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Eau Profonde

Thirdman

Flacon de Eau Profonde - Thirdman
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Stratosphérique

par Alexis Toublanc, le 6 mai 2014

Thirdman est une nouvelle marque de niche qui a lancé ses quatre premiers parfums début avril chez Liquides : Eau Monumentale, Eau Nomade, Eau Moderne et Eau Profonde. Dans un marché saturé et en tant que passionné dépassé par toutes ces nouvelles marques qui déploient une quantité de superlatifs à faire passer Kanye West pour Lao-Tseu, j’avoue avoir de moins en moins foi en tous ces discours sans cohérence avec ce qui, à la base, nous importe le plus : les parfums.

Thirdman revendique la discrétion, l’espace, l’abstraction et une modernité qui se veut à la fois accessible et détachée de tout contingent matériel. Pour cela, les quatre parfums se sont réappropriés les codes de la cologne, une eau fraîche et facilement appropriable, mais en lui donnant une perspective plus moderne grâce notamment à un travail sur le fond et sur le choix des matières.

C’est le genre de discours finalement assez casse-gueule où pas mal se sont engouffrés avec une direction artistique et une cohérence franchement douteuse (Atelier Cologne en chef de file). Sauf que cette fois et bien... tout ce qui est dit est juste. Les quatre parfums sont d’une simplicité et d’un détachement évident, sautillant sur un fil tendu au-dessus du vide, et ils apportent un propos qui à la fois me parle et me déstabilise, lentement mais sûrement. Pour vous faire découvrir l’esprit de cette nouvelle gamme, je vais me concentrer sur l’Eau Profonde qui, si elle n’est pas ma favorite, est celle qui, selon moi, exprime avec justesse l’idée que l’on pourrait se faire d’une "eau contemporaine", comme le revendique le dossier de presse.

S’il y a un registre de parfum qui a du mal à paraître neuf mais sans jamais sembler vieillot, c’est bien celui de la cologne. Souvent réécrite mais rarement complètement renouvelée (en cela, la Cologne de Mugler est un chef d’œuvre incontestable), c’est un schéma réconfortant où le plaisir d’une formule simple et de matières souriantes suffisent à rendre un perfumista heureux le temps de deux petites heures. Tout le monde peut porter une cologne sans trop se poser de questions. En revanche, rares sont les colognes qui permettent d’exprimer une certaine individualité, qui ont ce je-ne-sais-quoi de détourné, à même de s’humaniser comme peuvent le faire les chypres ou les floraux, parfums impétueux et caractériels.

Décrit comme un « ambre atmosphérique », et si je cherche toujours l’ambre, rarement l’adjectif « atmosphérique » n’aura sied avec autant de convenance à un parfum. Sophistiqué et minimal, l’Eau Profonde bruisse comme le vent par un envol cristallin presque salé s’illuminant de notes héspéridées et musquées. Transposant comme jamais l’idée du « ciel blanc », fantasme absolu de toute personne portée sur de minuscules sensations pleines de grâce et d’humilité, le parfum souffle plus qu’il n’évolue. Les quelques touches de bergamotes sont balayées avec douceur par un vent sec, chaud et minéral, où la sensation prime sur la matière. L’aspiration glaciale du géranium est aussi là pour élever encore et encore la composition loin dans le ciel, là où l’oxygène se raréfie et les températures diminuent. Et là, le perfumista s’extasie ou… soupire d’ennui. Car il ne faut pas chercher de notes aptes à faire corps avec votre peau, toute cette Eau glisse sans jamais pousser de râle charnel : absence, présence, il ne reste qu’une ombre de cèdre sec comme point de repère. Le reste, tout n’est qu’impressions abstraites, formes vides (en cela, le sentir distraitement ne fera qu’effleurer sa surface et vous passerez forcément à côté) et ondulations lointaines.

Loin, très loin, de toute l’incarnation des parfums classiques, Thirdman ouvre avec délicatesse une nouvelle fenêtre sur la question de modernité en parfumerie : une modernité désincarnée, floue, abstraite à souhait et difficilement saisissable à qui n’est pas familier avec les effets des matières modernes. Voilà un parfum capable de créer le débat. Bien qu’assez peu référencé (d’où un probable désamour de certains passionnés), l’Eau Profonde peut finalement donner l’impression que L’Antimatière chez LesNez a rencontré la construction d’une Eau de Guerlain pour vous donner une idée de ce que peut être ce parfum. Mais ne vous y fiez pas trop, l’Eau Profonde fait tomber beaucoup des repères que nous nous sommes fixés. Parfum d’espace informe, au final, voilà peut être l’odeur des rêves que l’on oublie à la seconde même où nos yeux viennent de papillonner.

