Mike Masson : "Haramens est une alternative à la parfumerie dans notre ville"
par Clara Muller, le 30 octobre 2015
Auparfum continue son tour des parfumeries de niche en province. Il y a cinq ans le parfumeur Pierre Guillaume s’est mis dans l’idée d’ouvrir une boutique de parfums de niche dans sa ville, Clermont-Ferrand. Rencontre avec Mike Masson, gérant de cette boutique multi-marques.
Auparfum : Etes-vous originaire(s) de Clermont-Ferrand ?
Mike : Oui, ici nous sommes 100% auvergnats !
Comment en êtes-vous venu au monde du parfum ?
J’ai une formation de sommelier. Il y a cinq ans, je travaillais dans un hôtel, or il se trouve que c’était l’hôtel où Parfumerie Générale logeait les personnes en formation. Pierre Guillaume m’a débauché et m’a formé. D’abord j’ai appris et mémorisé tous les parfums de la marque, puis il m’a fait découvrir les matières premières, etc. De cette manière je peux vraiment parler des parfums aux clients.
Comment avez-vous choisi les marques avec lesquelles vous souhaitiez travailler dès le début ?
Nous voulions des marques sérieuses, avec une cohérence esthétique et des gammes longues. Nos marquent se complètent les unes les autres, il n’y a pas de redondance. C’est comme dans une galerie d’art, il faut établir une collection qui soit cohérente.
De plus nous voulions conserver une sélection très resserrée. Aujourd’hui la boutique propose environ 160 parfums pour huit marques différentes (Parfumerie Générale, Etat Libre d’Orange, Acqua di Parma, Diptyque, Byredo , Atelier des Ors, Phaedon...)
Comment définissez-vous votre boutique ? Est-ce simplement une parfumerie ?
Haramens est une alternative à la parfumerie dans notre ville. On ne porte pas de jugements de valeur, on ne dit pas qu’on fait mieux, mais on fait autre chose. On veut servir d’écrin aux marques, notamment en les respectant dans leur concept. Nous avons aussi récemment racheté la boutique d’à côté où nous vendons encore des chaussures. Cela sert en quelque sorte d’hameçon. D’autre part, nous sommes aussi mécènes d’art contemporain et grâce à un partenariat avec une galerie de la ville : nous exposons des œuvres dans la boutique et nous essayons de les faire tourner.
Que signifie le nom de la boutique, Haramens ?
« Haram » est à l’origine du mot « Harem » qui désigne un lieu clos et avant tout un lieu à part, caché aux yeux du monde. Le -ens viens simplement du mot « Encens ».
Quel type de clientèle fréquente la boutique ?
On a des clients de tous les horizons, qui reviennent régulièrement, mais aussi des touristes liés à l’économie locale, car le siège international de Michelin se trouve en ville.
Quels types de demandes les clients formulent-ils et comment les conseillez-vous ?
Souvent les gens ne savent pas trop ce qu’ils veulent, il faut décoder leur langage pour déterminer leurs désirs. Certaines personnes qui entrent ici nous demandent une « consultation », parce qu’on fait du conseil sur mesure (à défaut de faire des parfums sur mesure, ce qu’on nous demande souvent). Les gens ont envie de porter des choses que tout le monde ne porte pas. Ce n’est pas du snobisme, c’est de l’individualisme. Une bonne vente c’est trouver le bon parfum pour la bonne personne, et cela implique un bon vendeur. Ça doit être un plaisir d’acheter un parfum parce qu’on n’a pas besoin d’un parfum, on a envie d’un parfum.
Comment parlez-vous des parfums, au-delà du conseil ?
On raconte l’histoire du parfum, on parle des matières, de la façon dont elle sont traitées. Le consommateur a souvent besoin d’être éduqué, par exemple sur la question du naturel en parfum... Il faut faire de la pédagogie. [1]
Avez-vous pu définir une typologie de ce qui se vend bien (ou mal) ?
Les ouds sont compliqués à vendre ici... Les notes vertes aussi sont toujours un peu problématiques.
Quelle différence y a-t-il selon vous entre les parfums de peau et d’intérieur, du point de la vente ?
Les gens qui entrent pour acheter une bougie, c’est un peu un moyen de prendre contact avec nous, de mettre un pied dedans. La vente d’une bougie nécessite aussi des explications, sur la manière par exemple de bien la faire brûler.
Pensez-vous qu’il y a une grande différence entre la province et Paris pour ce qui est de vendre du parfum ?
Je ne sais pas... Ici on vend à tous, à des gens normaux. On ne s’adresse pas à une élite. Il faut certes s’adapter à sa ville, avec des prix accessibles et ne pas proposer que des parfums très conceptuels. On vend des choses portables.
Suivez-vous les blogs et les magazines sur le parfum ?
Oui nous suivons Auparfum et Beauté Test.
Qu’est-ce que le parfum selon vous ?
Le parfum c’est le dernier accessoire qui fait la tenue vestimentaire, la touche finale mais la plus importante.
Propos recueillis par Clara Muller le 5 octobre 2015.
—
Haramens
17 rue St Genès
63000 Clermont-Ferrand
Du Lundi au Samedi : 10h à 18h
[1] A propos de pédagogie, n’hésitez pas (re)découvrir notre dossier Les 10 idées reçues sur le parfum que vous pouvez oublier, notamment concernant... les parfums naturels
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par Chanel de Lanvin, le 31 octobre 2015 à 14:09
Acqua di Parma se retrouve un peu partout,je dirais que cette maison devient la base de la parfumerie de luxe et non pas la référence en niche,cependant pour une entrée de catalogue pourquoi pas.
