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Allegretto 7.2

Berceuse Parfum

Flacon de Allegretto 7.2 - Berceuse Parfum
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Le barbier de Silésie

par Clément Paradis, le 4 juin 2020

Il est une parfumerie de niche dont on parle peu en Europe, sans doute du fait d’une distribution discrète sous nos longitudes : la niche étasunienne, dont on pourrait dire qu’elle est à la fois le paradis et l’enfer de la parfumerie.

Le paradis, car un vent de liberté souffle dans ces créations et que les marques et parfumeurs n’apprécient vraisemblablement pas de s’imposer des limites, quelles qu’elles soient. L’enfer aussi, car à nos nez d’Européens, ces jus passent souvent pour les créations d’aimables doux dingues qui bricolent du parfum dans leur cuisine. Par bien des aspects, cette Amérique des parfums, entre le libéralisme du moonshine et l’insouciance des sorcières bien-aimées, a de quoi refiler une bonne jaunisse à nos maîtres parfumeurs franco-helvétiques. Depuis quelques années, différents marchés de niche s’ouvrent autour d’elle, comme celui des savons à raser parfumés, qui a vu fleurir les boutiques de centaines de producteurs artisanaux offrant chacun leurs formules et fragrances pour renouer avec le rasage traditionnel. Pourquoi raconter tout cela ? Parce que Will Carius, le fondateur de Berceuse Parfum, est de ceux-là ; à travers la marque Barrister & Mann, il propose depuis 2013 des savons dont il formule lui-même les fragrances, revisitant les classiques (Seville, hommage aux senteurs « barbershop » ou le très réussi Cologne russe) tout en se penchant sur de nouvelles inventions qu’il décline aussi sous forme d’eaux de toilette.

Pour la première sortie de Berceuse Parfum, c’est pourtant le parfumeur Antonio Gardoni qui est à la barre, créateur italien dont on connaît les productions pour Bogue Profumo, notamment l’acclamé Maai. L’ambition louable de Berceuse est donc de passer de l’artisanat à l’art et de laisser les coudées franches à un parfumeur (qui devrait être différent à chaque sortie), afin de servir une parfumerie libre dans son expression, le « brief » étant ici de composer autour du célébrissime deuxième mouvement Allegretto de la Symphonie nº 7 en la majeur, op. 92 de Ludwig van Beethoven.

Mais de quoi est fait ce poème sur la septième ? Menthe et romarin en tête tracent l’image d’une nature vivace et rêche, avant qu’un ylang-ylang mordant serve de transition pour passer de la lumière des aromates à l’anthracite d’un vétiver terreux, frotté de lavande et d’écorce de cèdre. À défaut de nourrir un véritable souffle romantique, voilà qui ne manque pas d’originalité. Pourtant, il y a une autre manière de sentir cela : la menthe qui traverse toute la composition, légèrement sucrée, prend alors presque un côté « bonbon », faisant ressortir le versant fruité du vétiver, comme une pomme acide et juteuse. Ce tour nous emmène bien plus du côté des vergers et marchés du nord de l’Amérique du Nord que des forêts de Bohème face auxquelles Beethoven écrivait. Les synesthètes ne liront donc pas forcément la mélodie désirée, l’insistance sur le naturalisme de la fragrance et la présence notable des huiles essentielles rappelant tour à tour les officines poussiéreuses des apothicaires d’antan et les marchés bio de maintenant, où se mêlent la nature fraîche, aromatique, et les produits de médecine douce aux odeurs narcotiques.

Bref, Beethoven repassera, mais faut-il refuser l’allégresse ? Dans un monde parfait, cette fragrance serait sortie allégée dans la collection des eaux florales de Diptyque en 2013-2014, aux côtés de la regrettée Eau de lavande. Son prix moins élevé nous aurait permis de profiter de ses facettes ludiques et acidulées, et l’on aurait oublié sa linéarité et son sillage discret. On s’en serait mis parfois les jours d’insouciance, comme ça, sans raison ; on y aurait vu une création inattendue, néanmoins sans chichis. Car malgré sa singularité dans le paysage de la parfumerie américaine et son prix de loge d’opéra, Allegretto 7.2 reste une curieuse mais petite berceuse.

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