Auparfum

Invictus

Opium

par Opium, le 11 juillet 2013

[Quelques idées...]

 

Bonjour.
Des parfums moyens permettent parfois d’avoir des échanges intéressants. Alors, merci à tou(te)s pour vos échanges passionnés.

 

Après la lecture des premiers intervenants, je m’étais dit que je n’avais rien à ajouter, Jicky, par exemple, ayant fait une parfaite analyse de la stratégie marketing.
Malgré tout, quelques points m’ont interpellé. Je vais réagir à leur propos d’abord puis, dans un second temps, j’aborderai l’olfactif "pur", copiTant en cela Jicky. En effet, je me rends compte en cours de rédaction, de "l’importance", en termes de longueur, de mes développements.

 

Débuter à propos d’Invictus puis aborder de vastes problèmes liés à l’art, que de chemin parcouru en deux jours...
Beaucoup ont dit des choses passionnantes. Mais, je vais revenir sur certains points.
- Effectivement, Beurk, la parfumerie connaît simplement son évolution d’un produit originellement difficilement disponible par son coût vers un produit plus largement et démocratiquement partagé. Tant mieux si la parfumerie est plus largement diffusée. Le prix à payer, comme en musique, en termes de films ou de littérature, pour tous ces objets en somme qui revendiquent à la fois de se prévaloir d’une valeur artistique en même temps que d’une efficience commerciale, est probablement un nivellement vers le plus petit dénominateur commun, celui qui fonctionne à tous les coups. Comme le précisait très justement ChrisB, moi également, avant de m’endormir ou chez moi, je passe plus facilement de la musique plus "facile" que de la musique plus "noble". Toutefois, comme lui, j’ai bien conscience que Zazie ce n’est pas Bach ; mais, ce n’est pas René La Taupe non plus... [Clin d’œil à Youggo...]
Pour en revenir au parfum, dans le passé, alors que mes connaissances étaient bien moindres, je portais plus naturellement des orientaux qui décoiffent plutôt que des parfums plus discrets. Mais, comme même à Paris parfois il fait chaud, voire très chaud (comme en ce moment par exemple), il me fallait des choses plus "fraîches". Et, influencé moi aussi par les nouveautés, il m’est arrivé d’alterner Egoïste avec sa version Platinum, ce qu’on nommerait aujourd’hui un "parfum de la honte" avec humour parfois ici. Mais, quand je les portais, malgré mes très maigres connaissances, je pressentais bien que Platinum, Drakkar Noir et CK One avaient bien moins de personnalité qu’Egoïste, Pi, Opium pour Homme ou CK Be. Je portais les premiers qui étaient fonctionnels et qui m’accompagnaient en poursuivant le rituel de la douche. J’étais porté par les seconds, rituels, qui m’accomplissaient. Et, tout cela avant d’en connaître un peu plus. Le sixième sens a plutôt bien fonctionné...

 

- Je pense que l’un des éléments qui fait que certain(e)s ont des réactions de puristes vis-à-vis du parfum réside en deux points :
- L’absence de légitimité que certain(e)s ressentent envers le parfum, immatériel, que l’on ne pourrait pas juger par manque de savoir(s), pensent-ils.
- Le fait d’avoir vécu le changement de paradigme concernant le parfum, objet passant d’un statut surtout artistique à un autre majoritairement commercial.

 

- Beaucoup de gens croient ne pas avoir de connaissances en termes de parfums, objets immatériels, qui ne possèdent que très peu de champ lexical propre, qui réside et existe au travers d’un ensemble de termes et de notions partagées après avoir suffisamment longuement échangé. De ce fait, certain(e)s "prennent pour argent comptant" ce qui leur est dit. Ainsi, nombre de patchoufruits dégoulinants sont décrits comme des "floraux sensuels". Or, à mon pauvre nez, pas de fleurs dedans. Je raconte l’anecdote suivante que j’ai déjà relatée afin de donner un exemple révèlateur, je crois, de l’environnement un peu "castrateur" qui brime l’expression et dans lequel on évolue dès lors qu’il s’agit de parfum.
Une dame teste un floral fruité gavé de jasmin et détecte de la banane. La conseillère-vendeuse nociphorarionnaud lui dit que "Non, Madame, il n’y en a pas..." Mais, il se trouve que le jasmin peut avoir des inflexions de... banane justement. Tant pis pour la pyramide olfactive officielle qui ne l’indique pas. Ou, plutôt, dommage pour cette dame qui sera repartie en ayant l’impression d’être une gourde qui ne sait pas sentir, "qui n’a pas de nez", comme on l’entend trop souvent.
Alors, si soi-même on n’a pas les connaissances, il faut bien se fier à ce qui nous est raconté, et, alors : "Nouveauté" (à gros budget de com’) = "Bon parfum !"
Or, ici et dans d’autres lieux et espaces d’échanges, on décortique, détricote certaines informations, quitte à être taxé(e)s de pratiques dyptéro-sodomites. ^^ Mais, c’est qu’on ne veut pas se laisser bercer par les discours lénifiants. D’où, certains énervements et emballements parfois, qui peuvent alors se lire dans les commentaires.

