Auparfum

Parfums masculins : changement d’axe

6 octobre 2013, 04:30, par Newyorker

Tubéreuse,
L’agressivité avec laquelle vous avez tenté de faire passer vos deux premiers messages ne vous honore pas et vous dessert, c’est vraiment dommage. Les critiques et analyses d’Opium sont l’œuvre d’une personne parfaitement rodée, qui connait la parfumerie, son histoire, ses rouages, ses ressorts et ses enjeux sur le bout des mouillettes. Alors oui, les merdes marchent, faut il être fataliste pour autant ? Je ne le pense pas, bien des choses sont encore possibles. Mais comme Patrice l’a souligné précédemment, les "torts" sont partagés et les origines du problème sont multiples.
Nous tentons tous, rédacteurs et internautes, avec nos petits moyens, et à notre échelle de défendre le beau parfum, et d’expliquer pourquoi les choses ne vont pas, de manière constructive et en proposant des solutions justement, en aiguillant les consommateurs. Nous dénonçons les supercheries, informons des reformulations pour éviter les pièges et les déceptions. En France, on éduque au goût, alors ça oui, ça y va, les livres de cuisine occupent la moitié des rayons de la Fnac, mais on n’apprend pas à sentir, ce sens est aujourd’hui malheureusement trop délaissé, comme mis en veilleuse, alors qu’il est porteur d’émotions immenses. Les plaisirs gustatifs et olfactives se confondent de plus en plus, le sujet a déjà été largement évoqué sur ce site. Combien de personnes connaissent l’odeur du jasmin ? De la tubéreuse ? Du bois de santal ? Du vetiver ? En tout cas la médiocre parfumerie grand public a engendré le développement purulent des marques alternatives, qui ont bien entendu flairer le filon. Et alors ? On doit à Serge Lutens et Frederic Malle certaines des plus belles créations des vingt dernières années. Concernant les piètres reformulations, les consommateurs les plus avertis ne s’y trompent pas et se tournent depuis une dizaine d’année vers le marché fleurissant du vintage, sur ebay notamment. Pourquoi payer 100 euros un parfum qui sent comme votre gel douche, quand vous pouvez vous payer pour moins cher un Diorissimo en extrait des années 70 ? Evidemment ça n’ a pas plu à LVMH qui a interdit la vente de ses produits en 2009 sur ebay.fr
Les grands groupes ont ruiné et saccagé l’héritage des plus grandes maisons de parfum françaises à force de reformulations effrénées, de sorties compulsives, de rentabilité à court terme, de baisse des coûts. Un nivellement par le bas qui s’est radicalisé ces quinze dernières années. On a détourné le propos du parfum et délaissé ses qualités intrinsèques au profit d’une publicité putassière, misant tout sur la sensualité, la sexualité, la gourmandise et le jeunisme. Ces marques ont délaissé leurs plus beaux chefs d’œuvre jugés vieillissants, qui, sans publicité, se meurent. Mais certaines maisons croient encore en leurs classiques, comme Chanel ou Guerlain. Et les ventes de Shalimar ou du N° demeurent fleurissantes. De belles créations comme Terre d’Hermès ou Dior Homme ont aussi réussi à s’imposer et seront les classiques de demain.
Les parfumeurs eux mêmes ont leurs torts. Alors oui, on le sait, ils doivent répondre aux commandes, ils n’ont pas le choix etc. Mais au delà de ça, certains d’entre eux sont peu sensibles à la question des reformulations ou, au mieux, prennent ça pour un défi à relever, ils ne défendent même pas leur profession. Ils sont peu nombreux aussi à être montés au créneau lorsque les différents amendements IFRA sont passés ! Alors oui, vous pouvez critiquer les commentaires écrits en "deux temps trois mouvements" et nous pouvons légitimement critiquer les parfums infâmes, de piètre qualité, qui détruisent la belle parfumerie et qui nécessitent apparemment des mois, que dis-je, des années de développement. Non, Invictus n’est pas seulement un "parfum peu original", il est le reflet de tout ce qui ne va pas en parfumerie masculine depuis plusieurs années, comme l’a admirablement bien analysé Jeanne. Je connais des apprentis parfumeurs qui en une semaine sont capables de créer de très belles choses et qui possèdent une vraie vision esthétique et artistique. J’ai hâte que ces personnes de talent arrivent à percer le petit cercle fermé très "dynastie" des parfumeurs, en espérant qu’elles ne se feront pas broyer et qu’elles puissent s’épanouir. J’ai entendu certains parfumeurs qui, pour parler de la grande parfumerie classique (que je défends plus que tout), utilisaient les termes de "vieille parfumerie avec laquelle il faut rompre". Certains ne connaissent même pas les grands classiques dans leur version originale, c’est sûr que ça ne fera pas avancer les choses. Je me pose aussi beaucoup de questions quant à la formation des futurs créateurs. Que leur apprend on vraiment ? Que cherche t-on à leur inculquer ? Comment développe t-on leur culture et leur créativité ? De mon côté, je continuerai à rêver grâce aux plus grandes créations de la parfumerie, anciennes ou contemporaines. Il se fait tard, je vais me coucher, en portant quelques gouttes d’Après l’Ondée en extrait, que les règlementations européennes ont tué.

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