Auparfum

Après l’Ondée

Passacaille

par Passacaille, le 29 mars 2015

Après l’Ondée, Un fumeur de pipe sait qu’il existe plusieurs types de pipes et donc plusieurs plaisirs du tabac (le premier qui ricane devra écrire cent fois le mécanisme de la réaction de réarrangement de Fritsch–Buttenberg–Wiechell !) Parmi ceux-ci un modèle a ma faveur, la pipe de méditation. La fumée vous abstrait du tumulte du monde, vous apaise dans une béatitude alentie, au rythme des bouchées de cette pipe longue, fine et doucement galbée. Vous vivez, le temps de quelques volutes, un fragment de vie solitaire et lucide au milieu du passage quotidien.

L’art pictural produit parfois aussi cet effet, quoique d’un autre ordre car effectif seulement dans une salle de musée. Les tableaux de Chardin ont cette grâce, ceux-là même qui dépeignent un personnage suspendu dans une action banale et livré à la rêverie diurne d’un moment d’absence : l’écureuse, la ratisseuse, le garçon de cave…

Après l’Ondée est un parfum de méditation. Propice à l’introspection, il plonge dans une contemplation intérieure rêveuse, presque mélancolique. Pas de tristesse, simplement – mais quels moyens raffinés pour ce ‘simplement’ – un vague à l’âme délicieux, un moment de suspension, une parenthèse intime.

Cet état je le retrouve en musique, on pourra appeler Schubert, die Winterreise chanté par Matthias Goerne, ou la polyphonie de la renaissance avec Usquequo Piger Dormies, motet de Pierre de Manchicourt chanté par l’Ensemble Huelgas (pour ceux qui suivent pas dans le fond, des chefs-d’œuvre absolus) ou Mozart ou… ou…
Mais non, la musique la plus en phase avec la grâce introspective d’Après l’Ondée nous vient d’Amérique, d’un groupe nommé Lambchop et d’un album superlatif, Is a Woman. Et au cœur du sublime, une chanson abyssale, la septième, Caterpillar.
En l’écoutant je suis au bord des larmes ; au bord, pas en larmes.

Alors quel abime s’ouvre, sans chute pourtant, en sentant Après l’Ondée, en écoutant cette balade ? Mélancolie de quoi ?

La madeleine de Proust, les pavés inégaux, la serviette empesée… sont dans la Recherche des passages souterrains dans le temps, des sensations qui court-circuitent le cours chronologique du monde pour revivre un instant du passé avec l’immédiateté du présent. Ce n’est pas cela ici, ce n’est pas un fragment de mémoire qui resurgit, aucun souvenir ne remonte à la surface, non, c’est une résurrection d’un passé dont nous n’avons pas la mémoire, de là vient ce flou, ce vague à l’âme sans objet précis. L’enfance, celle qui nous est escamotée par la disparition de la mémoire de nos premières années. Ce temps où nos mains touchent le monde, l’agrippe, mais n’en possède rien, où nos yeux surtout sont ouverts, accueillent la vie, toute, le regard concentré sur tout ! Celui qui s’en approche le plus, c’est Rainer Maria Rilke dans la huitième Elégie de Duino, poésie rude, puissante comme un torrent. Egalement, l’écrivain Christian Bobin dans la poésie en prose qu’il sème dans tous ses livres (pour les cancres, l’Autoportrait au Radiateur sera une punition exemplaire).

Dans la vie je crois n’avoir que trois fiertés. Celle, à laquelle je n’ai aucune part, qui est de porter un prénom d’Arbre. Celle de parfois réussir à transmettre à mes étudiants un peu de la passion qui m’anime et de les voir cheminer dans la vie, ce qui m’apporte une joie presque paternelle. Et puis celle incommensurable de capter le regard des enfants, j’ai l’impression de parler avec les enfants le langage des yeux et cela me comble de bonheur.

Comme Après l’Ondée.

Après l’ondée
Ciel clair
Dans l’air purifié
Hésitation fleurie
D’une mémoire perdue

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