Auparfum

Guerlain fait renaître son patrimoine

18 mars 2014, 11:44, par euskalpyth

Petit compte-rendu de mon rendez-vous chez Guerlain jeudi dernier pour aller sentir les parfums du patrimoine...

Accueil charmant, dans un grand salon privé du 1er étage, sur des fauteuils super-moelleux (je sais, ça ne compte pas, mais pourtant ça joue) avec une experte parfum adorable (Françoise) qui a pris tout son temps (on est restés plus d’une heure ensemble) -
On a découvert la quinzaine de parfums déjà ressuscités par ordre de force (du plus doux au plus corsé) et pas de cinoche avec du café ni rien : juste les flacons, les mouillettes, Françoise et moi !

Les 1ères impressions générales, après avoir re-senti toutes mes mouillettes hier :

-  Beaucoup de parfums se ressemblent finalement, parfois à 40 ou 50 ans d’intervalle... Je ne sais pas si on peut parler de Guerlinade, mais on a indéniablement une signature, une identité, et des notes communes (surtout que là, je suis dans les notes de fond)

-  Les notes animales sont très présentes : elles aident à cette base commune, mais surtout elles rendent les parfums super-forts, et complètement différents de ce qu’on connait actuellement !
Même quand l’ouverture était fraîche (on avait beaucoup de notes citronnées très agréables à l’ouverture), le fond reste très animal, avec pas mal de notes sales auxquelles je ne suis pas du tout habitué et qui ont totalement disparu de la parfumerie actuelle. Je sais bien qu’on est sur des extraits, à quelques exceptions près, mais c’est du très costaud !

-  Je n’ai pas du tout senti les notes d’iris en fond... J’ai relu notamment le compte-rendu de Sylvaine Delacourte qui parle de fond poudré à plusieurs reprises, or je n’arrive pas à le sentir...
Autant dans l’Iris gris de Jacques Fath (senti à l’osmothèque), la note iris avait tenu plus de 15 jours sur ma mouillette, autant ici, je ne la trouve quasiment nulle part : je ne sais pas si l’iris est absorbé ou couvert par les notes de civette ou de musc, mais je perds sa trace, alors même que je le percevais bien, le jour même, sur plusieurs parfums, dans les notes de coeur...

Maintenant, le détail par ordre chronologique :

Pao Rosa 1877 (cologne) : une ouverture étonnamment fraîche, mais en fond, je sens un côté eau de vie (ambrette ?) et des notes animales (étonnant, pour une « cologne »).

Cuir de Russie 1890 : un feu de bois et de la fumée, l’impression d’être près d’une cheminée avec l’âtre qui rougeoie, plus quelques notes sales en arrière-plan (rien à avoir avec l’homonyme plus tardif de Beaux chez Chanel !)

A travers champs 1898 : un fleuri (je sens un côté épicé : girofle ? oeillet ?) avec un aspect très vert et une note de vanille. L’ouverture était plus animale, le fond est plus doux et plus propre.

Voilà pourquoi j’aimais Rosine 1900 : un cuir animal très fauve (un peu dans la ligne de Bouquet de Faunes) avec un côté fumé qui rappelle le Cuir de Russie. L’ouverture est assez fraîche, puis nous avons quelques fleurs qui s’estompent assez vite pour céder la place à un aspect cuir très marqué. C’est assez curieux d’imaginer ça comme parfum de Sarah Bernhardt...

Fleur qui meurt 1901 : très agréable aussi, un fleuri vif (rien à voir avec la fleur fanée : quel nom curieux ! Et quel suicide marketing ça serait de nos jours) avec un fond très Guerlain, vanille et tonka plus cette note animale.

Mouchoir de Monsieur 1904 : bien plus agréable que la version actuelle (que je n’aime pas trop)... Il a une bonne ressemblance avec Jicky à l’ouverture (lavande un peu sale), et là, il a une note citronnée (en fond !) très prononcée et très agréable, qui le rafraîchit bien, avec aussi un côté vanille : il est très doux, très rond, j’aime vraiment bien !

Voilette de Madame 1904 : anagramme ? (aurait-il dû s’appeler « violette de madame » ?) Un floral doux et agréable, très riche, mais qui finit dans une belle uniformité fondue (alors que je me souviens que je distinguais plein de notes florales diverses à l’ouverture).

Après l’ondée 1906 : très riche aussi et très fort (le plus puissant des floraux dans toute la série). C’est un très beau parfum (je n’ai pas connu l’extrait récent, donc je n’ai pas de point de comparaison) : une explosion de fleurs associée à un côté tonka-résine assez prononcé, plus une note animale plutôt discrète.

Sillage 1907 : très Guerlain, avec d’une part un aspect fleurs, vanille, baumes (Tonka ?) et d’autre part un côté animal très prononcé.

Muguet 1908 : un floral doux. Il paraît qu’à un moment, la note muguet apparaît, discrète et diaphane comme une clochette dans la forêt, mais j’ai dû rater ce moment parce que je n’ai pas perçu cette note...

Parfum des Champs-Elysées (je n’ai plus la date exacte, mais entre 1900 et 1910 de mémoire) : un fond plutôt doux, vanille et tonka, alors qu’à l’ouverture, il ne me plaisait pas trop avec notamment une note « écurie » très présente (ça recréait de manière réaliste l’ambiance des Champs-Elysées de l’époque, qui étaient une avenue aux extérieurs de Paris, avec les chevaux des calèches qui s’y promenaient) qui a totalement disparu dans le fond...

Bouquet de faunes 1922 : le plus sale... Il est très animal, et c’est pour moi le moins agréable de la série. Il est étonnant d’un point de vue « curiosité » mais je trouve qu’il sent franchement le bouc (il doit y avoir du musc ou de la civette en grande proportion) et je n’ai aucune envie de porter ce genre de chose. Sylvaine dit qu’il est segmentant, et après l’avoir senti, je comprends pourquoi !

Candide effluve 1922 : très vert et agréable, avec une note légèrement épicée. Il a un côté très crissant qui me rappelle Vol de nuit ou Sous le vent (sensiblement de la même époque). Autant il ne me plaisait pas trop sur son départ (j’ai dit qu’il était tout sauf candide), autant avec ses notes de fond, je trouve qu’il porte mieux son nom.

Coque d’or 1937 (qui devrait ressortir en 2014 en édition limitée, mais qui sera différent de la version « patrimoine », IFRA et autres règlementations obligent...) : c’est un floral doux, avec une note animale discrète -

Cachet Jaune 1937 (l’une des rares colognes de la série) : un floral doux aussi, très enveloppant, mais qui ne correspond pas forcément à l’idée que je me fais (au XXIème siècle) d’une cologne -

Atuana 1952 : une note de paille et foin, avec aussi peut-être une petite immortelle et derrière, discrètement, une note un peu sale -

D’autres devraient suivre...

Je ne puis que vous encourager chaudement à aller découvrir ces monuments de notre patrimoine olfactif !
N’hésitez pas à prendre RV en passant un coup de fil chez Guerlain pour quand vous serez de passage à Paris : c’est un vrai moment de culture parfumistique, c’est très enrichissant et agréable, c’est un moment de calme dans le tumulte parisien, c’est gratuit, qui plus est, et il faut absolument encourager cette démarche en y allant nombreux pour que le succès soit au rendez-vous !!! (c’était mon quart d’heure « militant »)

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