Auparfum

Parfums masculins : changement d’axe

6 octobre 2013, 20:07, par Opium

[Je repars à partir d’ici car mon message est long, il vaut mieux prendre de l’espace en largeur...]

 

Bonsoir Tubéreuse.
Je vais tenter de rebondir à propos de vos interventions, mais aussi de celles des autres intervenants, que je remercie profondément pour leur à propos. Je vais tâcher de ne pas trop faire doublon et de suivre les fils, fort intéressants, des idées développées précédemment.

 

Préambule
Tubéreuse, merci, tout d’abord, d’avoir bien voulu répondre aux commentaires qui ont suivi votre première intervention. Celle-ci a pu paraître maladroite, c’est que sur auparfum nous tentons d’échanger, même lorsque les débats sont vifs et animés, en respectant certaines règles de cordialité et courtoisie, que ce soit lors du premier commentaire ou par la suite, qui pourraient avoir l’air un peu has been et nous faire passer pour avoir des us et habitudes désuets. Mais, je crois que cela participe à une certaine qualité des échanges que nous souhaitons voir se poursuivre sur auparfum. Et, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer avec les échanges modernes : Non, la politesse n’est pas dépassée. C’est juste le révélateur d’une certaine éducation et vie en communauté, qu’elle soit réelle ou virtuelle. Et, avec la politesse, on ne transige pas. Point.
Parmi ces règles un peu surannées peut-être, il en est une instaurée par Jeanne et à laquelle elle tient tout particulièrement qui consiste, tant que faire ce peut, à ne jamais critiquer les parfumeurs, dont on sait trop bien qu’ils sont soumis à de bien trop nombreuses contraintes qui rendent leur tâche ardue, voulant ménager la chèvre et le chou, le "business" et la dimension créative. Pas d’attaques personnelles, si les propos peuvent être virulents, qu’ils ne soient pas gratuits. Seul le travail des parfumeurs peut être "critiqué" ou, plutôt, analysé. Je préfère, de loin, ce terme. Même si nos mots, articles et commentaires peuvent être virulents, nous tenons à un respect profond du beau mais difficile métier de parfumeur. Le résultat final seul est analysé. D’ailleurs, sur auparfum, nous préférons analyser plutôt que critiquer. Poser des problèmes, tenter des raisonnements, rencontrer des impasses et des écueils, voilà ce qu’il nous arrive de faire ici.

 

