Auparfum

Invictus

8 juillet 2013, 20:54, par Jicky

Suite et fin de l’avis sur Invictus. Ici, ce sera la critique sur l’olfactif Invictus !

 

 

 

C’est là que le bât blesse : Invictus est un échec olfactif. Son seul intérêt réside dans la facette fraîche. Et encore, quand je dis "intérêt", je parle d’intérêt purement scientifique. Il n’y a aucun intérêt olfactif. Le reste : c’est une fougère moderne, avec bois qui vrillent, notes fraiches lessiviels, bois ambrées qui tachent, accord propre et éléctrique, le tout poussé x10 000. Encore une fois, le parfum de déo, le Axe et la mousse à raser cheap ont gagné.

Mais ne nous arrêtons pas là. Enfin si, vous arrêtez vous là. Mais j’ai été plus loin pour vous (#SensDuSacrifice) : j’ai porté Invictus. Quand je dis "porté", je veux pas dire "testé sur le poignet". Ca oui, je l’ai fait - plusieurs fois même. Mais pire encore : j’ai sacrifié (je dis bien sacrifié) une précieuse journée de toute ma vie pour Invictus, alors que ma vie est bien trop courte au pro-rata de ce que je voudrais porter tout au long de ma vie.

 

Analysons objectivement Invictus, et mettons nous dans la peau d’un sportif (rendez vous compte du degré d’aliénation nécessaire pour moi, la distance qu’il faut prendre avec soi même est... herculéenne. Oui, je tiens à me féliciter, histoire de me remettre psychologiquement du choc).

Ce que je me suis rendu compte en portant Invictus, c’est qu’au final, beaucoup de choses qu’on lui reproche en test sur peau disparaissent. Je ne sais pas à quoi c’est dû. Peut être que mon cerveau sécrètent des hormones anesthésiantes pour pas que je souffre trop où je ne sais quoi. Bref, tout ça pour dire qu’au départ, MIRACLE, Invictus n’est pas trop boisé frais qui fait mal ! (*haaaaaaalléluiaaaah*). La tête fraîche se révèle presque aromatique, avec les notes qui font clairement d’Invictus un parfum de 2013 : le sel !

 

En effet, le sel revient en force. Je ne sais pas trop dans quelle mesure Womanity en est responsable, en tout cas quelques certitudes :

-  les labos de parfumeurs ont découvert de nouvelles molécules plus salées et fraîches

-  le grand public en a marre des marins flotteux et souhaite aller plus loin

-  les parfumeurs se lassent du gourmand regressif, mais sont néanmoins tenus de jouer dans le répertoire gustatif par le marché. Ils décident donc d’approfondir la gamme sel.

Bref, une chose est sûre : fleur de sel de Miller Harris, Réminiscence, la prochaine Hermessence, Invictus, KenzoHomme Sport… la vague marine revient. Opium me disait que presque tous les jours il sentait dans le métro le Kenzo Homme si caractéristique des 90’s. Après tout, c’est cyclique. Après les boisés ambrés qui tachent, une envie de fraicheur revient. Or, qui sont les jeunes actuels ? Ceux qui sont dans la vingtaine. Pardi : mais c’est moi ! Et quand est ce que je suis né ? En même temps qu’Iris Silver Mist, tout à fait : en pleine vague marine ! Ck One, Acqua Di Gio, Kenzo Homme, Dune, Cool Water… tout ça c’est “mon enfance” (mon dieu…).

 

Or, mes confrères jeunes ne veulent pas porter les parfums de papa. Non, c’est trop ringard (puis on est trop des rebelles). Mais… quand même… c’est super sympa là les odeurs de fruits de mer décomposés en train d’agoniser dans de l’alcool à cause de la chaleur d’un lampion du Séphora. Il fallait donc se distinguer de la si simple calogne (cologne calonée) de papa. Et la technologie actuelle le permet : vive le sel !

 

J’en reviens au test. La fraicheur dure. Attention, ils le revendiquent clairement « eh surtout vous sentez, pour la première fois la fraicheur dure ». Pffff là encore syndrôme La Vie est Belle : après le premier iris gourmand 100 ans après L’Heure Bleue, la première fraicheur qui dure 50 ans après l’Eau Sauvage !