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hangten

par hangten, le 7 mai 2014 à 14:26

Bonjour Jicky !
A lire tes réflexions sur la modernité, je me posais la question suivante : n’est-il pas possible de faire un partage entre ce qui relève du moderne et ce qui touche au contemporain ?
Au même titre que l’art, je verrais bien dans le "moderne" une simple évolution de la question du traitement de la représentation, de l’imitation, de l’évocation (oui, pourquoi n’envisagerait-on pas le parfum en terme de représentation / re-présentation ?)alors que serait contemporain ce qui confinerait au parcours, à l’expérience, en dehors de tout critère véritablement esthétique sur un plan olfactif...?
Bon...

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par Jicky, le 7 mai 2014 à 14:53

Je me suis déjà posé la question, mais je ne suis pas du tout un spécialiste de la question. Du coup je m’étais restreint à ce que tu appelles le "parcours" pour le contemporain : le parfum contemporain serait un parfum qui traverse un peu l’histoire de la parfumerie pour arriver à un propos d’aujourd’hui (un peu comme quand on fait le lien Femme -> Diva -> La Panthère), là où le parfum moderne serait juste une sorte de nouvelle forme (sans être forcément révolutionnaire). C’est plutôt simpliste comme raisonnement. Mais pour simplifier ce que je disais plus bas, j’ai évité de faire la distinction (surtout que vraiment ce n’est pas un maîtrise que je domaine, donc ça fait touch my tra lala après).

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par hangten, le 7 mai 2014 à 15:01

Arghhhh !! Simpliste ! Oui on m’appelle Simplet souvent ! ;-)
Simplement (encore !), il me semble tout de même que ce partage opère un peu pour l’idée d’expérience... Car comme en peinture (par exemple) il faut aussi savoir sur quelle démarche on se situe, pour éviter de ne rien comprendre, et d’émettre un beuuuuuuuuurkkkkkkkkkkk...

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par Jicky, le 7 mai 2014 à 15:34

Ah mais quand je dis simpliste je parle de mon raisonnement pas du tien !
Mais sinon je suis d’accord avec toi, on peut aussi faire des textes genre "les pinrfims ça sent boooon <3 <3". (Je suis sûr qu’Opium serait capable de faire moins de 25 paragraphes du coup !)

#LaPyramideM´inspire

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par hangten, le 8 mai 2014 à 00:33

Pauvre Opium !
En fait, en relisant ce que j’ai écrit, je me rends compte que j’ai "ripé", et je dois en toute honnêteté rectifier mon partage : moderne et conceptuel, et non pas moderne et contemporain ! C’est Carmencanada qui m’a fait me rendre compte de ma grossière erreur ! Avec le terme idoine, je pense que mon propos est plus clair !

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par Nombre Noir, le 7 mai 2014 à 13:24

Quel nom magnifique ! Très beau design aussi avec ce flacon minimaliste et cette boîte d’un bleu presque Klein. Ça plus la description faite par Jicky, ça donne envie de plonger ! En plus le minimalisme c’est vraiment un concept qui m’attire inexorablement (du moins en théorie car à l’arrivée je vais plus avoir tendance à aller me "vautrer" dans Eau lente ou Chergui que de me nimber d’Odeur 53...)
Ceci dit Eau profonde pourrait bien aller rejoindre rapidement la rubrique des "mal nommés" car si je comprends bien on est plus dans l’aérien que dans l’abyssal ?

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par Jicky, le 7 mai 2014 à 15:01

Oui la packaging de la marque est très soigné. Le capot est en bois, avec le logo discret et assez efficace, la boîte est d’un joli bleu et surtout elle a un effet gomme mat assez sympa au toucher. C’est plutôt travaillé, et ça colle bien à l’univers épuré. J’en profite pour dire que les parfums sont proposés en splash de 250 et 500ml pour une gestuelle très cologne traditionnelle (et c’est vraiment plaisant comme geste). Après, je fais genre mais je suis vraiment un adepte du spray donc bon...

Pour le nom, peut être que la profondeur évoque plus la perspective que le côté abyssal ? C’est vrai qu’on est plus sur un univers très aérien (même stratosphérique, pour réprendre le titre du texte) que marin abyssal... Après c’est du domaine de la sensation, je ne dirais pas que c’est un mal nommé non.

