Auparfum

Le parfum comme oeuvre de l’esprit ? Pas pour 2014 !

Le Nez Bavard

par Le Nez Bavard, le 6 janvier 2014

Bonjour ChrisB,

D’autres vous ont déjà répondu, mais je souhaitais réagir à vos propos. Je pense que votre position vient peut-être du fait, comme le dit Jicky, que l’odorat n’est pas considéré comme un sens assez "valable et fiable" pour pouvoir accepter que les formes olfactives aient une identité propre et qu’elles constituent bien en une œuvre de l’esprit.

Pour petit rappel, c’est grâce au vide juridique total qui entoure aujourd’hui le parfum que de telles entreprises peuvent exister : http://www.pirate-parfum.fr/
Ce site surfe donc totalement sur l’inexistence d’une protection pour les formes olfactives, se gausse du savoir-faire et de la créativité du parfumeur, et affirme haut et fort que "de toute façon, le parfum c’est trop subjectif, ça dépend de la perception de chacun" (donc je peux vendre éhontément des COPIES sans craindre aucune représailles). Cette position n’en fini pas de me hérisser les poils, car j’en ai assez de cet argument qui ne tient pas la route une seconde. (Attention je ne m’énerve pas contre vous hein, je développe juste mon propos.)

La différence de perception et d’interprétation existe en réalité pour n’importe quel art, sous quasiment n’importe quelle forme. J’ai l’impression que les gens oublient que lorsque l’on parle d’art, il s’agit toujours de quelque chose de personnel. Regarder un tableau, écouter un morceau de musique provoquera des émotions et des images différentes, même chez un seul et même individu, selon qu’il soit triste, mélancolique, heureux ou euphorique. Pourtant, on a arrêté depuis longtemps de dire que "la musique ou la peinture, c’est trop subjectif". Pourquoi ? Parce que presque toutes les autres formes d’art (visuels et auditifs notamment) ont eu le temps d’établir un langage commun qui sert à faire correspondre les visions et les interprétations entre elles. S’appuyer sur les critiques d’art pour comprendre une œuvre est une bonne chose : cela peut donner des clés pour regarder l’œuvre d’un œil différent, ouvrir des portes pour laisser entrer des images, permettre au spectateur d’entrer, autant que faire se peut, dans la tête de l’artiste. Mais à l’arrivée, l’émotion et la perception sont personnels. Pourtant, même lorsque l’on y connait RIEN en musique (comme c’est mon cas) ou en peinture, cela ne vient à l’idée de personne de contester le fait que la musique est un art et les musiciens des artistes (Même des artistes comme Justin Bieber *tousse tousse*)...

Les parfums et la parfumerie souffrent donc du fait que le langage pour les décrire est peu maîtrisé, confus, et non-structuré par l’éducation et la culture (encore que nous sommes en France, et d’autres cultures comme la culture indienne et moyen-orientale dans son ensemble accordent une place importante aux odeurs). C’est un des points que nous abordons souvent entre nous autres passionnés : le but n’est pas que tous le monde ait la même vision, mais bien que l’on ait assez de vocabulaire en commun pour se comprendre. Et c’est en cela que pour moi le jugement de la Cour ne tient pas : il est faux et primitif de dire qu’une forme olfactive n’est pas assez distincte et précise pour pouvoir être protégée. Ce n’est pas parce que l’on ne connait pas les mots pour la décrire que cette forme n’existe pas et n’est que la répétition et la mise en application d’une recette avec variantes. C’est nier le travail de toute une industrie et c’est aussi nier tous les échanges que nous avons ici et ailleurs depuis des années.

Cependant, je dois reconnaître que la décision ne me surprend pas. On ne pouvait pas en attendre plus de la part de juristes qui ne font que se baser sur l’état actuel des mœurs et des textes de lois. Cependant, cette décision fait tout de même preuve d’un manque de courage, d’ouverture d’esprit et d’objectivité (oui, oui) assez crasse. Mais je ne blâme pas particulièrement les magistrats sur ce point, je blâme une fois de plus l’industrie et ses parfumeurs qui, incapable de se fédérer pour des intérêts autres que financiers, laissent des ignorants (magistrats, scientifiques, administrateurs et membres de gouvernements) leur dire ce qu’ils ont à faire et leur dicter la manière dont les choses doivent fonctionner dans un domaine qu’ils ne connaissent pas.

Pour conclure sur la décision et faire un parallèle un peu lourd, mais parlant, on a longtemps considéré que les populations noires étaient congénitalement débiles, que les femmes n’étaient pas capables d’avoir un avis politique éclairé et indépendant, ou encore que l’homosexualité était une maladie...

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