Ahhhh j’ai failli vous écrire chère Jeanne pour vous proposer une discussion autour du mélange et plus encore de la justesse d’un parfum par rapport à une peau, à une journée, à l’humeur, la couleur du ciel, ses envies...

Autant je suis admiratif devant le talent, l’art des nez et de leurs créations, autant je ne peux me satisfaire de les porter telles quelles. Pas plus tard que la semaine dernière je parlais à une vendeuse aussi discrète que distinguée dans la boutique parisienne de Serge Lutens et lui faisais un parallèle entre sa tenue, une sobre robe noire, unie et très neutre, et un parfum. On s’habille chaque jour avec goût, envie, curiosité et originalité, pourquoi se contenter d’un parfum, aussi créatif et rare soit-il. Pourquoi s’envelopper d’un habit de senteurs tout fait, immuable et ne pas tenter de varier, de muscler, de fleurir ou d’enrichir un parfum. Avec une infinie patience elle m’a écouté lui concluant par un "..comme c’est une tenue de travail vous êtes obligée de la porter telle quelle mais me concernant je ne peux additionner textiles et couleurs et ne pas en faire de même avec les odeurs"

Tout ceci pour dire qu’une fois un parfum trouvé et adopté, très rapidement je lui adjoins ce qui me paraît lui manquer en fonction des jours, des saisons ou de mes envies.

Je viens par exemple d’être séduit par Jeu de peau et Rahat Loukoum de Serge Lutens. Le premier va me servir en base, remarquable d’originalité. Le second en gourmandise. Je ne sais pas si je vais les associer mais dès demain je tenterai sur papier et ensuite sur ma peau d’ajouter une note de fleur d’oranger à Rahat Loukoum, celle millésimée de l’Artisan. Le printemps approche et je ressens le besoin d’ajouter quelques fleurs.

Prenez aussi Vetiver Tonka d’Hermès. Il est très gourmand, un poil trop à mon goût et certains jours je le raidis et lui donne plus de verticalité avec quelques touches d’Encre Noire de Lalique.

Essayez aussi de mettre un peu de fleur d’oranger dans Ninfeo mio de Goutal, ça met des couleurs dans un mélange délicieusement vert et citronné.

Tentez enfin un grand classique. Un puff de Tonka impériale, 4 de Spiritueuse double vanille et autour du cou 5 d’Encre noire. Veillez à bien séparer les jus. Le résultat est noir de douceur, un régal. Et c’est unique.

Comment vous dire, je ne peux me contenter d’un parfum, j’en ai plus de 30 que j’utilise au gré de mes envies, pas plus qu’adopter avec bonheur un jus auquel malgré son originalité, il manque une touche au quotidien. Ce n’est pas une règle, mais un plaisir.

Lors de l’achat d’une fragrance et tant que la découverte et la séduction continuent, je le garde tel quel. Une fois qu’il s’est perdu dans ma mémoire olfactive, qu’il a saturé ma case « plaisir du nez » et qu’il a progressivement dévoilé ses racines, certains manques m’apparaissent et je les comble à ma façon.

Jeu de peau est trop original et formidable de séduction pour le moment et me comble tel quel. Qui sait, peut être va-t-il rester unique…