 

- Un autre élément qui me semble expliquer cette volonté un peu absolutiste du "beau" parfum est pour beaucoup d’entre-nous d’avoir vécu le changement de paradigme de parfums presque tous beaux à un ensemble de parfums bien plus mitigé... Comme me le dirait quelqu’un qui nous lit souvent ici [Deuxième clin d’œil...], jusqu’à la fin des années 70, tous les parfums étaient beaux. Puis, il y eu Opium et Poison qui, si rétrospectivement, ils sont considérés comme beaux, ont impliqué lors de leurs lancements respectifs des investissements en budgets de communication jamais vus jusque-là pour signer les succès marquants et écrasants que l’on connaît. Après eux, dans les années 80, les parfums, déjà, se font plus répétitifs, moins bons et qualitatifs que les modèles originaux qu’ils copient. Cela s’accentuera encore dans les années 90 et encore davantage par la suite. Je grossis le trait de manière voulue, mais, voilà pour l’idée. Il y a(ura), fort heureusement, toujours des parfums qualitatifs, mais, ils se trouvent noyés dans les marées de lancements toujours plus hautes et fortes.
Or, nous sommes, pour beaucoup d’entre-nous, des personnes ayant vécu dans les années 80 ou 90, nous avons connu les "beaux restes" des années précédentes dans un marché qui était moins saturé que l’actuel. Et, nous avons, donc, vécu la "dégradation" de l’offre moyenne. Nous avons connu cet "âge d’or" de la production en parfumerie, lorsque les parfumeurs décidaient de ce qu’ils proposaient, sans qu’on leur impose une tendance. Il ne s’agit pas pour moi de critiquer ici l’évolution vers un marché de la demande (ce n’est pas forcément l’endroit idéal pour cela, bien que débattre à ce propos pourrait être intéressant), mais de constater qu’il y a bien eu une évolution irrévocable et très sensible des propositions en termes de parfums qui est indéniable en passant d’un marché où les parfumeurs proposaient leurs idées à un marché où on demande aux gens ce qu’ils souhaitent. Demandez à un enfant ce qu’il veut manger et il vous répondra irrémédiablement "Des frites !". Soit, les adultes ne sont pas des enfants, ils savent évaluer et pondérer leurs comportements. Mais, tout de même... Voici encore un petit exemple : Dans le même genre d’idées, si dans les discours déclaratifs, tout le monde déclare adorer France 5 et Arte, la plupart regardent surtout TF1 dans les faits. Bref.
Il est possible que cela (avoir connu une période de sorties moins nombreuses et plus qualitatives en ratio) explique la volonté de certains de tenter de refuser tant qu’il est possible l’évolution d’une certaine forme de parfumerie. En termes de musique, de littérature ou de cinéma, l’évolution, pour beaucoup, avait déjà eu lieu. Nous n’avons pas connu de période pauvre en quantité et forte en qualité dans ces domaines. Alors qu’en termes de parfums, tel est bien le cas, la comparaison est possible, beaucoup ont vécu et vivent la mutation du modèle économico-créatif.
Le parfum était, alors, une sorte de domaine préservé, îlot paradisiaque, dans lequel seules des sorties intéressantes avaient lieu. Dès lors, il est compréhensible de constater que certain(e)s montrent des difficultés à s’adapter (/ "freinent des deux fers" en somme) aux nouvelles contingences où les parfums, s’ils sont de plus en plus nombreux, ne le sont pas à être meilleurs. Ou le parfum n’est plus cet objet sacré que l’on révère, mais, un simple objet de consommation courante de plus, qui doit juste "sentir bon" à défaut de "sentir beau", que l’on teste à tout va, choisit rapidement pour se lasser aussi vite, que l’on switche et zappe comme on le ferait de n’importe quel morceau de musique ou article dans un magazine people. La désacralisation de ce qui était fiable, valide et pérenne, fait un peu mal en somme pour certain(e)s.

