Loretta
Tableau de Parfums
Coup de cœur
- Marque : Tableau de Parfums
- Année : 2012
- Créé par : Andy Tauer
- Genre : Féminin - Masculin
- Famille : Ambrée
- Style : Opulent - Pointu
Freaky tubéreuse
par Jeanne Doré, le 26 juillet 2013
Après la belle série des tubéreuses "stars" qu’Opium a (toujours avec le sens du détail) passées en revue ces derniers temps, j’avais tout de même envie de vous parler d’une autre tubéreuse, beaucoup moins célèbre que les premières, et tellement barrée qu’on n’en dirait même plus une !
Si vous aimez les chocs olfactifs, je vous conseille vivement d’aller sentir Loretta, deuxième opus d’une gamme intitulée Portrait de Parfums, signée Andy Tauer, et inspirée des personnages féminins d’un film de Brian Pera.
Que Loretta incarne un personnage de film est une évidence lorsqu’on le sent pour la première fois : ce parfum est réellement habité, il fait partie des parfums qui vous transportent et vous projettent dans une atmosphère, comme un rêve instantané, une hallucination olfactive et visuelle.
Je vois Loretta comme une tubéreuse sexy, en porte-jarretelles roses et bottes de cuir noir, qui aurait été violemment salie, noircie, enfermée dans une cave, roulée dans la boue et la poussière, et (allez savoir pourquoi) imbibée de rince-bouche à l’odeur médicinale et narcotique.
S’en dégage forcément une tension érotique puissante, presque malsaine.
La pauvre fleur est à la fois chargée de notes fruitées lactoniques qui évoluent de la prune en départ à la noix de coco en fond, et emballée dans de sombres et lugubres facettes boisées, épicées, terreuses et fumées.
C’est un parfum au premier abord très "fouillis", difficile à comprendre, les notes se bousculent, partent dans toutes les directions, on a envie de sentir, re-sentir, sentir encore jusqu’à comprendre... alors on lâche l’affaire, on l’oublie un peu, puis on y revient et les choses se calment. La tubéreuse devient moins flippante, un peu plus sociable, mais elle trompe quand même l’ennemi en gonflant certains de ses traits : nettement épicée, avec une note girofle prononcée, elle révèle ses notes lactées et orientales qui lui donnent un faux air gourmand, ou plutôt crémeux, contrebalancé par un patchouli terrien et généreux.
Vous l’aurez compris, on est loin des classiques tubéreuses "bubble gum", au glamour hollywood et à la manucure impeccable.
Si après tout ça, vous avez toujours envie d’aller l’affronter, foncez à Paris chez Marie-Antoinette. Elle vous attend dans son joli flacon.
par Jicky, le 28 juillet 2013 à 15:09
Il y a de ça bien longtemps, dans un village de montagne, un petit garçon s’est précipité sur la grand place en criant "au loup ! au loup !". Les villageois, effrayés, se sont hâtivement préparés à attaquer la bête, afin de protéger fermes et familles... sous les rires du petit garçon ! Car du loup, il n’y avait pas de traces.
Cependant, quelques semaines plus tard, un loup on ne peut plus vrai s’est mis à roder autour du village. Et quand le même petit garçon s’est précipité sur la grand place pour prévenir les autres villageois, personne ne l’a cru, croyant à une nouvelle mauvaise blague de sa part.
Dans la nuit, tout le bétail fut attaqué.
Je reteste Loretta en ce moment même !
Je reviens de deux semaines de vacances, et j’ai pu avoir des petites nouvelles d’auparfum en appelant Opium un soir. Il m’a parlé de cet article sur Loretta. C’est que... Loretta, on ne l’avait pas trop dans notre coeur ! Néanmoins, force est de constater que ce que Jeanne dit de ce parfum est peu contestable. Le deuxième paragraphe est d’une pertinence à couper le souffle.
J’y sens presque le grain de la pellicule dans Loretta. En fait, je crois bien que l’article en lui même m’aide à apprécier plus le parfum. Quand l’écran démoniaque (en faisant un petit clin d’oeil à une certaine Mme Eisner) inspire le parfum, on parvient - je trouve - très souvent à un résultat intéressant. C’est que le film est habité, est en mouvement, évolue et surtout est très visuel et joue beaucoup sur les impressions. Il lie l’image à la musique, possède sa propre texture. Le parfum est, lui, totalement absent du film, et c’est en ce sens qu’il complète bien son cousin des salles obscures (notez l’utilisation du terme obscur, et non noir).
