Auparfum

Parfums masculins : changement d’axe

6 octobre 2013, 20:19, par Opium

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Clonage
Ce qui est le plus gênant pour certains amateurs du parfum, un peu idéalistes et utopistes probablement, ce n’est pas tant qu’un certain discours soit illusoire. Ni la seule répétition de schémas existants. Dès les débuts de l’histoire de la parfumerie moderne ces travers ont existé. Répétition, ok, mais jusque dans une certaine mesure, tout est question de proportions. Pas une répétition à l’envi du même schéma à des niveaux qui étranglent toutes les autres formes de propositions et qui ne permettent pas de sortir du trop envahissant duo "Monsieur DHMol Bois-qui-piquent" et "Madame Fruitchouli Caramel" (clin d’œil à Thierry), stars qui surfocalisent l’attention (et représentent quoi, 80-95% des sorties actuelles ?), vampirisent le marché, et ne laissent, aux quelques rares exceptions près des marques citées entre parenthèses juste avant, aucune chance de survie à d’autres propositions. Le cercle infernal semble ne jamais s’arrêter : toujours plus cheap, toujours plus pauvre, toujours plus sucré...

 

Création VS Automatisation et Industrialisation
Voici, donc, le business.
Enfin, j’ose, comme quelques autres intevenants, espérer qu’il ne s’agit pas tout à fait que de business, sinon, à répéter toujours les mêmes schémas répondant aux grilles des tests consommateurs et briefs, les machines pourront remplacer les parfumeurs et il s’agirait là de la disparition du métier de parfumeur. En effet, pourquoi demander à des femmes et hommes qui coûtent le prix de leur main d’œuvre en rémunération de leur intelligence et créativité pour une tâche qui pourrait être automatisée ? Je ne vois pas pourquoi la parfumerie resterait un îlot paradisiaque privilégié dans lequel on rémunèrerait des personnes pour des tâches automatisables. Car, si l’on reste très cynique et très sombre, pourquoi payer des femmes et des hommes pour réaliser des parfums qui ne font que remplir des cahiers des charges répondant aux tests consommateurs et aux briefs (et pour lesquels très peu de créativité est nécessaire) ? Il suffit de créer des logiciels qui industrialisent la production passant de la feuille pré-remplie à la mise en flacon. On a fait bien plus complexe dans l’industrie de la banque-assurance par le passé. Réaliser ce type de logiciel(s) ne prendrait pas plus de quelques années. Il suffirait de conserver des techniciens-évaluateurs qui vérifient que ce qui est produit par la machine correspond bien à ce qui a été saisi. Point. Une grille avec des centaines ou des milliers de cases. Des schémas pré-saisis de l’existant. Un logiciel d’analyse et de traitement. Une vérification humaine pour validation. Et voilà du parfum presque totalement industrialisé et déshumanisé.
Oui, mais, dans les magazines, avoir quelques mots de personnes humaines parfumeurs apporte du rêve... Tatata... On fera parler les "purs techniciens", ils n’auront qu’à broder et story-teller. On aura qu’à enjoliver la réalité comme on le fait déjà pour ce qui sort actuellement. On n’en sera pas à une approximation ou un mensonge près.
J’espère que la vision noire que vous avez n’est pas la seule voie, sinon, si le parfum médiocre a de grands jours devant lui, cela pourra se faire sans hommes.
J’extrapole et exagère peut-être un peu. Mais, pas tant que cela. S’il s’agit juste, pour faire des parfums, de faire des mesures et de produire un objet qui réponde à ces seules mesures (le "business"), alors, ouste ! les cerveaux et les mains inutiles, il n’y a aucun besoin de la valeur ajoutée qu’est l’intervention humaine, bienvenue en "1984", les machines pourront faire au moins aussi bien que les hommes, par définition "faillibles". Et, elles, au moins, n’ont pas d’états d’âme... Dans d’autres domaines, on a crû que l’automatisation mécanique ne fonctionnerait pas. Puis, les hommes se sont faits moins nombreux sur ces tâches. Bon, j’arrête là avec cette vision catastrophiste, sinon, je risque de flinguer la fin de week-end de certain(e)s. Mais, à provoc’, provoc’ et demie. ^^

 

