Auparfum

La vie est belle

21 septembre 2012, 18:49, par Opium

[Voici, donc, la deuxième étape de mes réflexions... ^^]
 
Les faits relevés par Doudou, quant à la nouvelle cible plus "mature" identifiée par Julia, sont on ne peut plus justes, je me faisais la même réflexion : "Aahhhh, nooooon, pas les quadras et les quinquas !" Si les mamans sentent ça, aura-t-on, plus tard, plutôt des enfants addicts au sucre, le rejetant, ou cela n’aura-t-il pas d’impact ou un impact variable individuellement ? Personnellement, je trouve parfois nécessaire que certaines expériences ne soient pas menées.
Une amie, dont j’ai déjà parlé ici, qui a plutôt bon goût et affectionne Angel, Aromatics Elixir, Le Baiser du Dragon, Parfum SAcré et non ("SUcré" PoisonFlower ^^) m’a dit avoir apprécié ce parfum, comme d’autres l’ont raconté dans des anecdotes ici déjà, dont Troudujol. Elle a 50 ans, fait attention à sa ligne quand elle peut, etc, est, donc, pile poil dans la cible marketing. Mais, pourquoi, elle, qui a si bon goût habituellement, a-t-elle aimé ce sachet de sucre ? Probablement car elle s’en prive. Mais, aussi, peut-être, par une certaine forme d’originalité dans un genre particulier, déséquilibré, too much, tout en puissance et sans finesse. Sa puissance, sa diffusion font que, senti une fois, LVEB est reconnu immédiatement la fois suivante. Pour le meilleur ou pour le pire. Sa force, idée toute bête (mais il fallait oser) est d’être allé plus loin que tous les autres. Un peu comme ces tours en Asie qui grimpent toujours plus haut pour battre de nouveaux records, même si cela n’a aucune autre forme d’utilité qu’étaler la puissance d’Etats nouvellement riches. 
Bye bye les jus rosés aux fruits rouges. On a supprimé les arômes, c’était encore trop, et gardé seulement le sucre de canne !
La capacité de reconnaissance immédiate de ce parfum en fera sa faiblesse pour celles et ceux qui le haïront et sa force pour les autres. Il a réussi les tests, mais, un truc me dit qu’il va polariser. Ce qui le renforcera. Il y aura les "Pour" et les "Contre". Et zut ! Il est parti pour fonctionner... Le Mal se répand déjà. La saturation glycémique dans les airs sera un indice pire que celui de la pollution atmosphérique.
#Mode"Catastrophiste"ON
 
L’intervention de Midnight Rose se révèle à la fois touchante et parlante. Il s’agit de se réconforter dans ce monde où tout doit toujours être au mieux, au plus mince, au top, dans le cadre, sans lâcher prise. Alors, abuser de sucre devient presque un acte de rébellion après le tout politiquement correct, la cigarette aussi dangereuse qu’un flingue, l’alcool dont on est prié de ne plus consommer plus d’un verre et demi (mais, tout en achetant des bouteilles, pour l’Economie, mais qu’on les vide dans les éviers !), dans une société qui crée des recommandations de bon goût à tout va, mais, pas des interdits, oh, non, on laisse le libre arbitre à chacun de faire les bons choix, ces pressions multiples nécessitant des soupapes permanentes. Ici, en se parfumant, on peut se détendre un peu, sans prendre un gramme sur la balance et avoir à culpabiliser.
Le problème de cette tendance, comme partout ailleurs, c’est lorsqu’elle devient phagocytante et répétée à l’infini. Mais, peut-être certain(e)s se plaignaient-ils/elles dans les salons bourgeois des Années Folles et des Années 30 de l’odeur envahissante des aldéhydes métalliques et savonneux devenus le nouvel étalon du paraître, avec les fourrures imbibées d’un mélange d’hygiène pas exactement comme aujourd’hui, d’odeurs diverses de nourriture et du tabac que les femmes fumaient en signe de liberté nouvellement acquise. Peut-être...
 
En dehors des réflexions intéressantes quant à l’adéquation du produit et de son image, en dehors des motivations qui justifient l’attrait pour tel ou tel parfum, je vais tenter de poursuivre en m’intéressant uniquement à la fragrance.
Je lui reconnais une certaine forme d’originalité, celle de pousser plus loin des notes déjà connues, à tel point que cela interpelle, intéresse... puis, rebute. L’autre cas de ce type était One Million, il y a quatre ans. Au début, je me suis dit : "Intéressant, original, puissant, qui se démarque et se reconnaît vite." Puis, cela a fait place à : "Envahissant, prévisible, étouffant, écœurant, mal fichu, écrase tout." En fait, si le lingot a pour flanker - produit, Lady Million, son équivalent en termes de fragrance est LVEB : Ils partagent les mêmes diffusion radioactive, ténacité "Super Glue 3", évolution monobloc, et envahissement laissant peu de place aux survivant(e)s... ^^
 
