Auparfum

La Myrrhe

13 avril 2022, 04:53, par Petrichor

Les gens ont une dissonance cognitive avec la myrrhe.
Car pour eux les encens sont "sérieux", alors que la myrrhe a une odeur loufoque.

Avec un ingrédient comme la myrrhe, on se fait avoir par son imaginaire.
On pense s’accaparer une odeur dédiée au culte des dieux ou de l’enfant Jésus. (Ca, l’encens blanc le réussit).
En fait, l’ingrédient myrrhe semble sentir fruit confit, plus exactement la pomme séchée.
On est dans les mets délicieux, les odeurs de confiserie à l’ancienne (berlingot), de boules de gomme à la fleur d’oranger.

Il y a aussi de l’amertume un peu comme dans les grains de grenade *, un côté anisé, donc un côté loufoque.
* (la racine linguistique m... renvoie à cette amertume)

Ma théorie est qu’il faut utiliser l’absolu myrrhe en quantité pour retrouver la transcendance recherchée.
Car sur les vêtements, le lendemain, l’odeur se ravive par intermittence comme une braise qui rougeoie.
Seules "Myrrhe ardente" de Goutal en version exclusive de parfum et "La myrrhe" de Lutens réussisse ça. J’ai failli désirer "Myrrhe impériale" de la ligne Armani privée, mais mon nez a buté sur un gros boisé-ambré (le norlimbanol, peut-être).
Il y a aussi ces facettes pomme et grain de grenade amer dans "Grand amour" EDP d’Annick Goutal.

Les critiques avaient trouvé "La myrrhe" de Lutens bien, bien construit, mais on les sentait mitigés pour l’acheter et le recommander.
1° Ils l’ont classé comme un grand aldéhydé à l’orange.
Tout ça me rappelle d’aller sentir à nouveau "Baghari" de Piguet. Là j’ai mis "La myrrhe" sur mon poignet, et on sent la touche de jasmin naturel qui fond dans le miel d’un ambre sans surdose de vanille.
En fait on est proche des aldhéhydes du N°22 de Chanel, qui est un des meilleurs parfums actuels, mais les gens se braque sur la surdose d’aldéhyde des premières minutes.
2° Il y a la dissonance cognitive précitée (la tonalité gustative de pomme séchée, les facettes loufoques d’anis et d’amertume, face au sérieux attendu d’un encens)
3° Les gens y ont vu une modernisation d’un moule vieillot. Ca et le côté loufoque ont fait de La myrrhe un parfum qu’on ne s’imagine pas porter aisément.
Le moule est celui des aldéhyde chypré "orange savon fleur", un truc qui n’a jamais été un best-seller.
Or "La myrrhe" pourrait très bien marché comme contre-emploi sur un homme. Je sais, c’est débile de genrer un parfum, mais je vais dire ma vision. C’est pas tant que ce parfum soit hyper féminin, c’est plutôt qu’il donne l’impression de devoir bien s’habiller pour le porter, à cause des connotations "grand aldéhydé, parfum de diva, tenue de grand soir". Alors que pour un homme, il peut rester plus débonnaire sur sa tenue et les occasions où il porte ce parfum, puisqu’il joue le contre-emploi. (On attribue encore les aldéhydes, l’orange, les fleurs (jasmin), et les odeurs de confiserie ancienne au registre féminin. Pourtant les hommes ont le droit d’exprimer la douceur. Marre des fougères métalliques moches pour costard gris).
(Plus proche du rayon homme, "Dior homme intense EDP" doit sa facette "crumble au pomme" à la myrrhe, dans son fond. Lui est connu, bien distribué, et se vend bien).

En tout cas, ne vous forcez pas à l’aimer, mais il vaut le coup.
Il y a 2 ans, La myrrhe me semblait identique sur la touche faite d’avance, en boutique. "Sarrasin","Une voix noire", etc. sont également en bonne forme. J’étais positivement étonné, car je m’attendais à ce que les restrictions aient eu la peau de ces parfums comportant une surdose. D’autant que les classiques passés en flacon gratte-ciel ont certes gardé leur intégrité, mais au prix d’une très légère dilution, selon mon ressenti. (Et au prix ... d’une hausse de prix).

La liste des ingrédients site le lotus, et c’est peut-être du vrai (nelumbo nucifera).
Quand j’explorais les thés, il y avait du "thé au lotus" (que détestait la vendeuse). Or ce n’est ce n’est pas un thé traficoté, c’est un thé traditionnel vietnamien consommé lors de fêtes de la lune. Et je retrouve ces facettes précises dans "La myrrhe".
Je viens de faire une recherche rapide, et ce sont les anthères qu’on utilise pour le thé. C’est un peu comme pour le safran, où on prend toutes l’étamine, anthère compris.
Au Vietnam, durant ces fêtes on mange beaucoup de confections, faites à partir des différentes parties du lotus.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nelumbo_nucifera#Utilisation
J’ai aussi regardé rapidement sur TheGoodScentsCompany, et un ingrédient naturel de lotus existe bien.
http://www.thegoodscentscompany.com/data/ab1592171.html
La facette "thé au lotus" est peut-être ce qu’il y a de plus tripant dans "La myrrhe", et pas tant la myrrhe elle-même.

Je recommande sincèrement "La myrrhe" à tous les passionné.e.s, même si je le porte presque jamais, car c’est vraiment un parfum beau et unique. Il est aux antipodes de l’énième rose oudée achetée par erreur

"Fils de joie" a un thème apparenté, dans le registre d’odeur de confiserie ancienne. Sur les vêtements, je sens encore la boule de gomme à la fleur d’oranger 2 jours après. Et je me demande si la myrrhe -pas citée- y est pour quelque chose.

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