Grand Public, Niche et Indés
Au manque de perspectives intéressantes, depuis plus d’une vingtaine d’années s’est donc développée la parfumerie dite "de niche". Mais, le filon devenant bon et gros, cette dernière a commencé à être gagnée par les mêmes travers que la parfumerie dite "de masse" ou "grand public" (terme que je préfère car moins péjoratif). Et, la seule réponse au trop plein semble être pour chaque marque d’en faire trop également afin de tenter d’exister dans la surabondance médiatique actuelle. Et, on aboutit au paradoxe suivant dont on a déjà, comme l’ont dit mes camarades, discuté, ici et ailleurs, des centaines ou milliers de fois, mais, rappelons-le encore une énième fois (et pas la dernière !) : tout le monde se plaint de la surabondance de lancements, mais y participe allègrement au rythme de deux, trois ou dix ou même quinze lancements par an. Ne pas avoir sorti un parfum la semaine dernière reviendrait presque à ne pas avoir d’actualité... ni d’intérêt (médiatique). Or, si chacune des centaines de marques existantes, en plus de celles qui pullulent et apparaissent toutes les semaines (Quand même pas tous les jours ? ! Ohmagad ! !!), continue à faire autant de lancements, d’ici dix ou vingt ans, sauf à commencer à exporter les parfums sur Mars, Vénus, Saturne et Pluton, il y aura davantage de parfums que de personnes pour les acheter et les porter ! ^^
Il me semble nécessaire, aujourd’hui, de distinguer, non deux grands niveaux, mais plutôt une parfumerie à 3 niveaux : Parfumerie Grand Public (de Masse) - Niche - Indés.
Dans chacun des catégories, de bonnes et moins bonnes choses peuvent exister. Disons qu’il s’agit plutôt d’une distinction, non en termes de qualité, mais plutôt en termes de quantité. La catégorie "Niche" devant être distinguée en deux options : une version où les moyens économiques et industriels deviennent importants, qui se dotent d’équipes marketing importantes (ce qui ne devait pas être le cas originellement) etc... (Diptyque, Annick Goutal, L’Artisan Parfumeur, Serge Lutens, Penhaligon’s et beaucoup d’autres...) ; les "Indés", qui restent indépendants, produisent de plus petits volumes, ne s’industrialisent pas trop, ont des équipes plus petites, pas forcément de boutiques, et une sincérité un peu plus apparente.
Mais, encore une fois, pas de généralités, il y a un peu de tout dans chaque catégorie, juste pas dans les mêmes proportions. Hermès, Bottega Veneta, Prada et quelques autres évitent les écueils ultra-fonctionnels en parfumerie grand public et proposent des choses plus intéressantes que nombre d’autres marques censément plus qualitatives en termes de créativité. Et, dans les deux autres catégories, il y a de tout : des productions presque industrielles qui font plaisir, et des bidouilleurs touilleurs avec plus ou moins de talent. Mais, je reviendrais sur un exemple très rapidement, à la fin de ce message.
Même si différentes réponses existent, si je souhaite que la parfumerie grand public ne vire pas totalement absente de toutes qualités, ce n’est pas tant pour moi, mais pour les autres, afin de permettre à la pluralité en termes de qualité d’exister, et pas uniquement en termes de quantité et ce, pour le plus grand nombre, afin que chacun(e) puisse faire le choix ou pas d’adhérer à certaines propositions. Moi, je me débrouillerai, c’est bon. Si je veux certains parfums de plus ou moins grande qualité, j’ai suffisamment de connaissances pour pouvoir être joliment parfumé. Mais, la part de moi idéaliste enrage à l’idée qu’au fin fond de la province on ne présente plus que des gels douche, yaourts, bonbecs et déos présomptueusement nommés en plus sous le terme pompeux de "parfums". Les gens sentiront "bon" (et encore que...), soit, mais pourront-ils sentir "beau" ? Or, l’accès au beau me semble quelque chose d’utile. Même si l’on sait qu’il n’y a que certaines franges de la population, plutôt élevées culturellement, qui vont au cinéma, aux expositions, au théâtre et aux concerts. Mais, parfois, malgré tout, peut-être certains peuvent-ils sortir des cases dans lesquels ils sont censés se trouver.
Le cas de la niche et ses travers avait été abordé dans mon texte initial, puis un exemple précis a été donné dans mon premier commentaire de réponse afin, justement, de démontrer, au travers de l’exemple précis d’une marque, que l’on pouvait au sein d’une même marque, trouver le moins intéressant - afin d’assurer du chiffre d’affaires et, par là, la survie financière de la structure - aux côtés des choses les plus intrigantes qui assoient la respectabilité et expriment réellement le talent de tel ou tel parfumeur - créateur (artiste ?).
Il y a de tout, mais pas dans les mêmes proportions partout.
Si la parfumerie, en se généralisant, le fait avec une baisse radicale de sa qualité, élément dont vous convenez également Tubéreuse (nous sommes donc bien d’accord sur ce point ! ^^), heureusement, parfois quelques éclaircies permettent de nous faire nous dire que consacrer une part si importane de notre vie au parfum n’est pas une mauvaise erreur. ;-)
Il faut juste espérer que les éclaircies continuent à exister, que la nuit éternelle ne s’impose pas. Et, pour cela, parler, écrire, échanger, démontrer, partager ce qui semble utile, encore et encore, pour que certains autres regards se portent, aux-aussi, là où la lumière permet d’entrapercevoir des choses plus jolies.

 

Voilà mon retour.
En espérant que cela vous éclaire un tout petit peu...
L’échange est fort intéressant.
Comme le disait Juliette/PoivreBleu : Bienvenue encore ici, dans cet espace de liberté, de réflexion, de drôlerie parfois aussi, qu’est auparfum. Cela peut être une vraie bouffe d’oxygène.
Et, comme le précisait Jicky, on adore les tubéreuses sur auparfum : et, moi, j’adore (toutes) les tubéreuses. #b*tchpowa
Bon début de soirée.
Opium

 

PS : Je suis "navré" si je n’ai mis "que" deux ou trois ou quatre heures pour rédiger ce message... ;-)

 

NB : Merci Barmassa, AdRem, Louve, Vol de Nuit, Patrice, Newyorker, Juliette/PoivreBleu et Jicky pour votre soutien, vos mots et vos interventions. Ca fait plaisir. ;-)))

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