Aqua Universalis

En 2009, Francis Kurkdjian, déjà célèbre pour certains succès (Le Mâle, Green Tea d’Elizabeth Arden, For Her, Eau noire, Gaultier 2…) crée sa propre maison.

À l’époque, la parfumerie « alternative » était encore assez confidentielle et il n’était pas si courant pour les parfumeurs de grandes sociétés de composition de se lancer dans la création de leur marque. Si l’on met de côté Paul Vacher, qui quitta Lanvin pour reprendre Le Galion en 1935, Olivia Giacobetti fut la première de notre époque à se lancer en 2003 avec Iunx. Alberto Morillas avait créé la ligne de bougies Mizensir en 1999 (les parfums les rejoignant en 2015). Michel Almairac (Parle moi de parfum), Olivier Cresp (Akro) et Aurélien Guichard (Matière première) suivront ensuite entre 2016 et 2019.

En 2009 donc, Francis Kurkdjian entame sa nouvelle aventure avec une ligne de neuf fragrances, dont une certaine Aqua Universalis.
Le parfumeur rappelle souvent que c’est avec un nom conceptuel qu’il déclenche son processus de création. En l’occurrence, il est ici question d’une eau pour tous et à utiliser à tout moment. Un sent-bon fédérateur, un accord qui met tout le monde d’accord et qui incarne le célèbre adage « un esprit sain dans un corps sain ». Théoriquement, une cologne, mais à la signature olfactive différente.

Aqua Universalis s’échappe de son flacon dans un courant d’air vivifiant, presque métallique. Au milieu de cette bouffée d’oxygène, une bergamote pointe le bout de son zeste, sans être ni acide, ni juteuse, ni fruitée. Simplement fraîche et gorgée d’eau.
Arrive ensuite le thème principal, un bouquet léger, aérien, volatile, de couleur blanche tirant vers le rose. Parmi ces fleurs presque humides : jasmin, fleur d’oranger, freesia, muguet, rose, toutes boostées à l’hédione – molécule insaisissable et altruiste qui amplifie le travail des autres.
Cette floralité fraîche et inoffensive évoque aisément une certaine propreté. Mais plutôt que l’éternelle image des draps blancs séchant au soleil, c’est une vaste chambre à l’architecture moderne qui me vient à l’esprit. La décoration est sobre, tout respire la sérénité, la fonctionnalité et le bon goût – mais sans prise de risque esthétique. Le linge de maison est de haute facture et évidemment impeccable. Seule une élégante vasque de fleurs blanches cueillies le matin même trône sur une console, diffusant son parfum discrètement mais sûrement.
Aqua Universalis flotte ensuite dans l’air pendant de longues heures, dans une généreuse dose de muscs immaculés, assurant une présence subtile mais constante. L’œuvre est lumineuse mais jamais aveuglante, propre sans être lessivielle (pour cette dernière propriété, l’on est priés de se tourner vers la gamme « soin du linge » comprenant une lessive et un adoucissant).

Ce parfum aérien s’inscrit parfaitement dans le travail de son auteur, adepte des signatures florales fraîches, humides, pétalées et jamais dans l’excès (pois de senteur, muguet, hédione, subtiles touches fruitées ou vertes…), qui pourraient finalement évoquer la ligne artistique de certains Jo Malone.
Au fil du temps, le parfumeur imagina aussi plusieurs déclinaisons (un extrait, une eau de parfum et une « cologne forte ») ainsi que plusieurs sœurs, Aqua Vitae, Aqua Celestia et très récemment Aqua Media, formant dorénavant une collection qui explore les différentes facettes de la pureté selon Francis Kurkdjian.