Analyse
Je ne constate pas de critique sur le fond ni sur la forme de mon premier commentaire, cela me rassure un peu, même si "seules quelques" minutes ou heures ont été nécessaires.. ^^
Bah, en fait, c’est que cela a été un peu long, mais, pas seulement car mes messages, commentaires et articles ont tendance à être "un peu" longs ; mais aussi car j’ai tendance à avoir deux mains gauches et que je suis long à taper mes messages ! Effectivement, comparé au temps consacré à la réalisation d’un parfum, cela reste bien mince.
Écrire a été bien plus rapide que composer un parfum il est vrai. Mais, ce qui a été acquis pour permettre de tenter d’avoir un regard qui soit pertinent et applicable dans un texte comme celui dont il est question ici a nécessité "quelques" longues discussions, des années d’intérêt et de lectures acharnées du net surtout (à qui je dois beaucoup au travers des blogs et de ce site surtout entre autres) de nombreuses rencontres passionnantes et encore quelques tergiversations de moi avec... euh, moi-même ! ^^
En fait, en réalité, là n’est pas le problème : savoir combien de temps a été nécessaire n’a que peu à voir avec la pertinence de l’argumentation ou sa justesse. On peut écrire un essai, composer un morceau, tenter de composer un parfum et s’en sortir honorablement avec un temps et un nombre d’essais limités, et passer des mois ou des années à faire la même chose ou écrire une thèse ou un livre et, malheureusement, se planter après un labeur long et difficile. D’ailleurs, pour en revenir au domaine du parfum, si Angel, ce monstre grandiose d’innovation, a été réalisé avec un nombre d’essais importants mais méritoires, LVEB avec un nombre d’essais supérieur me laisse toujours songeur... De même, vous le dîtes et nous le savons, s’il vaut mieux avoir à sa disposition de belles matières (Iris Silver Mist, Carnal Flower et Une Fleur de Cassie n’existeraient pas sans leurs absolus naturels qui coûtent le PIB d’un petit pays d’Afrique centrale), sans talent ceux-ci ne servent à rien. On peut faire des parfums médiocres avec des produits superbes, et réussir des chefs d’œuvre avec peu de moyens. Même s’il est lassant de toujours relier l’olfaction au goût, ici, une image issue du domaine culinaire peut être intéressante : on sait que certain(e)s savent accomoder des choses simples de manière merveilleuse alors que d’autres se lancent dans des préparations élaborées dont le résultat se révèle souvent incertain. Je préfèrerai toujours un parfum vendu à un prix décent mais "qui sent cher" avec des moyens réduits agencés ingénieusement à l’inverse, un truc dont on nous bassine la qualité des matériaux "et patati et patatras !" alors que le rendu est juste "bof !".
Un élément de stratégie en période de guerre veut que l’on reconnaisse l’importance de l’impact de la cible visée à la réaction de la partie en face. Si elle réagit fortement, c’est qu’elle a été fortement touchée. A la lecture de nos échanges, j’ai bien l’impression que ces quelques réflexions à partir du texte de Jeanne ont visé plutôt juste. Alors, si on considère que j’ai rédigé plutôt vite, on pourrait appliquer ce principe : "Frapper vite, mais frapper juste !" ;-)

 

La Critique et L’Analyse
Le parfum, c’est du business. Jicky et Patrice avec Newyorker et PoivreBleu ont abordé cet aspect. Et bien, tant mieux ! La qualité très variable de ce business (pour rester pondéré et poli) sera ce qui nourrira encore un moment la critique des blogs ; le poison engendre son anti-poison. La médiocrité actuelle d’une certaine parfumerie - comparée à une autre plus ingénieuse, sincère, pas destinée aux mêmes publics - permettra de fournir des motifs de discussions. Super ! #cynique
Si tous les parfums étaient au moins bons voire excellents, on en discuterait un peu puis, lassés de répéter encore et toujours à quel point tout est beau, on devrait passer à autre chose. La qualité variable d’un objet incite au débat, aux échanges, aux argumentations et contre-argumentations. Finalement, ce sont certaines désillusions qui nourissent auparfum et les blogs consacrés aux parfums. On pourrait presque remercier le "business" de nous offrir tant d’opportunités de discuter. ;-)
Grâce au "business" et à ses règles, comme dans d’autres domaines comme la musique, des alternatives sont proposées afin de satisfaire celles et ceux qui ne s’y retrouvent pas dans ce "business". Ils ne sont pas nombreux en France encore. Mais, ils sont à peu près 20% à montrer vouloir chercher autre chose en niche en Italie. (A propos de la qualité de ses propositions, nous verrons cela plus tard.)

 

