L’Artisan Parfumeur chez Sephora, une nouvelle définition de la niche ?
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Compositrice de fragrances indépendante et rédactrice pour Nez, la créatrice nous explique comment le parfumeur se joue de notre odorat avec sa palette.
il y a 50 minutes
L’actuelle version EDP, testeur neuf en grand magasin, n’est franchement pas à négliger. Moins(…)
Lavande délavée
Église en flammes
Fraîcheur souterraine
Ah ah ! Bon, j’ai un peu de temps, je vais pouvoir expliquer cette mystérieuse "théorie du surimi". En fait, plus qu’une théorie, il s’agit d’un procédé marketing vicieux que mettent en place les industriels et pour imposer progressivement un nivellement qualitatif vers le bas. Le principe est simple : ils jouent sur la très courte mémoire des consommateurs pour réduire petit à petit leur niveau d’exigence. Le surimi en étant l’exemple parfait, je lui ai donné ce nom.
Depuis son développement en europe dans les années 80, la qualité du surimi n’a cessé de chuter. D’abord plutôt qualitatif, le produit et devenu très populaire et les volumes de vente énormes. L’appât du gain a vite titillé les industriels. Pour réduire les coûts de productions, ils ont réduit progressivement la taille des bâtonnets, la teneur en crabe et en poisson qu’ils ont remplacés par des arômes artificiels, des gélifiants synthétiques et pas mal de cochonneries… Il n’y a que le prix de vente qui n’a pas été réduit. Et donc les profits.
Ce nivellement par le bas s’est opéré très finement et insidieusement. La qualité a baissé sans même que les consommateurs ne s’en rendent compte, et ce pour une raison très simple : le consommateur ne se souvient pas de ce qu’il a acheté la veille, et si on lui dit "si si, c’est le même" alors il le croit (cf reformulations des parfums). L’exigence du consommateur est en fait uniquement basée sur l’offre, et elle décroit simultanément que la qualité baisse, sans même qu’il s’en rende compte (cf évolution de la parfumerie mainstream ces 50 dernières années).
Parfois il y a un déclic chez le consommateur. Pour le surimi, un petit déclic s’est opéré dans les années 2000, au moment où les gens ont commencé à se poser des questions sur ce qu’ils mangeaient. Les chiffres de vente ont fortement chuté. Comme les industriels ne changent de cap que lorsque qu’ils sont confrontés à une réaction chiffrable des consommateurs, il a fallut réagir. Et leur solution est encore plus vicieuse : ils ont ressorti des bâtons de surimi de la même taille et de la même qualité ou presque (car ils usent encore massivement d’arômes ajoutés) que ceux qui étaient vendus au début,... SAUF qu’ils les vendent comme des produits haut-de-gamme et donc à un prix bien plus élevé que les autres.
Donc pour faire le parallèle avec le parfum, la quête insatiable de rentabilité est pour beaucoup responsable de la baisse progressive de la qualité de l’offre mainstream. Mais pour l’instant, pour l’immense majorité qui ne fréquente que les rayons situés à hauteur d’oeil dans les Sephora, cette baisse de qualité reste totalement invisible, et les rois du pétrole (du marketing, pardon) continuent à creuser toujours plus bas. Les choses ne changeront que lorsque les consommateurs se rendront compte de la supercherie et réagiront concrètement et massivement.
Mais ce n’est pas l’Artisan Parfumeur, visiblement lui même en quête urgente de rentabilité, qui va pousser les choses vers le haut. Au contraire, il fera comme les autres : reformulation des anciens, nouveautés formatées aux tendances du moment, formules à forte marge...
Cette théorie du surimi n’est pas très optimiste hein ?