Et malheureusement, je ne sais pas trop comment ça a pu arriver, mais il y a un problème. Comment dire… C’est Véronique Nyberg qui est derrière Invictus, c’est elle qui a composé. Et la dream team IFF (Polge fils, Ropion, Flipo) l’a soutenue en revoyan certains trucs. Bref, on est chez IFF avec 3 grands parfumeurs et une parfumeuse qui a quand même de l’avenir (même si j’avoue ne pas être très fan du travail de Nyberg, expression signifiant ici « aucun de ses parfums n’a eu d’écho à mon nez, même ses essais totalement libres, c’est dire… »). Mais il semble y avoir un petit problème : on a bien les deux entités (le fruit de mer aromatisé aux herbes et les notes boisées déo) et les deux notes se rejoignent, s’enchaînent. Il n’y a pas de trou dans la formule, mais… y’a un truc qui va pas. Pourtant, le métal fait lien, l’envol frais s’accroche au bois. C’est comme si le parfum descendait, puis après il redécollait d’un coup et stagnait dans les airs. Genre il se crashe, tout le monde croit qu’il va mourir et finalement il se redresse et baaaaaaaam il fonce vers l’espace comme s’il s’était transformé en fusée et bam ! Il se retransforme en avion et se remet à planer.

Vous comprenez le problème ? En gros, tout est lié, il n’y a pas de problèmes de formule là-dessus. Non, le problème vient du scripte, du scénario : depuis quand, bordel, un avion qui se crashe se transforme t-il en fusée et redevient ensuite un avion ??? Vous allez au cinéma, vous voyez ça vous vous dites « what the fuck ??? ».

 

C’était pour l’analyse olfactive partie par partie. Au final, sachez que c’est moins glamour que ça : l’échec est cuisant pour Paco Rabanne qui ne prend plus de risques. Au diable la pomme pour homme, voilà le millionième rejeton sorti d’un déo Axe. Plus de 5000 essais pour ça. C’est désolant. On peut penser aux quelques chefs d’œuvre qui ont pu émerger de ces essais là. C’est désolant.

Néanmoins, je continue de penser que La Vie est Belle est dix fois pire (je dis pas mille fois pire) car LVEB vous empêche de respirer et réduit la parfumerie à du sucre. Du putain de sucre qui colle. De la bouffe et du plaisir immédiat et sans fond, avec une communication désastreuse de mauvaise foi. Là, Paco Rabanne est hyper cohérent, joue sur la valeur sport de manière totalement kitch et assumée (à la différence des sports plus klass qui sont traités par Chanel and co) et nous sort un produit qui je pense fera quand même moins de dégats que LVEB (enfin… j’espère !).

 

Quant à la situation de la parfumerie je ne sais pas trop quoi en penser. D’un côté, les choses les plus merveilleuses parviennent encore à sortir : des Eau de Narcisse Bleu, des Déclaration d’un Soir, des Eau d’Iris… Mais cependant, il n’y a plus aucun grand lancement qui parvienne à faire de vrais bons parfums. J’enfonce des portes ouvertes, mais les grands lancements se notent désormais en « moins pire » : Manifesto de Yves Saint Laurent, c’est peut être le meilleur « grand lancement » (nouveau nom, égérie, campagne) de 2012, tout simplement parce qu’il était moins dégueulasse que les autres. Alors qu’en soi, c’est quand même un bon gros sucre sorti d’un gel douche Palmolive

 

J’ai une petite pensée pour Alberto Morillas, un de mes parfumeurs préférés, qui a créé de très belles choses en grand public (notamment son Essence pour Narciso Rodriguez, un des sommets des années 2000). J’ai pu le voir la dernière fois à l’occasion de la sortie du prochain Penhaligon’s, et il m’a dit une chose : « Il faut continuer à sentir et surtout ne pas être blasé ». Et il a tout à fait raison.

Le nez est méprisé, c’est une nouveauté pour personne. Or, c’est en sentant tout le temps qu’on éduque notre nez et notre passion pour le parfum. La culture parfum passe aussi et surtout par le nez ! Or, si on se blase en réduisant la parfumerie actuelle à toutes les daubes qui sortent actuellement, on perd la passion qui rayonne à travers nous. Or, c’est par notre passion que nos proches parviennent à porter de belles choses. Je ne sais pas vous, mais souvent j’ai des sms d’amis ou de la famille pour leur demander un conseil pour un parfum, parce qu’ils savent que je suis passionné. Et ils adorent ces moments là : découvrir de nouveaux parfums, ils se sentent en sécurité, guidés, comme quand on est petit et qu’on a des frissons parce qu’on est content de voir que quelqu’un nous aide. Il ne faut pas être blasé, malgré les 60% de daubes qui se vendent et s’achètent. Quand vous sentez quelqu’un qui sent bon dans le métro : dites lui. Quand vous sentez quelqu’un qui sent un parfum nul : dites le (attention, nuance : pas dites lui, dite « le », genre dites un truc à voix haute du style « encore ce foutu LVEB qui pue »).

Il faut continuer à parler aux parfums, à les écouter, à les analyser. Vous voyez, Invictus a beau être un très mauvais perdant, il a quand même des choses à nous dire, et pas que des trucs inintéressants.

 

« Il faut continuer à sentir et surtout ne pas être blasé »

Vive l’odorat !

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