Auparfum

Etat Libre d’Orange annonce la Fin du Monde

Jicky

par Jicky, le 12 novembre 2013

Ma chère Emeline, si vous saviez ô combien les points que vous soulevez sont importants !

 

J’ai eu la chance, je considère cela comme de la chance quand même, de participer à de nombreux rendez vous parfumés à l’image de ce que j’imagine être cette soirée (je n’étais pas là ce soir là, j’avais plein d’examens le lendemain ^^ puis honnêtement, c’est loin de ma maison en métro et j’avais eu une semaine de crotte donc nom, je voulais pas de bruits ni de gens. Oui Opium, au***** si tu veux ^^). Et j’ai eu plusieurs déconvenues comme la votre. La première j’en ai parlé sur auparfum dans un long billet, c’était pour le lancement de Yuzu Man. J’avais 16 ans à l’époque, et je pensais qu’à un lancement de parfum, tous les gens invités étaient des passionnés impatients de discuter avec l’équipe ayant créé le parfum, découvrir ledit parfum et débattre encore et encore sur la création en question.

Tu parles, je suis tombé sur un truc de la fashion week ou sur deux heures j’ai seulement entendu "huuuum c’est frais" en ce qui concernait le parfum, le reste se réduisant à un dj douteux, des verres de champagnes tristement incolores et un défilé zoologique à rendre dingue le cardiologue de Brigitte Bardot.

 

Vous posez le problème, le parfum n’a finalement qu’une communauté passionnée plutôt restreinte. Et, c’est un peu nul, mais pour la plupart des parisiens, on se connait à peu près tous (pas les autres hélas, mais je peux vous dire qu’on pense à vous :D !). Néanmoins je fais encore de très belles rencontres à ces événements là de temps en temps, ne généralisons rien...

Le reste, j’ai remarqué que c’est une sorte de communauté branchée, qui, je n’en doute pas une seconde, est toujours habillée très in, et écoute de la musique top. Le parfum étant encore un peu underground dans l’underground (parce que la mode et la musique c’est trop mainstream), j’imagine que pour eux c’est du dernier chic de porter le dernier parfum d’une marque de niche, "tu dois pas connaître".

 

Et comme le précise Newyorker, c’est là que le concept se doit d’être canon. Parce que bon, Goutal, Hermès, Cartier et Frédéric Malle ont beau sortir les parfums les plus canons du marché, le concept bah c’est pas drôle quoi.

ELO est parfait pour ça, ils ont l’image transgressive, les noms provocateurs, une dynamique jeune. Bref, c’est hype quoi. Et ils ont plutôt bien réussis leur coup : une soirée de lancement ouverte à tous, pour bien buzzer dans le milieu branché.

 

Ce qui est regrettable, ce n’est pas tant qu’ils ne soient pas passionnés de parfum comme certains d’entre vous (oui, je ne m’inclue pas mouaaah ah ah), c’est normal, mais c’est plutôt une certaine pédanterie qui ne cache qu’une ignorance déplorable.

 

Un deuxième public : l’étudiant en parfumerie. On se dit, celui là, bingo, c’est un passionné, il est pour moi. Bien, je veux pas briser le mythe mais bon... il y a peu d’étudiants en parfumerie réellement passionné par le parfum. Une amie à l’ISIPCA dans le fameux master me disait que sur la vingtaine d’élèves, la moitié n’étaient pas si intéressés que ça. Et pour fréquenter certains jeunes de l’ESP, bah j’ai l’impression que pour certains c’est pareil. Sauf que j’imagine que c’est pas classe dans certains milieux de dire que sa fille est en master pour développer des filières bio de petit pois...

Le problème de l’étudiant en parfumerie, c’est que lui il est étudiant en parfumerie, et pas toi.

 

Et l’enjeu majeur, vous le citez Emeline, ce sont les mots. Et c’est là, selon moi, qu’est la différence.