 

- Un autre élément qui peut se révéler intéressant est celui de l’usage de clichés.
En cours, lorsque j’ai été amené à étudier les stéréotypes, un élément qui en ressortait est que, si les stéréotypes sociaux posent un problème car en généralisant abusivement on tire des conclusions parfois erronées à propos de certains individus en particulier, toutefois, pour le plus grand nombre, la règle générale s’applique.
Si tel n’était pas le cas, que faire des études marketing ? A partir de généralités, on prend des décisions qui impliquent le plus grand nombre, tant pis, malheureusement, si cela ne fonctionne pas toujours. On décide de gabarits de sièges et d’espaces dans les transports en commun : encore faut-il, pour pleinement en profiter, ne pas être trop petit ou trop grand, ni trop large. On réalise des études pour des médicaments : souhaitons qu’ils nous soient efficaces si nous devions les utiliser. On décide de telle ou telle campagne de communication avec un axe donné précis pour atteindre certaines cibles. Dans ce cas, fort heureusement, parfois on fait "Plouf !" et tombe à côté. On peut ne pas plaire au public visé. Mais, on peut aussi plaire à un autre public.
Heureusement, certains "kékés" et "wesh" portent Terre parfois. Et, il arrive de sentir un cadre sup’ doré au "lingot". Mais, globalement, en moyenne, reconnaissons que l’on a davantage de chances de sentir le souffle irradiant des bois ambrés qui piquent le nez et disent "Je suis là !" quand un jeune homme portant casquette Gucci, sac en bandoulière Vuitton et ceinture Prada (l’ordre et la répartition de ce trio gagnant est totalement aléatoire et transposable dans un autres ordre ^^) pénètre dans un wagon de métro plutôt que les effluves de Terre qui, eux, doivent être les plus présents entre 8 et 10h à la station Grande Arche - La Défense. Le stéréotype, parfois voire souvent, dans la globalité, vise juste. Avec Invictus, c’est bien le champion des lycées qui est visé comme un tir au but ou un panier au basket.
Par ailleurs, on peut s’interroger sur une certaine vision de la société qui est observable dans le cas de Nabila. Il y a celles et ceux qui se moquent plus ou moins gentiment d’elle, et celles et ceux qui l’admirent et à qui elle sert de modèle de réussite (sociale). Il est probable que chez Paco Rabanne, on lie humour et efficacité : on vise les seconds avec leurs parfums, tout en se targuant d’avoir un autre niveau de lecture, plus "intelligent". Les propos rapportés par Mado à cet égard sont édifiants : "Le jus, on s’en cogne ! De toutes façons, il faut l’avoir ; et pis, c’est tout..."
Je ne vois que trois possibilités :
- On perçoit ces clichés et on ne veut pas être associé de quelque façon que ce soit à cela. Dans ce cas, les parfums Paco Rabanne par leur manque certain d’élégance ne devraient pas plaire. Beaucoup seront concernés ici.
- On perçoit ces clichés mais on s’en moque. Voire, même, on pourra se targuer d’avoir une belle capacité de mise en abyme si l’on choisit un parfum de ce type. Alors, substituts de micros, lingots et autres trophées/urnes funéraires ont toutes leurs chances. Mais, combien doivent être dans ce cas ? Assez peu j’imagine.
- On ne perçoit pas ces clichés, le second degré reste insensible. Alors, le message pénètre bien, le parfum est attrayant. Il est possible, pour peu que cela "sente bon", d’acheter un Paco. Combien sont dans ce cas ? Beaucoup j’imagine.
Du marketing en somme. Que l’on ne peut nier. Paco Rabanne, comme l’a écrit Jicky, a totalement réussi son coup.
Je pense même que la forme du flacon et son lot de controverses renforcera encore l’esprit d’adhésion de certains par esprit de contradiction : "Trop bien d’avoir un flacon que tout le monde critique"...

 

Voici, donc, quelques idées qui me sont venues en vous lisant.
Merci encore pour vos échanges.
A tout de suite pour l’épisode 2, la critique olfactive d’Invictus. #sagadel’été
Opium

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