Versatile : la transparence est dans le flacon

par Jeanne Doré - Jessica Mignot, le 29 novembre 2021

Jeune marque née du désir de renouveler le discours marketing et la création, Versatile lance cinq extraits sans alcool, au propos clair et à l’originalité affirmée.

Fraîchement diplômée de l’École Supérieure du Parfum (ESP), Coralie Frébourg a choisi de créer sa propre marque de parfums, avec la volonté de « rendre l’institutionnel audacieux ».
Derrière cette punchline, c’est la rhétorique de l’industrie qui est visée : peu diversifiée, normée, elle reflèterait les « odeurs standardisées » de lancements qui se multiplient sans se différencier.

La marque souhaite prendre le contrepied de ces codes classiques en proposant « des discours transparents avec un accès à l’information pour tous, une démarche globale la plus responsable et authentique possible, un produit optimisé (mais pas parfait) ». Pour ne pas genrer les créations, les textes qui accompagnent les parfums ne font pas mention de famille olfactive, mais plutôt de descripteurs (hespéridé, doux, boisé...). Et, fait notable car rare dans le milieu, tous les ingrédients sont listés sur les fiches produit, avec une explicitation claire de leur classification naturelle ou synthétique. Le site prodigue également plusieurs éléments de pédagogie et de culture olfactives, comme la signification de la fabrication française, des clarifications sur les idées reçues du greenwashing (« le naturel n’est pas forcément éco-responsable »), ou encore des informations sur les notes et les familles de la parfumerie.

Pour ce premier lancement, Coralie Frébourg a fait appel aux parfumeurs du studio de création indépendant Flair. Elle propose ainsi cinq extraits sur base huileuse (huiles d’amande et de blé), concentrés entre 30 et 35%, au format roll-on, aux formules courtes et à l’originalité revendiquée.

Croissant café a été composé par Elia Chiche. Qualifié de « néo tonka, retravaillée en un café ultra onctueux », ce cappuccino doux et boisé se déploie dans des notes de caramel, de vanille et de lait « beurrées, grillées, très chaudes et rondes ».

Culot Thé est décrit comme un « néo jasmin, retravaillé en un thé évolutif ». Anne-Sophie Behaghel a facetté le jasmin par les notes épicées de gingembre, d’ail et de wasabi, mises en contraste avec la douceur de l’abricot et des notes hespéridées de mandora et de bergamote.

Accrodisiaque, une « néo rose, retravaillée en un accord ultra-facetté et nouveau » toujours non genrée, est issue de la collaboration entre Amélie Bourgeois, Elia Chiche et Camille Chemardin. Autour de ce cœur de rose « bien épaisse et sombre », s’étreignent une ouverture végétale mêlant fenouil et l’aneth, une explosion de thé matcha et un fond cuiré, fumé et animal.

Gueule de bois, créé par Amélie Bourgeois, est selon les mots de la marque un « néo santal, retravaillé en un rhum enivrant, mais pas entêtant ». Les bois chauds s’entourent des fumées d’encens, d’épices - cannelle, poivre, baies roses - et des notes liquoreuses du rhum.

Avec Dimanche flemme, Camille Chemardin propose un « néo musc, retravaillé en un mélange inédit, ultra réconfortant ». Il est construit sur le contraste entre la douceur de l’amande douce et de la vanille, le velouté vert de l’ouverture, et des notes plus pétillantes et fusantes offertes par la cardamome et le citron.

La marque s’engage également à reverser 3% de ses ventes à l’association Ruban Rose, au profit de la recherche sur le cancer du sein.

Extraits roll-on 49 euros/ 15 ml
Disponibles

Premières impressions

Il est toujours rare, et donc réjouissant de découvrir sur le site d’une nouvelle marque de parfum autant de bon sens, de vérité et de simplicité, avec en prime de l’humour.
À mi-chemin entre le parfum de la marque Aime pour le format, Bon parfumeur pour le packaging minimaliste et Bastille pour le ton décomplexé, Versatile se distingue par une approche intelligente, réellement pédagogique et dépourvue de tout cliché, que l’on aimerait voir plus souvent.
Les créations olfactives ne sont pas révolutionnaires, certes, surfant sur une tendance « néo-cocooning-retour à soi » (muscs, matcha, lait chaud et cappuccino…), mais elles sont dans l’ensemble plutôt équilibrées et cohérentes.
Croissant café : on est ici plus dans le café-crème que dans le petit noir, avec des notes onctueuses de fève tonka, des lactones (figue-coco), une pointe de pyrazine pour figurer le café, et une boule de muscs blancs et savonneux. Très confortable.
Culot thé : un thé vert propre et juteux, citronné, jasminé et abricoté, qui évoque les multiples déclinaisons de l’ingrédient en produits d’hygiène, mais en évitant le côté cheap.
Accro disiaque : une rose boisée, cuirée, orientale, pas désagréable, juste un peu déjà-vue.
Gueule de bois : je ne sais pas si c’est le meilleur antidote à la nausée, avec ses notes lactées épicées, mais dans un style boisé liquoreux et gustatif, pas trop sucré, il ne s’en tire pas trop mal.
Dimanche flemme : vert, végétal, citronné, épicé, légèrement poudreux et amandé, presque terreux, il évoque d’abord un cocktail carotte-agrumes tout juste centrifugé, avant de se prolonger sur des bois veloutés et musqués. Le plus original.
J.D.