Auparfum

Royal Bain de Caron

Yohan Cervi (Newyorker)

par Yohan Cervi (Newyorker), le 30 novembre 2013

Aaaaaarggghh, laissez le moi, je vais me le faire !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Alors non, je ne donnerai pas d’argument d’autorité, je ne parlerai pas du fait que Mathilde Laurent et Dominique Ropion vénèrent Femme de Rochas (oui aucun rapport avec Caron, et alors) ou que Thierry Wasser a adoré mes Tabac Blond et Narcisse Noir vintages. Non, ce serait trop facile :)
Maaaiiis oui, Caron, la bouillie, le stupre, c’est tout nul et ça colle. Alors JUSTE (je vais encore radoter, tant pis) :
 

- Je portais hier sur le poignet un Tabac Blond années 50 en extrait, 10 heures après l’application, le fond est très présent, d’une qualité incroyable, dur, cuiré, animalisé, ambré, hyper facetté et nuancé. Envoutant à en faire tourner la tête. Ça se tient, ça a du corps et de la gueule, l’œillet ne sert que de transition pour faire crépiter ce cuir fumé et âcre.
 

- Nuit de Noël : Un des parfums les plus importants des années 20. Ses notes de fond, admirées par nombre de parfumeurs, se retrouvent dans plusieurs grandes créations, des années 20 jusqu’aux années 70 : Habanita, Bois des Iles, Calèche ou encore le N°19, selon Guy Robert. Alors pour un parfum qui sombre dans la vanille giroflée et l’indescriptible chaos, ça me fait bien rire. Patrice m’a d’ailleurs dit que mon Nuit de Noel des années 30 avait laissé sur sa mouillette plusieurs jours après application une superbe odeur profonde et facettée. Le fond mousse de Saxe de Nuit de Noël est en effet d’une grande richesse et fait figure de modèle en parfumerie, je n’ai même pas besoin d’argumenter, c’est une évidence, c’est comme dire "l’iris ça coute cher".
 

- Le Narcisse Noir : Où est l’eugenol ??? Juste peut être la plus belle fleur d’oranger du 20ème siècle, riche et animale, presque irréelle, on a du mal à la comprendre tant elle s’éloigne de l’idée que l’on se fait habituellement de cette matière. Un parfum dramatique et sombre, décadent, une tragédie en trois actes avec explosion finale, lorsque tout bascule sur un lit de santal, de musc animal et de civette. Fondu, jamais vulgaire, incroyablement intelligent et pensé, je n’ai jamais senti un autre parfum lui ressemblant de près ou de loin. Un monument ! Personne d’autre que Daltroff n’a travaillé la fleur d’oranger de manière aussi sombre et stylisée. Pas une goutte de vanilline. Et je trouve la civette du Narcisse Noir plus maitrisée que celle de Mouchoir pour Monsieur par exemple.
 
- Alpona : un chypre fruité comme nul autre avec sa note de citron vert confit sur un fond cuiré mousse de chêne. Un des parfums les plus originaux que je connaisse, aucun autre chypre ne lui ressemble. Oeillet ? Vanille ? Mélasse ? Bouillie ? Nul part.
 

- Acaciosa : Un grand bouquet floral comparable à Joy par sa richesse, avec une pointe d’ananas, hyper novateur à l’époque, sorti 11 ans avant Colony de Patou. Idem
 

- Royal Bain de Champagne : Un parfum assez incroyable qui fascine la plupart des personnes à qui je le fais sentir. Après un étrange départ de fruit blet, Royal Bain évolue sur une superbe violette ultra poudrée. Le fond quasi mystique encens, santal, benjoin, oppoponax, vanille est un des plus beaux que je connaisse. Il évoque l’odeur des météorites de Guerlain et se retrouvera dans le Dix de Balenciaga en 1947 et plus de 60 ans plus tard dans Flower by Kenzo. A aucun moment le parfum ne bascule dans les notes grasses et épaisses ! Les notes dansent sur peau avant de se fondre au fil des heures.
 

- Bellodgia : Un soliflore œillet, peut être le plus grand, vieillot, démodé, oui, mais très beau. Bellodgia rappelle l’odeur d’un bel œillet crémeux, poudré, légèrement vert et épicé, mais ne sent pas le clou de girofle et reste étonnamment sec ! Peu de parfums lui ressemblent. Il inspirera évidemment l’Air du Temps en 1948.
 

Bon, et je ne parle pas de Farnesiana, Les Pois de Senteur de chez Moi, Or et Noir, Violette Précieuse, Adastra, With Pleasure, Pour un Homme, le Voeu de Noël etc....Le seul parfum dont le fond est un peu fouilli, c’est En Avion.
 

Les Caron sont des parfums inspirés, souvent très novateurs, la marque a en effet rarement suivi les tendances. Daltroff était un autodidacte comme François Coty ou Armand Petijean et sera reconnu comme un des plus grands créateurs de son époque. Caron, c’est un univers qui m’enchante, où tout est hyper cohérent, tout y est exquis, des noms des parfums, aux flacons. Les parfums sont en accord total avec leur univers et comme je l’ai expliqué, et contrairement à ce que dit Jicky, les grands Caron ne basculent pas dans ce fond girolfé vanillé bouillie, NON, pas les versions d’origine. Il y a du crémeux dans certains d’entre eux, mais tout est équilibré et ces notes ne font pas couler le parfum. Comme par exemple dans Nuit de Noel, où ces notes crémeuses viennent adoucir les notes boisées sèches et cuirées, pour les rendre confortables, mais sans leur faire perdre leur caractère, c’est un des fonds les plus maitrisés que je connaisse. Idem pour Le Tabac Blond. Ces parfums sont cohérents, des notes de tête, jusqu’aux dernières notes de fond.
Je ne défendrai pas les versions actuelles évidemment, puisqu’en effet cette note giroflée est trop présente , ne se fond pas et sert à donner une patte retro et une aura vintage à des parfums qui ne le sont pas, tout en venant considérablement alourdir les formules et rompre les équilibres. Mais cela ne concerne pas les anciens Caron, les vrais donc. Jicky ne les a jamais porté, il les a juste senti sur mouillettes, alors ses arguments, il peut les mettre bien profond ...dans son flacon de Narcisse bleu ! Mais en tout cas tu as un point commun avec Véronique Nyberg Jicky, qui elle non plus n’aime pas trop ce genre de parfumerie comme tu le sais.

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