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Sweet Redemption, The End

Kilian Paris

Flacon de Sweet Redemption, The End - Kilian Paris
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Néroli rock

par Alexis Toublanc, le 3 janvier 2012

Kilian Paris est une marque de niche dans sa représentation la plus typique aurait-on tendance à dire. Jeanne le faisait remarquer la dernière fois : on a les codes du noir, du doré, du flacon unique, de la collection, du prix qui va avec, du discours matière-créativité, et de l’univers olfactifs « différent ».

 

En juin dernier, j’avais rendez-vous au Bristol, sur le Faubourg Saint-Honoré, pour la présentation de la dixième et dernière fragrance de L’Oeuvre Noire by Kilian by Kilian. Et comme je vais tous les jours au Bristol, j’ai pu retrouver aisément mon chemin. Et c’est là qu’un jeune d’aujourd’hui aurait rajouté « lol », car je me suis perdu, comme d’habitude, et que, classe impériale oblige, deux hôtesses de l’hôtel le plus select de Paris m’ont accompagné au bar du Bristol, à l’ambiance feutrée où nous attendaient journalistes, gens de la marque et Kilian himself.

 

Pauvre Kilian, il n’avait plus de voix, c’était assez drôle pour nous, mais assez pénible pour lui. Et comme c’est lui qui présentait son dernier projet, c’était assez proche du gag. Surtout que, pour accentuer l’ironie du sort, on a eu le droit à des bruits de travaux pendant toute la présentation, ce qui, certes, a détendu l’atmosphère, mais a carrément perturbé Kilian, qui faisait de son mieux.

Et fatalité du destin : les flacons présentés n’étaient pas là, mais coincés dans les bouchons (du périphérique de Paris, vous l’aurez deviné…).

 

Récapitulatif : en gros, Kilian est le fondateur éponyme de la marque By Kilian (2007), et il a créé une gamme de 10 parfums, (le dixième étant celui qui va vous être présenté, dans un esprit de création littéraire) : L’Œuvre Noire. Bon. Et c’est en toute modestie que l’on s’inspire de Baudelaire, Rimbaud, mais aussi Amy Winehouse et Snoop Dog (Snoop Doggy Dog). J’espère que vous comprendrez mon désarroi lorsqu’on me clame qu’un parfum en particulier, c’est LE parfum d’un poème précis, encore plus quand c’est un poème de Baudelaire, encore plus quand le parfum derrière n’est pas éminemment construit en hommage à Baudelaire lui-même. Et ça marche pour toutes les marques ;)… Et alors surtout quand on dit que le parfum d’à côté s’inspire de Snoop Dog. Là encore : lol. Nan mais voilà quoi, ça peut paraître négatif, on a le droit et tout, mais je pense juste que c’est facile de dire à de pauvres bourgeoises en mal d’émotion « Ouais mais moi je m’inspire des Parnassiens décadents dans l’ensemble de leur œuvre » et que par la suite on parle de Paradis Artificiels, en mettant une lavande, aussi belle soit-elle. Je ne remets rien en question, j’ai juste envie de dire bof.

 

Mais bon, c’est la classe, poètes maudits, chanteuses marginales et légendes du rock Woodstock, alors autant continuer jusqu’au bout, et créer le parfum inspiré de Jim Morrison, membre du groupe The Doors : Sweet Redemption, avec pour sous-titre, l’accroche hollywoodienne… The End !

 

Le flacon reste le même, et aussi prétentieux qu’il puisse paraître, il est tout de même magnifique. Les packagings Kilian sont bien marqués par le luxe, mais sincèrement, ils ont trop la classe. D’ailleurs, ils nous ont présenté les éditions limitées pour Noël, c’est sûr que ce sont des bijoux (des flacons avec des dessins dessus, vraiment vraiment beaux), mais bon, comme dirait Musset… (fin de citation).

 

Et bien justement ! Parlons de l’ivresse !
Sweet Redemption est basé sur le mythe de Faust selon Kilian : une rencontre avec le diable. Mais le diable dans son côté charmeur, sensuel, enfantin, malin.