Je suis entièrement d’accord avec " Le parfum c’est le dernier accessoire qui fait la tenue vestimentaire, la touche finale mais la plus importante."
par Hadrien de Nocieve, le 31 octobre 2015 à 09:40
"D’autre part en province on ne peut pas se permettre de se foutre de la gueule des gens... On vend du consommable" Donc a Paris les parfumeurs le font ????
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par Nicolaï, le 1er novembre 2015 à 08:35
Pas forcément les parfumeurs, mais ceux qui leur commandent un jus, oui. (Ou plutôt qui achètent au kilo un jus anonyme à Grasse et l’habillent, le storytellent...) Le "chef" de la marque quoi, qui veut absolument son parfum ou sa bougie, pour être dans la hype. Là oui, y a enfumage à fond. Mais comme il y aura toujours des jambons pour se faire enfumer, tout va bien :-)
par domik, le 3 novembre 2015 à 17:09
Bonjour
Votre commentaire attiré notre attention sur le fait que la retranscription de ce qu’avait dit Mike Masson dans un contexte d’interview orale laissait trop d’ambiguïtés... Nous avions d’ailleurs hésité à la laisser. Et puis parfois, oublie :)
Nous ne voudrions surtout pas lui faire dire des choses, par manque de précision de notre part, qu’il n’a pas dites ou voulu dire. Nous avons pris sur nous (auparfum donc) d’enlever cette phrase, car il nous semble que le principal n’était pas là.
Bonne fin de journée !
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Parole de Clermontois.
Plus qu’une alternative, cette parfumerie est surtout singulière par l’évidente complicité, la symbiose qui combine entre elles l’intimité aérienne que dégage cet espace, celle confidentielle que confère cette collection rare de parfums d’exceptions, celle exaltante que dévoile l’éveil de tous vos sens. Mike Masson est l’arrangeur qui harmonise l’invisible rencontre des couleurs et des notes d’une mélodie qu’un parfum ne révèlera qu’à vous.
2 Juin 2017 : 1ère visite chez Haramens à Clermont-Ferrand, ville auvergnate, reconnue pour sa qualité de vie, reine de la pierre volcanique de Volvic, siège des pneumatiques Michelin, 4éme plus grand Zénith de France, … Clermont-Ferrand où se trouve le siège des parfums de la marque Pierre Guillaume , jeune nez que certains rapprochent de Jean-Claude Ellena pour leurs créations « humanistes », chacune avec leurs particularités.
Entrer dans la boutique de cette rue commerçante c’est mesurer avec délectation l’inutilité délicieuse du luxe vrai que révèle la délicatesse généreuse et la volupté pudique de cet écrin d’une sophistication savante sans ostentation. Loin de la viscosité d’un sanctuaire clinquant, chic bling-prout suintant pour bobos formatés.
La pierre de lave, le cuir d’autruche… Curieusement la dominante noire illumine les flacons et les cloches de verre recouvrant certains de ces mystérieux élixirs. Un regard circulaire dévoile les univers concordants de différentes gammes, dans un fondu enchaîné harmonieux de « niches » vous invitant à l’exploration. Le parfum est là, d’une élégance sobre, inhabituellement sage, une séduction étonnamment réservée, attendant pour se dévoiler que le maître des lieux le présente à vous.
Mike Masson est avenant : la facilité avec laquelle il décrypte très justement le néo-langage (béotien) que j’emploie pour lui présenter ma quête finit de me mettre à l’aise. Je lui explique que je ne suis pas d’accord pour apprivoiser un parfum… (Parce qu’il plairait au plus grand nombre ? Non ; c’est au parfum de me séduire). Je savais avant d’entrer que Pierre Guillaume avait écrit que « c’est le parfum qui doit se faire à celui qui le porte ». Mike Masson me donne la mise à jour de ce propos : « PG dit que le parfum doit vous montrer que c’est de vous qu’il est amoureux ».
MM est conforme à l’intention qui l’habite (dévoilée dans l’interview) ; mais il n’est pas seulement efficace ; il est un vrai pro : il conseille et c’est le parfum qui choisit son client qui achète parce que MM a compris sa demande. Parce qu’en plus du savoir-faire, il maîtrise le savoir et l’excellence de son savoir-être.
Si PG est le nez humaniste et précieux, MM a LE pif de l’instinct réactif : je suis agréablement surpris déjà par la 4ème mouillette qu’il me présente dont la densité de la vibration me trouble ; je prétexte le souhait d’un 5ème essai qui n’arrive pas à me détourner du 4ème, sur lequel je reviens et qui me subjugue alors. Mike Masson m’a deviné : « Là, il se passe quelque chose… ». En effet oui : « J’ai le poil hérissé. Le frisson de la tête au pied ». La déclaration enflammée que m’a adressée ce parfum m’a tétanisé par sa spontanéité : pourtant la personnalité marketing particulière de ce parfum m’inspire la crainte qu’il ne soit pas fait pour moi. En même temps, le message personnel qu’il me destine reste confidentiel et le rend attachant, plus dermo-compatible. Malgré tout, je refuse un pschitt sur ma peau mais ne résiste pas à la tentation de l’intimité que l’échantillon proposé me promet, conscient qu’atermoyer le contact peut casser la magie du processus engagé. Quel qu’en soit le résultat, je pressens déjà la fin de mon curieux équipage olfactif commencé en 1986…
Je vous raconterai la suite de cette aventure dans les commentaires de l’article de Jeanne Doré sur Métal Hurlant (Parfumerie Générale – créations « Croisière »). Peut-être aussi ma quête de parfums et mes découvertes Pierre Guillaume dont certaines créations semblent vouloir me rencontrer...
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