Cependant, je ne trouve pas Loretta si freak que cela. C’est à ce propos qu’on a parlé avec Opium. Il manque, je trouve, une certaine cohérence qui - elle - est effrayante pour faire de Loretta une vraie tubéreuse freak. En fait, la tubéreuse monstrueuse et affolante existe déjà : c’est Poison. C’est d’ailleurs étonnant de constater que, malgré son statut culte, sa domination des ventes dans les années 80 et toute l’influence qu’il aura eu sur la parfumerie, Poison peine, même aujourd’hui, a acquérir une structure "classique". Les créations les plus expérimentales d’une époque tendent souvent à obtenir un statut de classique : en parfum, on pense aux vieux Guerlain (Jicky en lice) ou au N°5 qui sont désormais des structures types. En film, 2001 est désormais un des classiques que l’on ne peut rater alors qu’à l’époque il a eu bien des soucis d’acceptation. Désormais, c’est au tour d’Angel, de Dior Homme, de Terre d’Hermès ou d’Infusion d’Iris d’obtenir le statut culte. En revanche, Poison - s’il est bien reconnu comme un monument olfactif - peine à devenir un schéma de la parfumerie : sa tubéreuse est toujours aussi originale, monstrueuse. Freak. Poison est une tubéreuse dont la cohérence démoniaque et monstrueuse est toujours saisissante (même reformulé).
Et Loretta est bien un descendant de Poison. On y reconnait les atours du monstre Dior des années 80, mais avec une sorte de voile à grain noir et blanc, qui donne cet aspect cinématographique très saisissant. C’est selon moi la facette la plus intéressante. Mais il y a toujours comme un problème, j’arrive pas à me dire "ce parfum est génialissime". Pourtant, en analyse, il devient vraiment intéressant. Le problème est au final, sûrement d’ordre technique. Comme dirait Opium, "ce n’est pas fondu". Non, Loretta n’est pas fondu à la perfection, ni même très bien ciselé. Mais pourquoi un parfum se devrait-il obligatoirement d’être fondu ? Dans certains parfums plus ambitieux, le fondu est - je pense - de mise (sauf si volonté de rupture total... et encore, M/Mink est fondu). Mais là n’est pas le but de Loretta, et je pense qu’au final il faut essayer de ne pas lui en tenir rigueur en fait (je ne sais pas si j’aurais été capable de tenir ce discours il y a une semaine...).
En revanche, je pense comprendre pourquoi pour moi, ce n’est pas "ça" totalement : Loretta ne dérapera jamais. Il manque le grain de folie de Poison, comme si son discours avait été lissé au dernier moment par de zoulies petites notes rondes à la fois ambrées et boisées. Je pense qu’il aurait été intéressant de faire déraper Loretta vers un fond plus boisé, encore plus cinématographique je pense, avec des effets très rapeux et un noir & blanc au contraste plus fin, moins appuyé qu’il ne l’est dans cette version.
Mais ce sont là des choix qu’Andy Tauer a décidé. Et finalement, la douceur finale n’est pas impertinente, elle est même justifiable pour des questions sur tout le contingent habituel du parfum (parfum de peau, rondeur, sensualité, toussa). Mais finalement, Loretta me donne envie d’aimer encore plus Poison, véritablement barré et monstrueux.
A la base, je n’aurais pas mis 3 étoiles à ce Loretta. Mais finalement, je pense qu’il les mérite, malgré tous ss défauts que je n’aurais pas forcément acceptés ailleurs. Etre un beau parfum n’est pas forcément un but, parfois l’effet final semble être primordial. Et si le fait que cet effet de Loretta soit souligné de manière très appuyée afin que tout le monde le saisisse n’est pas très fin, je pense qu’il a ses raisons d’être. Loretta crie par tous les pores de sa peau "je suis un monstre, je suis un monstre" tout en prenant soin à être habillée de manière diablement sexy. Mais à force de le crier, on y porte un peu moins attention. Un peu comme l’histoire du garçon qui criait au loup.
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