L’anosmie s’expose : à la recherche de l’odorat perdu
par Jeanne Doré, le 3 avril 2015
A travers l’anosmie, qui est la perte de l’odorat dont souffre environ 5% de la population, Eléonore de Bonneval nous invite à porter un regard sur le monde impalpable des odeurs, à travers un parcours à la fois visuel, auditif et olfactif...
On n’a pas vraiment l’impression d’entrer dans une galerie quand on arrive à l’ESPCI, et pourtant, lorsqu’on se trouve à l’étage, où se tient l’exposition, on sent tout de suite qu’on est dans un endroit pas comme les autres.
Des fils tendus partout dans l’espace accueillent des pages remplies de témoignages recueillis à la fois en amont de l’expo (dont le mien !) [1], mais aussi pendant celle-ci, griffonnés au stylo par les visiteurs de tout âge, qui les ajoutent au fur et à mesure à cette collection de mémoire olfactive.
Car ces textes expriment tous des souvenirs très personnels dont l’émotion est intimement reliée à une odeur, et qui restent gravés en mémoire tels des tableaux indélébiles, qui resurgissent à chaque fois que l’odeur réapparait.
Les parcourir nous plonge dans une intimité émouvante et touchante, sans voyeurisme ni impudeur, et nous renvoie à nos propres souvenirs.
Puis je m’enferme dans cette petite cabine aux épais rideaux de velours, qui ne laissent filtrer aucune lumière, et j’écoute les voix enregistrées qui me parlent d’odeurs, de souvenirs intenses, agréables ou désagréables, quand ce ne sont pas les deux en même temps. L’obscurité nous force à nous concentrer sur les odeurs évoquées, et on les sentirait presque, car notre vision étant mise au repos, notre oreille semble reliée à notre nez !
Puis c’est le tour d’aller mettre son nez sur ces petits seaux blanc qui, à la pression d’un petit bouton noir, délivrent un courant d’air parfumé, dont le nom est inscrit au dos du seau.
On renifle, on ferme les yeux, on laisse l’association arriver, on devine (pas toujours...) et on lit. C’est amusant, bien conçu, même si certaines réponses apparaissent un peu comme des pièges : "au grand air" pour une odeur d’herbe coupée, mais pourquoi pas !
L’expo propose également des interviews de diverses personnalités dont le métier gravite autour de l’odorat : un parfumeur, un chirurgien spécialiste de rhinologie et des sinus, un professeur à l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin... qui partagent chacun leur expertise sur le sujet.
Mais les portraits les plus marquants sont sans doute ceux, rassemblés dans cette petite maison en bois, des anosmiques eux-mêmes, comme isolés du reste du monde. Ils évoquent avec tristesse et parfois nostalgie cette sensation d’être coupée d’un cinquième de leurs sensations, de ne plus prendre plaisir à manger, à socialiser, voire de se sentir (!) en danger, en l’absence de perception de certaines odeurs qui nous alertent. Certains relatent tout de même avec humour la chance de ne pas subir toutes les odeurs nauséabondes qui nous entourent au quotidien !
Cette petite escapade au cœur de notre odorat vaut un petit détour dans le 5ème arrondissement de Paris, l’exposition est rapide à visiter, et adaptée à tous les âges.
Et on en ressort avec la joie immense de pouvoir renifler partout dans ce quartier à la fois historique et touristique (la rue Mouffetard n’est pas loin) toutes les odeurs de la rue, des restaurants, des trottoirs et même des poubelles !
Vive l’odorat !
# Toutes photos : © Eléonore de Bonneval
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Entrée libre
Du mardi au samedi de 14h à 17h.
Espace des Sciences Pierre-Gilles de Gennes
École supérieure de physique et chimie industrielles ParisTech
10 rue Vauquelin
75005 Paris
Métro 7 - Station Censier-Daubenton
RER B - Station Luxembourg
Bus 21-27 Arrêt Berthollet-Vauquelin
[1] auparfum est partenaire de cette exposition et a relayé dans ses pages l’appel à témoignages. Certains d’entre eux ont donné naissance à la création d’une photo par Eléonore de Bonneval
par Belle du seigneur, le 6 avril 2015 à 01:29
Vous décrivez très bien cette belle exposition, qui évoque l’intimité avec une justesse et une élégance rares.
Petit lieu, et pourtant différents espaces se conjuguent, une topographie que je n’ai pas remarquée de suite tant ces espaces se répondent. D’un coup on se rend compte, face à la surface lisse de la photo, de tout ce que l’on y projette inconsciemment en odeurs ; on conçoit un instant la froideur du monde dans lequel se meuvent les anosmiques.
Et puis j’étais ravie d’y trouver mon texte et son illustration également...
J’en suis sortie émue, touchée (et je n’étais pas la seule).
Encore merci à Eléonore de Bonneval !
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