la signature même d’Habit rouge. Dit autrement, selon ma supposition, on y choisirait délibérément le beurre d’iris, et pas l’absolu.

J’irais sentir l’extrait de Nahéma, pour y pister s’il y a un usage intentionnel des facettes du beurre d’iris, par opposition à l’absolu. Je finis par un retour au présent, à un plaisir régressif, et à l’auto-dérision :D

https://www.youtube.com/watch?v=ERoVH3obKA0

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