Gilbert-Noël Sfeir Mont-Liban

Chrétien de la région du Kesserwan, au Mont-Liban, Liban. J’aime les senteurs de barbier d’autrefois, poudrées, talquées, celles des vieilles maisons de mon village où les parfums de poudre, de rose et d’eau de rose imprégnaient jusqu’aux plus profondes couches du bois de nos vieilles armoires. Mes souvenirs d’enfance gardent les effluves des dragées vanillées qu’une tante Marie sortait de son sac pour m’en offrir. La lavande qui pousse dans nos champs et sur nos terrasses, les Lavandes concoctées à l’anglaise de chez Yardley m’enivrent de leur fraîcheur composée et raffinée.

L’essence de rose devient de plus en plus ma fragrance emblématique, mais également et surtout l’eau de rose naturelle, obtenue par distillation, qui est d’un usage quotidien dans notre pays et fait partie intégrante de nos sorbets, douceurs, pâtisserie, ainsi que des soins personnels et de toilette. Il arrive qu’on me dise que je sens une eau de rose qui serait plus soutenue et riche que celle qu’on connaît ou, en plaisantant, un sorbet parfum rose comme nous savons en faire ici ou, tout bonnement, des rosiers dans la fraîcheur de la brise matinale, ceci m’ayant été dit par des amis qui ne savaient plus d’où venait la senteur mais aussi, pour la petite histoire, par des chauffeurs de taxi qui savaient très bien que j’en étais la source et s’en extasiaient à pleines narines.

Si je retrouve mes senteurs toutes prêtes ou si parfois je compose moi-même mes propres parfums et eaux de Cologne, avant cette période presque exclusivement enrosée, mon parfum fétiche avait toujours été Habit Rouge de Guerlain, et il l’est toujours, lequel m’habille comme une hermine. Ma peau en souligne la rondeur, la texture veloutée et les accents poudrés, ce qui en fait pour moi une seconde signature. Au même titre, le Talc exerce sur moi un appel irrésistible. Je me noie dedans, après la douche, en raccord parfumé, en accompagnement d’une eau de Cologne… Des talcs anglais Yardley : Violet | English Lavender | English Rose … du talc Cussons, l’Original … un vieux Talc Chinois qu’on a l’heur de recevoir régulièrement au Liban, qui ne coûte que quelques sous et qui a un parfum sublime. Dans la même tradition, je me lave avec du savon Cussons / Imperial Leather Classic, le Rouge, ou au savon de Marseille, Le Chat aux Fleurs d’oranger. Se parfumer est de plus en plus pour moi mieux qu’un plaisir, un bonheur, comme celui de la nourriture, une nécessité à laquelle il m’est de plus en plus difficile de renoncer, une certitude de soi gourmande et profondément désaltérante qu’on laisse en sillage, mais aussi son autoportrait peint avec des couleurs insaisissables.