Paradoxe
par Petrichor, le 10 novembre 2022
Tester les jus roses mainstream, ce n’est pas récompensant.
Le filon est pauvre en pépites. Surtout quand ils viennent du groupe L’Oréal ou LVMH. Ils ont la réputation de radiner sur ce qui est le plus important, le budget pour le contenu, le parfum. (Viennent après le temps, le talent des nez, et une bonne direction artistique, parmi les facteurs importants).
Donc il s’agissait probablement d’un énième jus rose, d’un énième gourmand à cause de la fleur d’oranger (fd’o), d’une énième copie de best-seller (LVEB), d’une énième idée de flacon qui semble récupérée d’un autre projet (flacon de parfum mixte), d’un budget pub pas ambitieux pour L’Oréal, d’un nom qui ne colle pas, de mensonges outranciers sur l’origine majoritairement naturelle des ingrédients ...
Et on connait le processus probable : budget bas pour les ingrédients, direction artistique de L’Oréal qui aime les groupes tests au détriment de l’audace, nez doués qui font leur meilleur job alimentaire pour retourner ensuite à leurs projets de cœur, copie revue des douzaines de fois, résultat plus minable que d’habitude (ce qui est paradoxalement bizarre, puisque quasi aucun risque artistique n’est pris).
Bref, je m’attends à une "sortie de routine" du groupe LVMH.
La barbe ! Mais j’ai été me retrousser les manches, pour le testeur correctement.
Ça prend des heure, et la place d’un autre parfum plus prometteur. Mais il faut bien que je me détache des échantillons de marques de niche, et de lignes exclusives, qui m’attendent pourtant. Ça m’a motivé que le couple Maisondieu cosigne ce parfum avec une 3ème personne. Même si j’aurais préféré aller sentir à nouveau leurs créations pour "Liquides imaginaires".
"Paradoxe"...
Il sent bon, et ça s’arrête un peu là.
Pas agressif, tenace sans être oppressant. C’est là la petite surprise. Cette intensité assez basse nous épargne ce que LVEB peut avoir d’oppressant.
Fleur d’oranger ? naaah...
Il est un peu marshmallow, un peu sirop (comme une tâche qui colle), j’ai du mal à classer le petit accord d’agrume qui est dans le début (légèrement strident et pétillant).
Du coeur, il reste sur mon tissu un peu de fraise à l’indole * pour imiter le jasmin. ("Coco mademoiselle", "Miss dior originale", beaucoup de parfums jouent sur ça) (J’espère que ce n’est pas une contagion, une erreur de ma part, je n’ai pas envie de recommencer).
Le fond est la même soupe sympa que la moitié de ce qui se vend actuellement. C’est toujours le même accord gourmand. Donc vous ne détecterez pas le fond dans votre boutique, à cause de l’odeur ambiante du Noséphoriaunaud.
C’est un fond durable de barbapapa abstraite (éthylmaltol), avec une dose ample de musc blanc cotonneux, un peu de musc blanc lessiviel, et la vanille dessous tout ça. Ça sent pareil qu’on en mette très peu ou beaucoup. C’est confortable, neutre, mais ça délivre un message olfactif extrêmement flou. C’est logique, puisque ces parfums résultent d’un processus qui renforcent "les dénominateurs communs du goût" par les groupes test (comme le dit Malle), la copie de copie de best-seller. C’est conçu pour plaire à un maximum de gens, c’est lissé au maximum. C’est un moule paradoxalement impersonnel, mais qui nous parle car il est confortable et régressif.
Je ne critique pas cet échec de fleur d’oranger.
Les fleurs d’oranger, c’est super dur. Même les marques de niche à gros budget s’y cassent les dents. Je vomis le "Histoire d’oranger" de L’artisan parfumeur qui se vautre dans le néroli pour bébé sur fond de musc cotonneux. (Leur "Fleur d’oranger" millésimée d’Anne Flipo, et "Séville à l’aube" de Bertrand Duchaufour, étaient des modèles du genre).
Et puis les nez n’ont pas les mains libres sur ce genre de sortie. C’est l’antipode même de la carte blanche.
Une part de moi regrette légèrement que Paradoxe n’ai pas essayé de plagier une bonne fleur d’oranger, à défaut d’en créer une nouvelle, ou de pencher par défaut vers celle de "La vie est belle" : "Habit rouge EDT" de Guerlain, "24 faubourg EDP" d’Hermès, l’inflexion liquoreuse qu’elle apporte à "Poison EDT" de Dior, ou le parti-pris artistique mieux affirmé dans "For her" de Narciso Rogriguez. Dans ce dernier, le côté synthétique est assumé, c’est -c’était ?- un sillage puissant de musc radieux et de musc cotonneux, la fleur d’oranger n’était qu’une inflexion abstraite, sur la perception très poudré de ce parfum. On trouve tout ces exemples en mainstream, donc il n’y a pas tant d’excuses à trouver à Prada (L’Oréal). Certains gels douches à la fleur d’oranger font bien mieux, et m’apportent un plaisir complet.
La tonalité principale de "Paradoxe" -sur le tissu- est proche du parfum de la gamme à l’amande de L’Occitane. Et cette dernière est mieux. Pour peu que vous partagiez mon coup de cœur, le rapport qualité/prix est excellent.
Je recommande leur huile d’amande, qui est un parfum en soit, mise dans les cheveux ou la barbe. Le gel douche est jouissif aussi, on le trouve plus facilement dans leurs offres de miniatures à prix abordable. Je ne sais pas si c’est Karine Dubreuil de Mane qui a signé cette gamme. Elle est souvent nommée derrière leurs créations.
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