Quel parfum portez-vous ?
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Compositrice de fragrances indépendante et rédactrice pour Nez, la créatrice nous explique comment le parfumeur se joue de notre odorat avec sa palette.
hier
Bonjour Dioressence ? Je ne sais pas si on peut le qualifier de sec mais une fine brume de(…)
Lavande délavée
Église en flammes
Fraîcheur souterraine
Oui, l’IFRA est en cause. C’est le principal facteur.
Je digresse : tout dernièrement j’ai appris que ces dernières années, des reformulations avaient eu lieu car ils avaient accentué la régulation sur l’hydroxy-citronnelol -LA note muguet-, et sur l’héliotropine. Nan mais franchement... l’héliotropine ?!? La note muguet sert de fil conducteur, d’axe, de rouage, sur Aromatics elixir, d’autres parfums de Bernard Chant font ça, Ubar d’amouage aussi. Ce sont un peu des matières à surdose, sur laquelle les compositeur semble pouvoir broder une évolution. C’est très pénible que les reformulations affectent des ingrédients pas chers, et qui apportait de l’intensité.
Peut-être qu’il y avait du costus, avec sa note de cheveux sale, dans Aramis. Par exemple, c’était une signature dans beaucoup de parfum YSL. Il y avait du costus, et d’autres notes sales, cuirs, et mousses pour donner un petit côté salé. (Grosso modo, ça tournait autour de la base animalis II). Le costus c’est un peu l’exception, il fallait le réglementer. De ce que j’ai lu il était très irritant pour la majorité des gens.
En corolaire au coût et à la qualité des matières premières, il y a aussi un surcoût de la mise en bouteille des parfums, à l’ancienne. (C’est une interview d’Yves de Chiris qui l’évoquait.)
La version courte : les marques ont augmenté leurs capacités de production, et augmenter leur marge, par un système de concentré qu’on rallonge à l’alcool et à l’eau. Ca esquive le soucis d’avoir à gérer certains ingrédients naturels, qu’on manipule en semi-dilution dans l’alcool, et dont le rendu varie d’une année sur l’autre. Cette façon de mettre en bouteille est aussi un maillon faible de la chaîne sur le plan artistique, une sorte de goulot d’étranglement : la forme nuit au fonds, car il y a des notes de la palette du parfumeur qui demande une cuisine particulière.
Les ingrédients animaux, les résines, les concrètes cireuses de fleurs chères, etc., ce sont des ingrédients déjà dilués. Car on les met en œuvre sous forme de teinture dans l’alcool, parfois préparé très longtemps à l’avance. Si on fait soi-même son concentré -déjà coton, avec les proportions diluées, et les variations des extraits naturels-, il faut encore mélanger, faire reposer, filtrer, mettre en bouteille, et attendre quelques semaines ou mois avant de les proposer à la vente.
Aujourd’hui, les parfums mainstream reposent plus sur un système de concentré. Il y a une majorité d’ingrédients synthétiques, plus faciles à mettre en œuvre, et qui varient moins en qualité d’année en année que les naturels. On les pèse, et on n’a plus qu’à les rallonger à l’alcool et à l’eau. C’est moins cher, et plus facilement sous-traitables, tant pour sous-traiter l’assemblage du concentré que pour sous-traiter la mise en bouteille (= l’étape sirop teisseire :D ).
Les fournisseurs d’extraits naturels semblent aussi avoir développé leur gamme d’ingrédients sous forme de préparations prêtes à l’emploi. Car on lit souvent que leur produit répond à un cahier des charges, qui précise que le produit ne doit pas dégager de précipité (= pas faire de grumeaux), si on respecte une dilution à 10% par exemple.
Bref, la concurrence entre les marques a été accentuées par l’essor des nocisephoriaunnaud à partir des années 80. Même les grands noms ont commencé à se sentir menacés par ce modèle industriel de mise en bouteille -et ce mode de vente-. Ils se sont aussi mis à le désirer. Ce modèle permet de mieux gérer sa marge. Il permet une capacité de production accrue en cas de best-seller. Cette façon d’automatiser et de simplifier était à la mode, elle faisait moderne.
Même les grands noms ont été incités à se décharger de "cette cuisine" -gérer les dilutions dans l’alcool des ingrédients animaux, concrètes cireuses, résines-. Il y a eu une forte incitation à ne plus faire cette cuisine soi-même, plus autant, voir plus du tout. Pourtant ce sont des ingrédients dont on a besoin dans la palette, et ce sont des savoir-faire techniques qu’il vaut mieux conserver en interne, en cas de dépannage, et pour mieux contrôler la qualité de tel parfum du tout début à la toute fin de la chaîne de production.