Pop Frags
Il est intéressant que vous preniez l’exemple de la musique. J’y ai pas mal pensé justement en préparant la rédaction de ce commentaire. Et, je me disais que la parfumerie était en train de connaître, finalement, une mutation équivalente à celle de la musique il y a plus de cinquante ans : une musique plus accessible, mieux distribuée, avec de nouveaux vecteurs incitant à de nouveau rythmes. L’émergence de la Pop Music il y a plusieurs décennies. Une musique qualifiée non par ses qualités, mais par le public visé, le plus grand / général possible, un public de masse, un public populaire. Ce segment n’étant plus distingué par un style de rythmes ou intruments particuliers, la qualité y est très variable, de l’excellent à l’épouvantable. Ce que l’on trouve aujourd’hui en parfumerie s’apparenterait ainsi à des "Pop Frags" à la qualité variable. Dans le même segment se trouvent différents créneaux, Madonna côtoie The XX ; MGMT, Niki Minaj ; Céline Dion, Jordi, René La Taupe (clin d’œil à Youggo ^^). Et, si Madonna c’est moins pointu que The XX ou MGMT, ce n’est pas Nicki Minaj non plus... ^^ Gangnam Style de Psy fait près de 2 milliards de vues sur YouTube, mieux que Mozart, Bach ou Beethoven et n’importe quelles Pop Stars. René La Taupe, Jordy ont été au Top des ventes de singles et Cinquante Nuances de Grey est le livre le plus vendu depuis des mois et Marc Levy est l’un des auteurs qui truste également périodiquement les meilleurs ventes de livres. Mais, à côté de ceux-ci, d’autres parviennent à se creuser un tunnel. Le pire et le meilleur, avec entre les deux une multitude infinie de strates. Eh, oui, en littérature il en va aussi ainsi, de la même façon que dans bien d’autres domaines. Ceux qui vendent le plus sont ceux qui buzzent le plus, qui font parler d’eux, et qui sont accessibles littérairement, sont accrocheurs, et apprennent à faire de la promotion ; à l’image d’une Nabil(l)a idolâtrée ou honnie (et tellement creuse qu’on ne semble même pas d’accord sur le nombre de "l" nécessaires pour écrire son prénom, mais, le sait-elle elle-même ? ! #mauvaise) mais qui devrait réussir à mettre du beurre dans ses épinards durant au moins les prochains mois (donc, peut-être plus maligne qu’il y paraît...).
Un problème selon moi subsiste entre tous ces domaines et la parfumerie. C’est que dans ce dernier cas seulement on vérifie en amont la validité de ce qui va sortir. On ne teste ni les albums de musique, ni les films, pas davantage les livres. On ne demande pas leur avis aux gens, sauf rares cas buzzés par des services marketing, sur ce qu’ils veulent écouter, lire ou voir. Le test, c’est sa sortie. En parfumerie, si, il y a des tests, car le produit est ravalé à un simple objet de consommation interchangeable et périssable à l’envi qui doit être efficient. Pourquoi pas : mais, alors, qu’on cesse d’utiliser les termes prétentieux avec lesquels on vante ces produits. "L’originalité", la "sensualité" etc ne se testent pas. Ils s’éprouvent "après coup, avec le temps.", seul juge. Qu’on arrête de nous bassiner avec des termes au mieux prétentieux au pire mensongers pour des produits évalués comme le sont des gels douche ou des boîtes de thon ! Mais, je suppose qu’il faut bien faire travailler les services de pub tant elle est LE déterminant de la réussite possible future de tout produit, quitte à devoir en faire une supercherie. "C’est l’business !"
A ce propos, abordons encore une fois le cas Invictus, mais d’une autre manière, il a bien suffisamment été glosé sur l’urne funéraire et son contenu déjà ici sur auparfum. Abordons-le comparativement avec Breat Rythm de Burberry et L’Homme Parfum Intense d’Yves Saint Laurent. Pourquoi ces trois produits ? Car ils sont produits tous trois par IFF, en partie par les mêmes parfumeurs et "qu’ils sentent IFF For Men 2013" tous trois. [Patachou™] ^^ En effet, de l’un à l’autre, on reconnaît la même trame de lavande métallisée, de fraîcheur marine visqueuse lactée encore plus métallique, de fruits vagues mais sucrés pour la "funitude" et de bois vrillants en surdose. Seule différence : L’Homme Parfum Intense semble plus sec, plus coumariné et plus fougère 80’s alors que Brit Rythm est le plus "huîtreux" et visqueux et que Invictus est le plus puissant... C’est également, très probablement, celui qui, le seul, va marcher autant. Pourquoi ? Grâce au matraquage publicitaire comparé à Breat Rythm qui affiche moins de moyens et L’Homme Parfum Intense, un flanker moins soutenu. Pourtant, il s’agit vaguement à peu près des mêmes odeurs, connaissant seulement quelques variations, et lancées à quelques mois à peine d’intervalle. La pub, seule, fera la différence entre trois produits sensiblement similaires dans l’esprit et l’idée.