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Vincent.

par Vincent., le 7 mai 2014 à 05:07

Excellent article sur ces colognes, que j’essaierais certainement. Mais vous ne citez pas les deux Eaux Hermes : Eau d’orange verte et Eau de narcisse bleu. Ces deux là me paraissent neuves à chaque fois et pas du tout vieillottes. Attention, n’essayez pas de LesNezer après le "moderne" Amen de Mugler, vous le regretteriez... Bon je retourne chez Annick Moreno !

Caoutchouteusementbrûlé vôtre,
Amen.

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par Vincent, le 7 mai 2014 à 05:33

Vous aurez rectifié en Menardo, j’en étais sûr ! :)

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par Jicky, le 7 mai 2014 à 11:57

Bonjour Vincent,

Les discussions autour des colognes reviennent souvent et une constatation avec elles : la Cologne toute simple n’existe plus. J’avais écrit une réponse sur une actualité the different company à ghostsam d’ailleurs que je recopie ici. Je disais qu’on pouvait finalement tirer quatre types de colognes :

- la Cologne historique : peu concentrée et hespéridée, typiquement la 4711, l’eau de Cologne Chanel ou les eaux de Guerlain (Impériale, Cédrat ou Coq, les deux autres étant encore à part)

- la Cologne en concentration : les parfums très dilués (genre à 3 ou 4%). C’est de plus en plus rare j’ai l’impression

- la Cologne moderne : c’est une sorte de réinterpretation de l’écriture de la Cologne, mais avec des matières propres à la Cologne. Pour moi une des plus réussies dans ce genre c’est L’Heure Brillante de Cartier. Il y a aussi la Cologne Bigarade chez Malle. A différencier de...

- la Faux-de-Cologne, pour reprendre un terme de Grain de Musc : qui est aussi une réinterprétation de l’écriture de la Cologne mais avec des matières différentes des traditionnelles. Elle est lancée par la Cologne de Mugler si tu vois le genre.

Ce que j’ajoutais c’est que c’était un peu une division stricte et que dans les faits, les familles se mélangent (on peut être une cologne classique et de faible concentration, une cologne moderne-faux de cologne).

Du coup, l’Eau d’Orange Verte c’est classique de la Cologne pour moi, ça ne fait ni vieillot ni très neuf (sous entendu "c’est pas un accord jamais senti complètement révolutionnaire et donc peut être enfermé dans une époque") ==> l’orange verte est portée aujourd’hui comme elle était portée lors de sa sortie. Là où quelqu’un qui porte Poison de Dior aujourd’hui sera forcément différent dans sa manière de le porter que dans les années 80. Tiens c’est drôle, la formule me fait penser au film "Inside Llewyn Davis" sorti fin 2013, je crois que le gars dit à propos de la folk "ça ne sonne pas vieux mais vous semblez l’avoir déjà entendu quelque part" (citation hypeeeeer approximative). Bref, voilà, la Cologne c’est un peu la folk de la parfumerie.

Pour le Narcisse Bleu, pour moi on est purement dans la Cologne de "concentration" : c’est à dire que c’est une cologne parce que c’est un parfum peu concentré, avec une envolée fraîche. Mais dans la construction, on est sur quelque chose de très différent, un départ très vert, fleuri et un fond boisé poudré (c’est un résumé extrêmement court). On est moins sur une réécriture de la Cologne "techniquement", plus sur une Cologne de "sensation" (fraîcheur vivifiante, plaisir instantané). Je ne sais pas si je suis très clair...

Pour Thirdman, je dirais qu’on est sur des colognes modernes voire des faux de colognes, puisqu’il y’a beaucoup de matières et d’effets de la Cologne traditionnelle (très zesté, hesperidé, frais) mais avec une constante dans le fond boisé musqué très moderne (c’est à dire avec des matières modernes, comme certains muscs, de l’ambroxan, d’autres notes boisées de synthèse,etc) et quelques pics de distinction : l’Eau Profonde a un côté géranium, l’Eau Moderne est plus irisé, l’Eau Monumentale a un mimosa et l’Eau Nomade est très épicée froide (pour résumer).

Voila, j’espère avoir été assez clair. N’hésitez pas si vous ne comprenez pas un point...

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ghost7sam

par ghost7sam, le 7 mai 2014 à 00:14

Bonjoir/bonsour
Je suis très curieux du débat de la modernité dans le parfum.
La technologie d’aujourd’hui donne-t-elle une meilleure qualité aux matières ? (linéarité parfaite pour les matières synthétiques, "sélection" de notes par rapport à d’autres grâce à la distillation moléculaire...)
Faire un parfum moderne, cela veut-il dire éviter les écueils académiques (le schéma cologne, la construction fougère, ou l’oriental adouci par la vanille...)