Et pour ce faire, l’accord majeur du parfum est la fleur d’oranger. Le discours de Kilian disait que la couleur orange était le fil conducteur du parfum : de l’essence de feuilles de bigaradier et de bergamote en tête, pour un effet vert et amer ; de la fleur d’oranger, et des résines pour le cœur et le fond. Je n’ai pas envie de passer 107 ans à faire la description officielle en fait… Mais en gros, le coup de poker, c’est une sorte d’inversion ni vue ni connue entre fleur d’oranger et myrrhe, pour un effet décalé entre innocence et magnificence, pour symboliser un baiser avec le diable déguisé. Ça en jette hein !

 

Sur peau, la tête n’est pas si verte, ni si amère qu’elle le prétend. En fait, on sent bien le côté feuille de bigaradier, et qui se marie tellement bien avec la fleur d’oranger, qu’on ne peut que dire « Oh my God ! ». Et pour cause, les matières sont vraiment très belles. Le néroli est très doux, délicatement vert et orangé, avec une évocation de madeleine pour moi. Je vois bien le néroli qui revient d’une journée à la plage, la peau halée et à l’odeur musquée. Mais c’est vraiment très rapide comme sensation, car aussitôt, la fleur d’oranger prend le dessus, sachant que néroli et fleur d’oranger ont une odeur très très proche (le néroli c’est l’odeur des feuilles de bigaradier qu’on froisse entre les doigts). L’accord se fait plus gourmand d’un coup, plus lourd, mais pas sucré pour autant. Ouf. Dans le sens tactile, je vois bien une fleur d’oranger sur un tronc d’arbre : je sens une note boisée légèrement jaune marron, avec un effet peau.

 

Et c’est délicatement qu’arrive ma plus grosse attente, ma partie préférée, mais aussi ma grosse déception : la myrrhe. J’adore l’odeur de la myrrhe !

J’ai l’image d’une pierre rouge qu’on aurait froissée entre nos mains. Et là pour le coup, le cœur que Kilian annonçait en total look fleur d’oranger – notes balsamiques (avec des résines), est surtout resté sur la note florale. Le baiser voulu par le créateur est un peu trop long, là je veux du diable ! Fichtre ! Car du Malin, point d’évocation ! Parce que si la myrrhe est une note qui m’attire et que j’aime beaucoup, son utilisation dans ce parfum est trop en second rôle !
Et je trouve que pour le coup, c’est l’odeur que je trouve moins sympa qui a été utilisée : celle de la myrrhe « plastique ».

 

Et là on arrive au cœur de ce que je ressens comme étant le « problème ».
Oui, ce parfum est très beau, avec un beau flacon, un beau discours, un beau packaging, de belles matières et une belle évocation, mais ce parfum résonne étrangement à mon nez. Le Jim Morrison annoncé, le mythe de Faust comme idée ou la méphistophélique fleur d’oranger ne sont pas jusqu’au-boutistes comme pourrait le croire notre nez. L’ensemble sonne aussi comme une visite aux Salons du Palais Royal : fleur d’oranger, myrrhe, résines. Je dis ça, je dis rien.

 

Ainsi, comme à l’accoutumée, Kilian nous offre un parfum techniquement parfait. Rien à redire à la qualité des matières, à l’enchaînement et l’évolution olfactive. Mais tout cet ensemble manque de ce qui fait l’âme de la création : la spontanéité. Le désir de mettre de soi dans le flacon. Je n’arrive pas à imaginer Calice Becker à fond dans une retranscription de fleur d’oranger diabolique et de myrrhe froide et mystérieuse.
Le discours, encore une fois, accentue encore plus mon désarroi. La poésie inspirée en flacon, c’est parfait, mais Kilian lorgne déjà pas mal du côté de chez Lutens, alors quand on veut dépasser en splendeur notre cher Serge, faut avoir du bide derrière. Ainsi cette fin (pardon, cette « End ») est très belle, mais manque un peu d’inspiration selon moi.

 

Fleur d’oranger scolaire pour marque de niche clichée. Le tout est cohérent, parfaitement maitrisé. Quant à l’émotion, ma foi, je n’ai rien à ajouter : je reste de marbre.