 - Un point qui m’a particulièrement interpellé, durant les échanges que j’ai lus, est la part de responsabilité des trois parfumeurs dans la démarche d’élaboration du produit qui relève peu de l’artistique ici, on le sent vite.
Tout comme Jicky, je suis plutôt peiné en imaginant leur tâche plutôt que je n’ai envie de les blâmer.
Afin de permettre de mieux situer le problème, il me semble utile de préciser certains points.
Lors d’une visite chez Firmenich avec d’autres personnes, il nous a été clairement spécifié que si le métier de parfumeur est le pivot central d’une société de composition, c’est celui qui est soumis le plus à la pression et aux frustrations. Ce sont des gens qui passent leurs journées à essuyer des refus, à se voir signifier des échecs. Pour une hypothétique victoire, combien de refus ? Imaginez dans le cas présent que les 5521 essais qui nous font hausser les sourcils d’indignation, et ironiquement nous moquer, représentent 5520 refus, et autres "Non !", "NoOooOOnN ! !", "Toujours pas...", "Pas du tout !", "Tu/Vous ne comprends/comprenez pas..." etc. Que de frustrations !
On peut, d’ailleurs, se demander si ces 5521 essais ne sont pas la démonstration d’une tentative à trois de freiner tant que possible la montée dans le glucose ou, peut-être, juste une incompréhension du cahier des charges... "Aaaah, c’que vous voulez, c’est Flowerbomb, mais, juste la bombe à sucre ? ! ! ! Juste le sucre. Rien d’autre ? ? ! Okayyyy..."
 - A propos du talent "gâché" de trois parfumeurs - compositeurs - écrivains - architectes, qui, renommés, doivent avoir coûté beaucoup d’argent pour le résultat que l’on connaît, il me semble nécessaire de poursuivre certaines précisions. Ce qui suit n’est vrai que pour les marques ne possédant pas de "parfumeur - maison".
Lors de l’envoi d’un brief à une ou, plus souvent, plusieurs sociétés de composition de fragrances - ce, afin de les mettre en concurrence - , durant les six mois à plus de deux ans des diverses propositions qu’elles élaborent et apportent au client, elles ne sont pas rémunérées. Ce n’est pas le temps consacré, le nombre ou le prestige des parfumeurs, le nombre ou la qualité des propositions apportées qui sont rémunéré(e)s. Ce qui est payé, c’est le kilo de concentré de la formule gagnante. Mais, encore faut-il gagner... S’il y a plusieurs concurrents, seul le gagnant de la formule sera payé pour son concentré. D’où, parfois, des propositions aux marques de formules ayant échoué lors de briefs antérieurs : Il s’agit de rendre les mois de travail fournis un peu utiles (financièrement). Donc, à la question intéressante de Loulou Blue, "ça ne coûte pas un bras d’avoir trois parfumeurs ?", la réponse en réalité est, non, jusqu’au lancement du parfum et l’achat par la marque (Lancôme ici) des kilos de concentré qu’elle tentera de vendre ensuite dilué dans de l’alcool dans les jolis flacons des linéaires, ça ne lui coûte rien. Ce ne sont pas les parfumeurs que l’on rémunère directement, mais un kilo d’un mélange conçu par eux, après qu’il ait gagné une compétition ; qu’ils soient deux, cinq ou vingt, peu importe. Les parfumeurs ne se fourvoient pas, ils tentent de survivre ou de vivre. Un très beau parfum adoré par quelques perfumistas, c’est bon pour l’estime de soi, pour la part de talent artistique exigé, pour la démarche de création, pour la satisfaction d’un résultat obtenu. Mais, pas pour le porte-monnaie, ni pour se payer un toit, nourrir ses enfants, etc. Pour cela, il vaut mieux parvenir à gagner une compétition, et plutôt pour un blockbuster comme LVEB. Tant pis pour la démarche artistique, il faut bien vivre ai-je envie de dire.
Les sociétés de composition tentent toutes d’insérer de la créativité. Les tests consommateurs menés par des marques, frileuses au vu des investissements, se chargent de trancher tout ce qui dépasse.
Les parfumeurs proposent, les marques décident (tranchent, suppriment, ôtent et ajoutent...).
 - Enfin, dernier point ici à propos du fait même de voir plusieurs parfumeurs travailler ensemble. Il est probable que cela soit parfois un signe de frilosité des sociétés de composition. Mais, en fait, c’est une démarche naturelle. Elle est simplement beaucoup plus fréquemment mise en avant aujourd’hui, de même que l’est le parfumeur, dans l’ombre par le passé, plus exposé aujourd’hui. Personne n’oserait dire que Le Mâle n’a pas eu un très fort impact en parfumerie au milieu des années 90, qu’on l’apprécie ou non. Si seul Francis Kurkdjian est crédité, tout jeune parfumeur qu’il était, il a été guidé lors de ses créations par des parfumeurs seniors à l’époque dans la société de composition pour laquelle il menait son brief. J’ai choisi cet exemple car le parfumeur était jeune et qu’il a signé un n’est seller, mais, il en va naturellement ainsi, les cas sont très nombreux. On raconte que sur certains briefs importants, bien qu’un, deux ou trois mènent la barque, tous sont amenés à donner leur avis.
La synergie peut être utile. Quand on enchaîne des centaines, voire des milliers de tests, courir en relais ou en équipe permet d’en avoir au moins un(e) qui a la tête hors du guidon. (La métaphore sportive n’avait pas encore été usitée ici ! ^^)
Et puis, il me semble bien qu’ils sont deux parfumeurs à avoir mis au monde un certain parfum, fort beau en son temps, et fort critiqué. Un certain... Mmmmmmhhh... Opium !
 
Voilà pour le gigantesque pavé.
Le sujet est fort inspirant.
En souhaitant qu’il soit intéressant et moins lourd à lire que le parfum n’est à porter... ;-)
A bientôt.
Opium
 
Ps : Merci Jicky de ne pas avoir spoilé toutes nos "impressions"...
#Miiieeeaaaaaoooooowwwuwuu

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