Jicky, c’est un mot que tu utilises souvent : "c’est moderne". Mais je trouve cela vague comme définition. Par exemple, tu me disais les Byredo sont modernes : oui c’est sûr ça ne sent pas "cette vieille parfumerie qu’il faut détruire" (copyright V.Nyberg), mais qu’est que cela veut-il dire exactement ?

Comment exprimer l’abstrait, le flou (et donc, en l’occurence, le moderne) en parfumerie ? en expérimentant des accords peu utilisés ? peut-être la "non-recherche" de charnel est un indice.

Plus de questions que de réponses jusque là ! mais c’est en tout cas un des problèmes qui me trottinent dans la tête depuis des mois et qui remonte à la surface de temps en temps.
— 
Peace.

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par Jicky, le 7 mai 2014 à 12:43

Salut Ghostsam !

Que voilà des questions pointues, doux Jésus.
Effectivement, la "modernité" en parfumerie est quelque chose d’assez flou encore. Et plutôt biaisé selon les interlocuteurs... Quand je discute avec Opium, Patrice, Newyorker ou Poivrebleu, on se comprend quand on parle de modernité. Quand je parle avec Thierry c’est déjà un autre sens (Rive Gauche est "moderne"... Mais on se comprend aussi !). Quand je parle avec des gens "normaux" de la fac par exemple, c’est encore autre chose...

Il y a donc ce que "personnellement j’estime être moderne", ce qui "sur le marché et de manière plus objective, est moderne" et ce qui "techniquement et artistiquement est moderne". Je gère moins sur la troisième catégorie, n’étant pas du tout formé en histoire de l’art, même si la spécialisation en parfumerie aide. Mais pour ce point, je te conseille d’aller lire Grain de Musc qui est bien pointue sur ce sujet (elle a publié trois articles récemment sur ses aventures à Berlin avec Christophe Laudamiel... Je suis sûr que ça t’intéressera !).

Pour répondre simplement à tes questions, oui la parfumerie est de plus en "moderne" au niveau des matières premières. Les techniques d’extractions, les fractions, la distillation moléculaire, la synthèse... Ce sont des progrès constants, et des progrès visibles en parfumerie. Je pense que ce sont des progrès qui seront aussi visibles pendant longtemps, puisque l’industrie de la parfumerie recrute désormais des chimistes pour ses parfumeurs et forme des parfumeurs avant tout techniques plus qu’artistiques (constat doux/amer...).

En revanche, les schémas classiques, traditionnels ne sont pas, selon moi, des "écueils". Ce sont des structures, des architectures qui permettent de "classer" les parfums. Les gens diront toujours "ouais mais moi j’aime pas quand on range dans des cases", c’est faux (et ce n’est pas forcément négatif). Comprendre une structure, c’est apprendre à aborder un parfum. En revanche, les formes olfactives ne sont pas forcément fixes, on peut voir des facettes chyprisantes dans une fougère, un esprit Cologne dans un floral, une construction aromatique dans un cuir. C’est simplement des manières de rentrer dans un parfum. En revanche, est ce qu’aujourd’hui les familles olfactives telles que nous les connaissons aujourd’hui permettent de classer tous les parfums ? C’est un débat qui commence à naître chez les passionnés, je ne sais pas s’il a lieu chez les professionnels (j’imagine que oui). Mais disons que la famille des gourmands n’est pas celle des orientaux, que les marins ne sont pas forcément des floraux... Et il y a des parfums inclassables. Vol de Nuit en classique est un parfum qui contient presque toute la parfumerie (sans jamais sombrer dans le gifoutou). Dans Tes Bras récemment est inclassable. Boisé, ok. Personnellement j’aime le considérer comme un chypre (un peu par provocation aussi, c’est mon côté jeune merdeux)... Et son côté inclassable le rend vraiment moderne pour le coup.
Mais pour en revenir à ta question, tu peux être moderne en réinventant, voire (pire !) en suivant à la lettre une structure traditionnelle. Je pense que La Panthère pose un constat très intéressant de ce point de vue... C’est un chypre on ne peut plus traditionnel en construction et en sensation, mais il est terriblement moderne. Pourquoi ? Je pense notamment avec cette écriture assez veloutée et vaporeuse qui ponctue chaque note. (gros résumé encore une fois).