Une question turlupine certains d’entre-nous et apportera peut-être un début de réflexion, Tubéreuse, quant à votre interrogation. à propos de solutions possibles (pour les parfumeurs mais pas que...) : Pourquoi ne pas lancer, quand on en a les moyens (cela n’est valable que pour de "grosses" marques avec une désirabilité forte), un parfum un poil risqué puisque, entre la notoriété d’une marque ultra désirable et la publicité qui sera matraquée, le potentiel de réussite serait énorme. En effet, même si le produit serait plus risqué, se démarquant des répliquants clonés à l’infini, il se démarquerait, probablement pas en obtenant un succès immédiat, mais, qui serait plausible dans un second temps, et plus durablement, car le produit se distinguant, il intriguerait après l’effet de surprise et le rejet initial à la nouveauté. Et, séduirait durablement. En effet, il serait moins possible de se reporter sur un jumeau disponible pour assouvir le besoin récurrent du consommateur de nouveauté puisqu’il y avait vraie novation. Cela assurerait peut-être, après un démarrage plus long, un succès qui perdure mieux. Bien entendu, il y a des mécanismes de blocage à la nouveauté, ceux dont justement je parlais dans mon premier commentaire. Les gens, pour un certain nombre, veulent s’entendre dire qu’ils sont singuliers et originaux dans leurs choix, mais, veulent l’être en faisant comme tout le monde. H&M et Zara vendent très bien - à des millions de personnes - cette illusion d’être singulier alors que l’on fait comme beaucoup d’autres. Chanel, Dior et Vuitton vendent eux aussi depuis des années de la distinction, mais à prix très élevés aux "rares" privilégiés... qui font la queue dans les grands magasins plus longtemps que n’importe lequel d’entre-nous un samedi après-midi chez Carrefour ou Monoprix. Or, si faire la queue au supermarché ou à La Poste me saoule un peu mais est pour moi compréhensible, cela est beaucoup moins le cas dans le cas du "luxe" : faire la queue pour un sac à 2000 euros posant un problème à mon esprit analytique occidental ! Il y a comme un paradoxe à vouloir du luxe, par définition rare car plus cher, distribué par pelletées entières. Certains marques, donc, ont suffisamment de notoriété pour imposer des queues soviétiques avant d’acquérir leurs produits. Elles pourraient faire avaler n’importe quelles couleuvres, j’en suis certain ! Alors, faire acheter des parfums un tout petit peu plus exigeants, à "seulement" 100 euros (comparativement au prix d’un sac qui, lui, dure longtemps contrairement à un parfum qui se vide au fur et à mesure de son usage), faire choisir son produit, à ses quelques rares marques, ne me semble pas impossible tant leur image est parmi les plus fortes. (Finalement, ce sont des (relativement) "petites" marques qui ne peuvent exister qu’en se distinguant, qui font ces choix osés : Marni, Balenciaga, Narciso Rodriguez, Prada, Lolita Lempicka, Thierry Mugler, Bottega Veneta, quelques autres encore, dont le "petiot" Hermès...). Mais, pour cette stratégie plus long termiste, il faut des moyens, seules des marques à très forte notoriété et possédant des moyens gigantesques peuvent se le permettre. Et, il faudrait "supporter" d’accepter une victoire non-immédiate. Angel a eu le succès que l’on connaît, mais pas immédiatement ; il aura fallu être patient durant deux ou trois ans. Autre époque peut-être... Je cite cet exemple car c’est l’un des derniers exemples d’un produit osé, innovant, qui a su s’imposer... dans le temps... et dans la durée...

 

[La suite, ci-après, juste après la page de publicité...]

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