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lunebleue

par lunebleue, le 30 juillet 2020 à 19:16

Une idée d un parfum qui ressemble au magnifique parfum love don t be shy eau fraiche ? Il n existe plus malheureusement ...? merci

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par Troudujol, le 7 octobre 2012 à 10:05

J’ai testé Sweet Redemption. La tête néroli / fleur d’oranger est sympatoche mais pas révolutionnaire, le fond est addictif et délicat, et constitue le meilleur moment à mon nez. Mais comme le dit Jicky, le développement de ce parfum passe par une étape assez désagréable ou des notes plastiques ou pneumatiques flirtent avec la verdeur... Je n’ai pas trouvé cela agréable du tout. Pourtant ce parfum m’intrigue ; je le réessaierai.

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ChrisB

par ChrisB, le 5 janvier 2012 à 21:09

Bonjour,
Je n’ai rien à dire sur ce parfum, ne l’ai pas testé et n’aurai sans doute pas l’occasion de le faire. Je veux juste féliciter Jicky pour cet article, magnifiquement écrit. Il semble que ce parfum lorgne fortement sur la fleur d’oranger. Concernant cette essence, je me suis arrêté sur Fleur du Mâle, qui me convient fort bien.

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par Géraldine, le 5 janvier 2012 à 15:56

Et la note : 3 étoiles quand même parce que c’est joliment réalisé, et deux seulement me sembleraient sévère pour un parfum de cette qualité.
Bravo Jicky pour cet article si vivant, que j’ai lu le sourire aux lèvres.

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Opium

par Opium, le 4 janvier 2012 à 12:39

Bonjour à toutes et à tous.

 

Jicky, ton article est particulièrement bien écrit : Bravo !
Il pose, pour beaucoup d’entre nous, parfaitement, je crois, le sentiment que nous ressentons à l’égard de certaines créations de niche, certaines de leurs marques, dont By Kilian.
Une énième marque de niche avec une énième fleur d’oranger, soliflore rose ou vétiver ou jasmin ou ou ou... est-elle utile au paysage du parfum ?

 

Les produits By Kilian, avec leurs flacons, présentations, boîtes, luxueux (à destination des client(e)s aisées moyen-orientales et russes ?), ce trait étant encore souligné par des titres à rallonge et sous-titres à plus que rallonge, tout cela, donc, participe à une sorte d’exaspération de ma part, je dois bien l’avouer, à l’égard des produits de la marque.

 

Pourtant, que penser de Sweet Redemption - The End tiré de L’Oeuvre Noire... ? Rien qu’en l’écrivant, cela fait outrageusement pompeux. Eh bien, que malgré tout le décorum pompeux au possible, elle est belle et réussie cette fleur d’oranger. Elle ne sombre pas dans la gourmandise fluo de Love - "Je me souviens plus du sous-titre qui avait été donné à çui-là blablabla...", le premier de la gamme. Mais, cette fleur d’oranger "diabolique" était-elle nécessaire ? Après tout, n’importe quelle sortie de parfums, oeuvre par définition pas la plus utile, un luxe parmi d’autres, n’est-elle pas déjà en trop ?
Cette fleur d’oranger est jolie, bien construite, bien foutue, séduisante, au même titre que la Elie Saab bien que traitée différemment, au même titre que nombre de parfums de Calice Becker qui fait des parfums séduisants, parfois insipides, mais pas dérangeants pour deux sous... J’Adore, si tu m’entends !

 

Bref. Joli. Bien foutu. Mignon. Propret. Pas dérangeant. Mais, pas plus engageant que cela. EEG un peu trop plat. Palpitant qui ne s’emballe pas. Cahier des charges bien rempli. Mais, où est l’âme de tout cela ? Et, l’émotion ? Malheureusement, je reste relativement froid à cette création. D’autres, dont Straight To Heaven me font un peu plus vibrer, mais ici n’est pas l’endroit de m’épancher.
Tu as tout dit. Là, juste le sentiment d’être face à une fille jolie, mignonne, mais qui n’a que peu de discussion et le regard penché dans son assiette tant elle a du mal à communiquer avec autrui. Bref, mignon(ne), mais, un peu ennuyeux/se.