Quand je dis "c’est moderne" avec le regard déprimé dans le vide et des images de Nyberg dans la tête, là c’est plus techniquement. Genre y’a que des matières modernes que les parfumeurs doivent trouver absolument géniales... Et qu’on retrouve beaucoup en niche, comme en grand public. Y’a eu la calone dans les années 90, maintenant on a les bois ambrés. Les Byredo, c’est moderne pas tant intellectuellement (quoique certains soient vraiment intéressant) que techniquement : c’est beaucoup de grosses structures modernes bien connues et qui n’apportent pas grand chose en terme de beauté, d’écriture. Et c’est toujours le même fond boisé musqué indistinct mais qui pulse bien à fond les ballons.

Enfin, pour l’abstraction en parfumerie, n’oublions pas une chose, c’est que c’est la base de la parfumerie occidentale cette abstraction. Elle nait avec Jicky, devient célèbre avec le N°5 et se retrouve encore parfois aujourd’hui. C’est la qualité de fondu entre les notes, de texture unique alors apportée, qui apportent des sensations que le public ne peut pas vraiment interpréter avec des formes olfactives connues. Bien sûr cette abstraction est constamment réinventée, mais faire un discours sur l’abstraction en parfumerie, c’est presque banal. L’année dernière Jean-Claude Ellena faisait son petit malin avec Jour, mais en soi, c’est juste la base le bouquet floral indistinct (je fais un raccourci encore une fois, Jour apporte bien plus de choses que ce que les gens ont tendance à croire). Thirdman parle d’abstraction et c’est plutôt réussi, mais c’est aussi la base de la parfumerie. Bien sûr des accords peu utilisés vont donner un aspect abstrait, mais je pense que ce qui est important, c’est le fondu dans l’accord. S’il est hyper identifiable cet aspect nouveau, est ce que c’est encore "abstrait" ? Exemple : l’Eau d’Issey, le côté caloné était unique à sa sortie. Mais très identifiable, et surtout assimilable à des notes connues...

Le côté très peu charnel des créations Thirdman est assez intéressant, ce n’est pas LA réponse à la modernité, ni à l’abstraction. Ça peut être un élément de réponse, une idée tout simplement... En tout cas, je trouve très louable que la parfumerie pose encore ces questions là, et que des discussions naissent comme ça.

(bien sûr ce que je dis là ce sont de simples idées, des constats personnels pas forcément étayés théoriquement. Ce sont des pistes à creuser, pas des aphorismes à graver).

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par carmencanada, le 7 mai 2014 à 23:42

Je viens juste de recevoir des échantillons de Thirdman, donc pas encore de quoi faire ma maligne. Mais le discours sur l’abstraction c’est sûrement aussi, dans le tsunami du niche qui se fonde encore pour l’essentiel sur le principe figuratif "note/ingrédient + adjectif", une façon pas con de se démarquer. D’après ce que tu dis, j’ai l’impression qu’on est dans un territoire jusqu’ici plutôt occupé par la seule Giacobetti avec Iunx, non ?

Quant au débat moderne/contemporain, disons qu’en art, moderne ça irait chercher des avant-gardes des années 10 (Dada, tout ça) jusqu’aux 70s. Le minimalisme, par exemple, c’est 60s, donc moderne. Contemporain ce serait des trucs faits par des gens qui vivent maintenant, plutôt qu’une question de style. Toutes les écritures sont permises à ce titre : citation, déconstruction, détournements, réappropriations, changements d’échelle ou de proportion...

Par là-dessus, on peut appliquer au parfum ce qu’on applique en art : certains resucent des vieilles formules (là, on est dans la croûte pour galeries de seconde zone), d’autres innovent. Parfois dans l’hyper-commercial, parfois dans l’imbitable conceptuel.

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par ghost7sam, le 12 mai 2014 à 14:51

Merci pour ta réponse
Je vais en effet jeter un coup d’oeil sur les derniers articles de Denyse.
"Le fondu dans l’accord" ça c’est intéressant ; si j’ai bien compris il y’a donc quantité de manières d’interpréter un accord : ça peut être dans le dosage, dans l’équilibre, dans le choix des matières ou même dans les matières étrangères à l’accord qui vont le faire parler différemment.
C’est logique en fait c’est exactement comme en musique
— 
peace.

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Jicky

Jicky

a porté Eau Profonde le 7 septembre 2014

Il a fait ses premiers pas dans le monde du parfum en 2010 en écrivant sur le site Auparfum, puis sur son blog Dr Jicky & Mister Phoebus. Il a poursuivi des études pour apprendre la création de (...)
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