Pour Monsieur

Pour Monsieur serait le parfum actuel qui ressemble le plus au Chypre de Coty.

Je ne sais plus où j’ai lu cette remarque. Et je n’ai jamais senti le Chypre de Coty.
Je trouve poétique cette idée. Une réincarnation de ce parfum légendaire serait là, tout près, "cachée en évidence". On trouve Pour monsieur distribuée partout. Jusqu’alors j’ai été rebuté par son côté formaliste, froid et "costard". Je voudrais que ce soit un "parfum", à sillage, alors qu’il se porte comme une cologne géniale.

L’IFRA a réautorisée plus de mousse de chêne. Chanel a amélioré la qualité de son galbanum sur les dernières années. Et si peut-être qu’un flacon tout neuf bénéficiera de la fraîcheur des ingrédients (qui-sais ?). Ça me rappelle que, jusqu’alors, je préférais carrément passer chez les filles et porter Cristalle (le normal en EDT), qui m’enchante vraiment plus. (En gros, on quitte la pondération ennuyante "bergamote, ciste(-labadanum), mousse de chêne" augmentée en chypre aromatique, pour une hybridation avec beaucoup d’hédione -"jasmin d’eau" synthétique- à la "Eau sauvage")

Mon père porte la version concentrée. En fonction des décennies, c’est la concentré ou l’EDT qui se distingue en étant meilleure. (En gros la concentrée a un effet "muscade", (elle est un peu plus épicé clou de girofle ; ce qui rend par contraste l’EDT plus moussu boisée, et mieux équilibrée). Son sillage meurt le temps qu’il sorte de la salle de bain. Une fois, avec ma mère, on a pisté une odeur, mais ce n’était pas le citron orientalisant de "pour monsieur", mais le Boucheron Boucheron de son écharpe dans la pièce d’à côté. (Jaïpur de Boucheron, d’Annick Ménardo, fait d’ailleurs un bon citron orientalisé, moins maîtrisé de bout en bout mais plus fun).

Autre remarque, hier encore je lisais des avis sur les chypré - prunol (because Profumo d’Acqua di parma). Il s’avère que Pour monsieur peut passer pour féminin aux néophytes (c’est une trame de chypre sur laquelle ressortent une fraicheur florale et citronnée). A l’inverse, les chypré-prunol, pourtant proche de l’archétype d’une féminité exubérante, peuvent passer pour masculin, à cause de la proximité de la prune madérisé avec les cuirs, et de la présence de notes animales dans le mélange.

Pour épilogue, je me demande si "pour monsieur" ne gagnerait pas à retrouver d’une micro dose d’ambregris (voire peut-être aussi de musc tonkin). Ca complèterait tellement bien le cadre... Avant les techniques de flaconnage moderne (rallongé un concentré plutôt synthétique à l’alcool pur en usine), il semblerait qu’il était d’usage de laisser tremper -macéré- les notes animales dans l’alcool qui servait à finir les mélange (c’est là un surcoût de la parfumerie traditionnelle, qui est de gérer beaucoup d’ingrédients naturels déjà dilués, lors de l’assemblage). Mais Chanel est assez fidèle à sa résolution du "pas de note animale", à la place sa signature dans ses parfums mainstream sont des notes animales de synthèse un peu plus chère que chez la concurrence (type muscone). Cette disparition d’un soupçon de notes animales est peut-être ce qui brouille la ligne de démarcation entre chanel ancien et moderne, et entre chypres qui finissent par se ressembler (pour monsieur, no19, cristalle). Même 31 rue cambon repose sur de l’ambroxan -je trouve- plus que sur de l’ambregris. Pourtant certaines notes comme l’ambregris (et l’hyraceum -pipi fossilisé-) ne reposent pas sur de la souffrance animale. (même si approvisionnement et l’instabilité de la qualité chaque année est un écueuil.)