 

Bonne journée à toutes et à tous,
Opium

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par Patrice, le 4 janvier 2012 à 13:07

Justement, je reviens sur Straight to Heaven puisque tu en parles aussi Tom, c’est un de ceux qui me touchent le plus de la gamme avec Cruel Intentions (que j’ai oublié dans mon commentaire précédent).
Ce n’est pas fait exprès du tout, mais se sont les deux créations de Sidonie Lancesseur pour la marque.
Un problème avec Calice Becker ? Je ne sais pas, mais il doit y avoir quelque chose...

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par Opium, le 4 janvier 2012 à 13:54

Salut Patrice !
Tu as cité l’un des trois que j’apprécie également. Calice Becker et son style très, comment dirais-je, "américain" peut-être, bien que je grossisse le trait, me laissent également un peu froid : trop clair, trop transparent, pourtant identifiable. On reconnaît même un peu de J’Adore dans certains By Kilian.
Très jolie la violette qui n’en n’est pas tout à fait qu’une ! ;-)
Back To Black me plaît énormément, mais, il faut dire que j’apprécie beaucoup Ambre Narguilé avec lequel il partage plus que quelques traits de parenté. Le By Kilian serait en quelques sorte la version "allégée" du Hermès qui force, pour une fois, et je ne m’en plaindrais pas, le trait ! ;-) La forme olfactive entre les deux est d’une proximité à s’y méprendre presque, comme nous l’avons constaté avec Géraldine lors d’une petite escapade jusqu’à la Scent Room du Printemps récemment.
Bonne journée à toi Patrice !
A très bientôt,
Opium-Tom

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par Géraldine, le 5 janvier 2012 à 15:54

J’ai en effet redécouvert cette gamme avec un certain plaisir.
La fleur d’oranger, bon ok jolie mais comme dit plus haut, encephalogramme... pas très vif, mais plus que portable. Agréable, mais j’attends mieux qu’agréable de la part d’une marque de niche qui propose des flacons à plus de 150€.
Je vais dire un truc qui vous semblera peut-être horrible mais je préfère m’offrir un flacon de la Fleur d’Oranger de Fragonard, pour 3 francs 6 sous, et avec laquelle je me régale en toute simplicité.
En revanche je trouve Straight to Heaven superbe, un cèdre vibrant, alcoolique, épicé et j’ai beaucoup aimé faire connaissance de Cruel Intentions.
Enfin la tubéreuse ; Beyond Love, mérite vraiment le détour pour les amateurs du genre : une tubéreuse solaire, charnelle, sans ses notes pharmaceutiques / camphrées, dans laquelle la coco annoncée ne joue (heureusement) qu’un rôle de faire-valoir.

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par Troudujol, le 4 janvier 2012 à 12:04

Jicky, toi qui aimes la myrrhe, et si tu ne le sais pas déjà, Guerlain va lancer prochainement un nouveau parfum dans la collection L’Art et la Matière : Myrrhe et Délires. On parle de myrrhe, de rose, de jasmin, sur un fond de patchouli, vanille et musc...

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par Patrice, le 4 janvier 2012 à 12:26

Avec un nom... à la con !

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Patrice

par Patrice, le 3 janvier 2012 à 23:08

Rien à ajouter sur la description du parfum.
C’est une belle fleur d’oranger, voilà...
Rien à ajouter non plus sur l’impersonnalité de la marque, malgré des jus parfait dans la technique et la qualité ! Mais Jicky, tu le sais déjà, on en a parlé plusieurs fois avec d’autres auparfumistes...
Je place Sweet Redemption dans le top de la marque Kilian, avec le cèdre Straight to Heaven et le mielleux Back to Black !

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par Jicky, le 3 janvier 2012 à 23:21

J’estime avoir été quand même super super sympa. Franchement, il date cet article (je l’ai écrit en juin je crois). Et je suis vraiment gentil, parce que franchement, c’est juste pas possible par moment Kilian...

Mais oui, on en a déjà parlé ^^

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