Auparfum

Parfum & confinement : racontez votre quotidien

31 mars 2020, 10:46, par Sehnsucht nach dem Duft...

Paris, samedi 15 mars, en me réveillant, je décide d’aller acheter Ylang 49 du Labo, je l’ai porté toute la semaine grâce à un échantillon, il m’obsède… A 11h, me voilà devant la boutique. Fermée. Je vais boire un café à l’angle de la rue, reviens trente minutes plus tard, la boutique est enfin ouverte. J’achète mon précieux. Le soir, je ressens des frissons dans tout le corps, je vais me coucher. Dans la nuit, la température monte, 39°5, je transpire…

Dimanche matin, j’ai très mal à la tête, une température à 38°5 constante, des frissons, une hypersensibilité de la peau, mal aux reins… Je vis avec un médecin, il a peu de doute, il en est même sûr, c’est le Covid 19. Incrédule, je reste toute la journée au lit, parfumé à Pot Pourri de Santa Maria Novella, la cologne que je mets lorsque je me sens malade pour aller mieux. J’ai toujours pensé que ce mélange aromatique de lavande, romarin et thym telle une potion magique, soignait, aidait à respirer, à se détendre, donnait de la force à qui le portait.

Lundi, les odeurs ont quelque chose de différent, c’est étrange, c’est effrayant. La fièvre est tombée mais les sensations fébriles sont toujours là. Le midi, je suis troublé par l’odeur du vinaigre balsamique dans ma salade ! A-t-il tourné ? Je n’en sens qu’une odeur d’alcool ! Je n’arrive pas à manger. J’ai l’impression qu’un filtre atténuant et déformant a été placé sur mon nez. Je décide de me parfumer à Rien d’Etat Libre d’Orange, je veux des odeurs fortes, pour me rassurer. Rien. Je ne sens plus rien.

20h, l’annonce du confinement tombe, seuls les commerces de premieres nécessités resteront ouverts. Je me dis que j’ai bien fait d’acheter Ylang 49 avant le Covid 19 !

La panique me prend mardi, je n’ai pas le nez bouché, je respire normalement mais je ne sens plus rien du tout. J’essaie frénétiquement des parfums sur mes bras, des parfums forts, des parfums reconnaissables - Gentry Jockey Club, Rien Intense Incense, Incense Rosé, Cuir Ottoman, N°19, Santal 33, Corsica Furiosa - aucune odeur. Plus de goût non plus. Je ne reconnais même plus le sucré du salé ! Des idées noires m’envahissent. Mon ami appelle une amie médecin ORL, lui explique la situation. Elle me préconise de faire des exercices dès à présent, sentir des odeurs simples. Il s’agit de lire le nom du produit - VANILLE, CAFE, ANETH, THYM, CANNELLE, CLOU DE GIROFLE, LAVANDE, CORIANDRE, VINAIGRE LEGER, MENTHE, CUMIN - avant de le sentir pour donner le temps au système sensoriel d’associer les deux informations. C’est le nerf olfactif qui ne fonctionne plus, les neurones qui ne connectent plus, cela arrive lors de certaines grippes, lors d’un traumatisme crânien… Ca revient, ou pas, on ne sait pas, ça devrait revenir, c’est ce que je comprends, j’espère, j’ai peur.

Mercredi, mon ami reçoit à son hôpital un mail d’une équipe mixte ORL- infectiologue issue de plusieurs hôpitaux de région parisienne à propos de cas d’anosmie brutale post-virale dont le lien avec le Covid 19 reste à confirmer mais semble de plus en plus probable. Cette équipe lance une étude sur ce phénomène , mon ami m’y inscrit, je dois aller me faire tester dans un premier temps à l’Hôtel Dieu. A 18h, j’y suis. Coton tige géant dans la narine gauche, les résultats me seront communiqués demain par téléphone.

Au levé, jeudi, je fais consciencieusement mes exercices. Je ne sens toujours rien, mais je me concentre, je me remémore les odeurs, je pleure. Je lave mon nez comme on me l’a conseillé avec du chlorure de sodium, 500 ml par jour à la seringue*… J’hésite à quand même me parfumer… Je ne le ferai pas. J’ai peur de fatiguer inutilement mon nez et de brouiller ma rééducation.
19h32, le téléphone sonne. : Covid +.

Vendredi, je regarde le carton du Labo avec l’Ylang 49 que j’ai mis dans le réfrigérateur samedi dernier… Covid 19, ça pourrait être le nom d’un de leurs parfums… La même nomenclature ! Mon ami tombe malade à son tour. Je n’ai pas récupéré l’odorat mais le goût semble revenir.

Tout doucement, la vanille, oui, je la sens, le café, la cannelle aussi ! Cela revient, je le sais, je le sens ! Nous sommes samedi 22 mars. Mon ami a eu une grosse fièvre cette nuit mais semble mieux supporter le virus, il va déjà mieux. Je n’ose pas encore me parfumer, j’ai peur de perdre le peu d’odorat récupéré… Je porte tout à mon nez, je sens, je sens, je sens.

Dimanche, il est temps de se parfumer de nouveau. Je réussis brillamment tous les exercices de rééducation. Je les aime ces odeurs. Je sors du réfrigérateur le flacon d’Ylang 49, la vendeuse m’avait dit d’attendre au moins trois jours, cinq dans l’idéal, pour le porter… C’est bon, je suis à J+8. Mon ami a perdu l’odorat à son tour. Chouette ! Je pourrais porter tous les parfums qu’il n’aime pas le temps que ça revienne pour lui « Tes cuirés là, ça sens trop fort ! » . Je le sais maintenant, oui, pour lui aussi, ça reviendra, l’odorat.

* attention : j’ai appris par la suite qu’il n’était pas conseillé de se laver les narines.

Signaler un abus

Vous devez être connecté pour signaler un abus.

à la une

Smell Talks : Céline Ellena – L'illusion de l'olfaction

Smell Talks : Céline Ellena – L’illusion de l’olfaction

Compositrice de fragrances indépendante et rédactrice pour Nez, la créatrice nous explique comment le parfumeur se joue de notre odorat avec sa palette.

en ce moment

DOMfromBE a commenté Héritage

il y a 9 heures

Bonsoir, Ça me donne envie d’aller le tester sur peau. Mon histoire avec Guerlain, c’est la(…)

Farnesiano a commenté Héritage

il y a 9 heures

L’actuelle version EDP, testeur neuf en grand magasin, n’est franchement pas à négliger. Moins(…)

il y a 10 heures

Merci du conseil !

Dernières critiques

L’Eau pâle - Courrèges

Lavande délavée

Mortel noir - Trudon

Église en flammes

Infusion de gingembre - Prada

Fraîcheur souterraine

Avec le soutien de nos grands partenaires