 

Que ce soit le branché, l’étudiant, le marketeux ou la modeuse perdue, la différence se fait sur les mots. Il ne faut pas avoir peur de ne pas savoir reconnaitre l’anthranilathe de méthyle ou de confondre l’acétate d’isotrucbiduchyle avec le méthylbinouchol. Car ce sont un peu des trucs de singes savants à leurs niveaux. Il faut savoir que nommer une odeur est quelque chose de très significatif, de très symbolique. Et il y a un très grand monde entre l’odeur réelle, l’odeur sentie et l’odeur nommée. Il y a donc différentes manières de nommer une odeur, et il faut admettre que l’industrie et le marketing l’a plutôt bien compris, ou du moins l’applique bien, sans forcément en avoir une totale conscience.

C’est que si vous sentez par exemple une molécule qui s’appelle (*cherche dans sa tête*).... tiens, ambrinol ! Si vous sentez de l’ambrinol (quoique mon exemple n’est pas forcément parfait, puisque c’est une matière choc, qui provoque forcément la réaction, mais tant pis), et que je vous dis que c’est de l’ambrinol, ok c’est tant mieux. C’est le nom. Mais si je vous dis ambre gris, là tout de suite, il y a un imaginaire qui se créé (comparaison de sensations, analogie avec duu véritable ambre gris, etc). Et mieux, si je dis "piscine, bave, salinité, terre, boue, haleine", là on est toujours dans les mots autour de l’odeur. Et l’imaginaire est beaucoup plus parlant.

 

J’ai remarqué qu’hormis quelques tics de langage, qui sont en fait des adjectifs du milieux, les parfumeurs ne dissertaient pas tant que ça sur les noms des molécules parfumées, mais beaucoup plus sur les comportements de l’odeur. Décrire l’odeur, que ce soit avec des adjectifs compliqués (salycilés, aldéhydés, caloné...), ou purement émotionnels/sensoriels (odeur chaude, odeur ronde, aigues, humide, sèche...) avec toute la gamme de nuances que proposent la langue française.

 

 

En attendant, il ne faut pas complexer sur ça à notre niveau. Car au delà de la nomination de l’odeur (j’aimerais beaucoup qu’un philologue ou même un philosophe nominaliste se penche sur les noms de molécules dans le milieu de la parfumerie... genre pourquoi l’hédione s’appelle l’hédione ? pourquoi beaucoup de muscs ont des noms d’épopées SF ? pourquoi est ce que les notes vertes ont toujours des noms moches ?), il faut savoir que le passionné de parfum a une exigeance que n’ont pas beaucoup de personnes, notamment grâce à une connaissance de base des grands classiques de la parfumerie (que ne connait ni le branché ni certains étudiants... I know that ;) ), et permet d’apprécier un parfum pleinement, tantôt en faisant abstraction du marketing, tantôt en le prenant en compte. Tantôt en jonglant sur le parfum et son inspiration, tantôt en essayant juste de voir sa position dans le marché actuel.

 

Ainsi, certains jus de ELO sont vraiment inintéressants par rapport à leur concept (genre le Don’t Get me wrong baby i don’t swallow niveau le muguet de fragonnard, et ce n’est pas un compliment), d’autres sont vraiment top (Rien, Like This, et plusieurs autres !), d’autres encore font débat (Sécrétions Magnifiques notamment, mais aussi le Fils de Dieu récemment).

Bref, ce que je peux dire en conclusion c’est synthétiser les problématiques soulevées aujourd’hui :

- la place du parfum dans l’imaginaire social : quelque chose d’underground, où la marque "niche" prévaut sur le parfum en lui même. Où quand le concept délaisse la créativité (pourrait-on dire "quand on prend les gens pour des cons" ?)

- parler du parfum : le passionné de parfum est-il légitime pour parler du parfum ? Grande question que celle là. Beaucoup de professionnels pensent que non. J’ai envie de dire bitch please quand je vois le niveau de certains... (#prunol)

- dégradation du niveau de la niche : le concept dépasse le parfum et l’exigeance qu’on attend d’une création en niche disparait en même temps qu’on nous promet le graal. Plus de modestie ?

 

 

C’est une discussion très intéressante. Il faudrait que j’aille sentir le ELO en question. Je vous tiens au courant. En attendant, je fais une totale confiance aux nez qui l’ont senti... (surtout que l’écho a l’air d’être sensiblement le même pour tout le monde : une petite tête verte carotte iris sympa mais qui se patatraffe au bout de 20min).

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