Auparfum

Sahara Noir

Opium

par Opium, le 8 décembre 2013

Bonsoir Ericgmd.
Merci pour votre long et très instructif retour qui soulève plusieurs points.
Tout d’abord, je vous remercie particulièrement à propos de l’une des interprétations possibles à propos de ce qu’est le "Sahara noir", ce marbre prestigieux utilisé en abondance dans la basilique Saint Pierre de Rome. L’évocation invite au religieux (mais, j’y reviendrai un peu plus tard) et au voyage.

 

Vous soulevez une autre problématique, celle liée au type de marché visé. En vous lisant, je me suis fait la réflexion que, de toutes façons, Tom Ford (en tant que créateur) fait comme il lui plaît. Il doit se dire qu’un jour ou l’autre, à force de proposer de jolies choses, par lassitude ou parce que leur goût se sera amélioré, les gens vont bien finir par parvenir à adhérer commercialement à l’une de ses propositions un peu risquée. Après tout, Black Orchid reste LA référence. Pourtant, elle est bien déjantée celle-ci. Pas très WASP. Mais, il est vrai, elle cartonne aux côtés du très maîtrisé limite ennuyeux Neroli Portofino. Un peu de folie pour mesdames, ok, mais du bien cadré bien frais pour ces messieurs. Chez Tom Ford, les femmes sont hystéro-frappadingues pendant que ces messieurs acceptent juste de porter la chemise blanche déboutonnée. Mais, en inondant le marché, il se dit peut-être qu’il aura le goût des clients soit en parvenant à les éduquer soit à l’usure. Si je me permets d’être un peu grossier, je dirais "qu’à force d’en bouffer du gardénia, ils vont bien finir par les aimer les aspects champignon et croûte de fromage de cette fleur" ! Qui ne tente rien n’a rien. Au moins, lui, il ose...

 

La tendance hygiéniste que vous décrivez était, jusque récemment, très propre à la société américaine. On observe, malheureusement, une contamination de la France également.
Mais, pas de moi ! (Ouf !) Si je gagnais un euro à chaque fois que j’entends : "Moi, j’aime les odeurs de propre...", je serais millionnaire ! ^^
En fait, on veut aujourd’hui de la lessive ou des bonbecs. Ça doit bien représenter largement plus de la moitié des demandes de parfums (féminins). Pas très original ni passionnant tout cela.
Dans ce "tout cela" justement, que propose Tom Ford ? Un encens qui sent tout à la fois l’église ET la bête et le passage à l’acte. Voilà, voilà...
Probablement, ce parfum ne trouvera-t-il pas beaucoup d’acheteurs/euses aux Etats-Unis, quand bien même serait-il un peu plus accessible en termes de distribution et diffusion tant il est "difficile" en termes olfactifs.
A propos de la segmentation masculin-féminin, les conseillers et conseillères à la vente de la marque en France font comme sur auparfum, ils ouvrent les possibilités au mieux et ôtent la seule connotation "féminine" pour un accès aux deux genres. Tant mieux. ;-)

 

La clientèle visée par Sahara Noir est, probablement, surtout celle des émirats, en train de mettre un bel uppercut à l’Occident vieillissant. Eh oui, il semble bien que l’Atlantique soit une frontière bien mince entre Europe et Etats-Unis, tous deux en train de se trouver réunis dans un vieillissement qui n’incommodait que la seule "vieille Europe". Le couple occidental se fait maintenant vieux à deux face à un Est (européen), un Orient et à un Sud (pour son hémisphère) qui auraient bien tort de ne pas prendre une certaine revanche après tout. Mais, pas de géopolitique ici. Pour ce qu’il en est des parfums, indéniablement, le Moyen-Orient, avec sa clientèle qui achète ses flacons, non par un ou deux, mais par dix ou vingt, est une clientèle qui séduit de plus en plus. Et, si les choix de cette clientèle manquent parfois un peu de subtilité et délicatesse, je préfère les fumigations cuirées, ambrées, oudées et "encensées" (insensées par leur puissance ?) aux rites hygiénistes du parfum entendu comme seul prolongateur de la douche purifiante, mais à plus de cent euros le flacon. Si on nous avait dit que tout un style plus ancien d’une parfumerie plus "animale" serait sauvé non par la France mais par la volonté de répondre à une demande particulière d’une clientèles qui distingue bien, elle, le parfum comme parure et rite d’habillement du seul rituel hygiéniste de la douche, on ne l’aurait peut-être pas cru. Pourtant, tel semble bien être l’un des dénominateurs marquants aujourd’hui. Tant mieux : longue vie à l’encens plutôt qu’aux muscs blancs propres comme de la lessive. Si je veux de la lessive, je lave mon linge ! Point.
Alors, face à l’hygiénisme qui fait remplir au parfum sa seule fonction dé(s)odori(s)ante, je préfère de bons gros ambrés qui tapent et des encens qui cognent. ^^

 

La proximité avec Bois d’Encens est un élément sur lequel je vais me pencher un peu plus.
Il est vrai que Sahara Noir, avec son odeur d’encens - essence même de la parfumerie - évoque bien une odeur d’église ou de temple. Une odeur du religieux. Par référence à une thématique particulière (ici, le sud désertique cramé sous le cagnard), parce que tout bêtement cette odeur lui plaît, ou par une sorte de transgression païenne de la part de Tom Ford, dont on sait à quel point il aime s’amuser avec les codes ?
L’encens, probablement car il renvoie trop au religieux et, au travers du rite funéraire dont il est un élément essentiel, à la notion de la mort, est une odeur qui dérange et n’est pas très appréciée.

 

A propos d’odeurs qui peuvent ne pas séduire, j’éprouve toujours un certain étonnement que l’on n’apprécie pas certaines odeurs alors que d’autres ne choquent pas. Le vert, l’encens, les facettes métalliques sont autant de notes qui ne plaisent pas. Alors que bonbons cheaps Kréma, yaourts Leader Price, sirops Teisseire, gels douches, shampooings et mousses à raser Lidl, eux, ne posent pas problème : alors qu’ils valent trente fois moins que ce qui est demandé par la parfumerie dite "de luxe" pour sentir pareil.... *est songeur*
Je connais et conçois bien l’appétence pour les odeurs sucrées et le fait que l’on se sente bien dans un environnement confortable quotidien, donc, rassurant. Alors, je comprends bien la facilité que l’on éprouve à enfiler un parfum gourmand ou une fougère moderne qui rappelle tant la salle de bain chérie. Toutefois, si j’entends bien que les notes métalliques, par leur aspect acéré rappelant la dangerosité d’une lame de couteau, puissent déplaire, en revanche, j’ai du mal à comprendre que sentir l’herbe fraîchement coupée puisse ne pas satisfaire alors que ressembler à un gros paquet de deux kilos de crocodiles fluos ne dérange pas !
Comme vous le dîtes très justement, que l’on profite de ce lancement. Rien ne dit qu’il sera encore distribué dans deux ans... Pourvu que la "tendance" (néo-/transgressivo-)spiritualiste actuelle de populations en manque de sens soit un élément qui joue en faveur de cet encens tout sauf si sage même s’il convoque dans les temples de presque toutes les religions à un moment où la société se fait moins croyante mais reste peut-être assez sensible à certaines croyances et au spirituel malgré tout.
Merci pour votre message fort instructif.
A bientôt.
Opium

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