Irish Leather

N’en déplaise à d’éventuels parangons de haute-littérature, j’adore lire les aventures de Sherlock Holmes. Lorsque j’ai envie d’une lecture réconfortante et facile, je me dirige allègrement vers l’une des innombrables nouvelles écrites par Conan Doyle, qui, en plus de démontrer à quel point nous penchons tristement plus vers ce cher Watson sur le plan intellectuel, ont souvent le mérite de nous faire voyager à travers de vertes campagnes britanniques.

Ainsi, dans Le Mystère de la vallée de Boscombe, le célèbre duo traverse la « splendide vallée de la Stroude » dans le Gloucestershire, puis la rivière Severn, « étincelante et large », avant d’entrer dans le Herefordshire et ses paysages aussi beaux que mélancoliques. Il fait gris bien sûr, et le XXe siècle n’est pas encore arrivé : l’ambiance est empreinte de ce je-ne-sais-quoi d’austérité d’outre-manche et de la tranquille détermination des protagonistes.
Voici le décor que plante sous mon nez Irish Leather de Memo – même si Sherlock n’est pas irlandais…

Plutôt qu’un parfum-énigme à découvrir en plusieurs actes, Irish Leather se dévoile tout entier, comme la vérité à la fin de l’histoire. L’amertume du genièvre s’aromatise de sauge et verdit au contact terreux de l’iris. Cet ensemble vert aromatique monte en puissance et intègre des éléments herbacés et touffus évoquant le foin : maté, flouve, fève tonka…
Sa structure olfactive évoque une construction fougère (lavande - géranium - coumarine) qui aurait été transposée sur une autre tonalité, plus crissante et végétale, en un quatuor sauge - maté - flouve - tonka. Si sur le papier ce changement paraît anodin, le résultat est pourtant bien éloigné d’une fougère classique.
S’arrêter là ferait ombrage à celui qui donne sa puissante impulsion au parfum : le cuir. La célèbre isobutyle quinoléine, molécule permettant d’en reconstituer l’odeur en parfumerie avec ses inflexions vertes, râpeuses et goudronnées, fait vibrer toute la composition en lui apportant volume, projection et robustesse.
Irish Leather est un parfum franc et solide qui proclame « what you smell is what you get ». S’il possède une dimension un peu froide et rigoureuse, son caractère brut de décoffrage le rend finalement attachant.
Dans sa généalogie, on pourrait le faire descendre des grands classiques du genre tels que Bandit ou Cabochard. Ses composants aromatiques, verts, boisés, plus modernes, renvoient plutôt à ce qu’on retrouve aujourd’hui dans un H24, ce dernier inspiré par une végétation plus urbaine, à l’image de son siècle.
Et Sherlock de conclure : « c’est élémentaire ».