Auparfum

Sentir et ressentir : voyage (mal) organisé au cœur des odeurs et des arômes, sur France 3

par Arnaud Gobin, le 7 novembre 2019

Chère Nymphomaniac,
(Voilà un nom de famille sûrement difficile à porter dans votre enfance et plus encore depuis le film de Lars von Trier. Je compatis)

Vous lire fut pour moi un réel plaisir et une belle récompense. Si, si, je vous assure !

Car oui vous avez entièrement raison en tout point chère Nymphomaniac. Comme vous l’avez subtilement deviné, j’ai effectivement casté volontairement une pauvre gamine « intervenante stagiaire » (en réalité étudiante en Level 3 Summer School à la Perfumery School de Grasse), parce qu’elle était un peu coconne sur les bords et pitoyablement fleur bleue en pensant que les parfums pouvaient apporter autre chose au monde que les 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires de la seule maison Chanel.

Car oui, vous avez entièrement raison chère Nymphomaniac. Il est proprement scandaleux qu’une « ouvrière-technicienne » (en réalité Directeur technique arômes Sté Jean Niel, mais là aussi, il faut regarder un film avec ses yeux et lire les synthés) nous montre comment on fabrique un parfum naturel de fraise. Alors que toutes « les ménagères téléspectatrices de France 3 » qui se morfondent dans leur HLM de banlieue devraient s’acheter une maison à la campagne avec un potager pour cultiver leurs propres fraises bio, préférer la vanille de Madagascar à 500 euros le kilo au lieu de la vanilline pour leur gâteau du dimanche. Et au passage, chasser les mauvaises odeurs de leur deux pièces avec du papier d’Arménie, se décrasser la tronche avec du savon d’Alep et se désodoriser les aisselles avec du bicarbonate de soude pour ne pas puer dans le métro. (Ah les maudits prolos qui font sangloter Farina et Saint Laurent dans leurs tombes !)

Car oui, vous avez entièrement raison chère Nymphomaniac au lieu de décrire « béatement » le travail de parfumeurs respectables comme Martine Micallef, Gérald Antony (maitre parfumeur) ou encore d’Olivier Maure, nous aurions dû avoir le courage de dire que ces barbouilleurs de senteurs élaboraient au quotidien « de la merde olfactive, sans être véritablement issus d’un acte de création ». Comme nous aurions dû effectivement dire clairement que les aromaticiens sont des escrocs et des empoisonneurs à la solde de l’industrie agroalimentaire, ou encore que Patty Canac et Géraldine Archambault font de la bobologie de charlatan en milieu hospitalier. Les intéressés et les téléspectateurs auraient surement apprécié que l’on expose ainsi en place publique votre inébranlable et inquisitrice certitude.

« Stagiaire » (un peu idiote), « ouvrière », « merde olfactive », « public déjà mort », « ménagère téléspectatrice de France 3 » (et l’incontournable allusion à « Danse avec les stars ») voilà bien les vrais mots lâchés, enrobés de mépris et de condescendance comme autant de flatulences nauséabondes échappées de sous une jupe en soie lors d’un diner mondain. A l’heure où l’on parle beaucoup de la fracture sociale, je découvre sans grande surprise que dans une petite coterie élitiste de la parfumerie (loin de moi l’idée de généraliser), cette fracture sociale peut agresser les narines avec d’incommodants remugles de lilas chimique et de sent-bon à deux balles.

Car en somme ce qui semble le plus vous déranger dans ce film, chère Nymphomaniac, n’est pas tant qu’il soit bon ou mauvais (j’admets humblement que ce film n’est pas irréprochable, tant s’en faut) mais qu’il ait osé entrouvrir les portes de vos palais dorés sur un média populaire que vous snobez ouvertement avec dédain et arrogance (autant que les intervenants qui ont participé à ce film). Le crime de lèse-majesté est bien là, en filigrane entre vos lignes. Car oui, vous avez entièrement raison chère Nymphomaniac, ce film est tout aussi scandaleux que d’ouvrir les grilles du Château de Versailles à la visite aux smicards et aux gamins du 93. Dans votre petit monde en crinoline (le vôtre, pas celui des professionnels que j’ai eu l’honneur de rencontrer et le grand plaisir d’interviewer), la parfumerie se danse en mocassins vernis et souliers dorés, en rentrant de faire ses courses à La Vie Claire. Les « ménagères téléspectatrices de France 3 », elles, avec leurs charentaises ou leurs crocs aux pieds n’ont rien à faire au bord de la piste. Ces misérables n’ont pas à fourrer leur nez dans les pas du menuet. Elles ne doivent rien savoir de cet art si noble et si précieux. Circulez les gueux ! Y’a rien à voir, à part de la téléréalité de daube et des mauvais docs à la téloche ! (Je songe à vous lire à Beaumarchais quand il disait que « les petits maitres avaient encore une âme de valets »).

Allez sans rancune, chère Nymphomaniac. L’hiver prochain s’annonçant bien rude, je ne vous en veux nullement de m’avoir ainsi chaudement rhabillé pour les frimas à venir. Car votre critique outrancièrement bourge ou bobo, qui aurait pu servir de modèle à l’illustre Molière pour écrire Les Précieuses Ridicules, fut pour moi un réel plaisir et une belle récompense. Au lieu de me peiner ou de me contrarier, vous m’avez, au contraire, conforté dans l’idée que je fais mon job honnêtement et avec bienveillance sans chercher à plaire à tout le monde (j’irais presque jusqu’à m’enorgueillir de vous avoir déplus). Et vous m’avez, sans le vouloir, rendu très fier d’avoir donné à voir ce film « inutile » et par chance « inoffensif » au petit peuple de France que vous mésestimez tant.

Je n’interviens que très exceptionnellement sur les forums et jure à chaque fois qu’on ne m’y reprendra plus. Je suis une fois de plus atterré de constater à quel point l’usage des pseudos, même sur un site aussi sérieux et respectable que celui-ci, (exception faite pour vous, chère Nymphomaniac, car vous affichez avec courage votre vrai patronyme) autorise si souvent tant de personnes acrimonieuses à raconter incognito n’importe quoi, à insulter, dénigrer, humilier, malmener, critiquer sans vergogne, péter et roter sans retenu comme on le ferait dans l’anonymat d’un piètre bal masqué. Aussi, je me sens désormais aussi peu à ma place sur ce forum fréquenté par des apparatchiks bienpensants, qu’une ménagère téléspectatrice de France 3 aux festivités du palais impérial de Vienne ou que les dizaines de milliers d’autres blaireaux « déjà morts » qui ont gâché 52 minutes de leur reste d’existence à agoniser devant notre mauvais documentaire.

Je vous abandonne donc définitivement à vos digressions frivoles et désobligeantes autour de ce film devant une tasse d’Earl Grey et une assiette de macarons de chez Hermé.

Bien cordialement

Arnaud Gobin

P.S : Une info pour ceux et celles qui préfèrent s’instruire mieux qu’en regardant un doc mal foutu, l’émission « Danse avec les stars » est diffusée le jeudi vers 21h sur TF1 (une chaine privée et non du service public)

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